L'histoire :
Le 26 août 1938, le détective privé Bernie Gunther se rend au milieu de la nuit dans les ruines du Reichstag allemand (NDLR : il a été ravagé par les flammes 5 ans plus tôt, par un bolchevik). Le mystérieux contact qui lui a donné rendez-vous en cet endroit n’est autre qu’Arthur Nebe, chef de la police criminelle de Berlin. Nebe demande à Gunther de réintégrer la Kripo, c’est-à-dire la police qu’il a quittée quelques années plus tôt. Il le prévient qu’il n’aura sans doute pas le choix, car le général Reinhard Heydrich saura se montrer persuasif… et il ne s’agirait pas de le décevoir. Le lendemain, Gunther se rend chez une riche cliente, l’éditrice Lange. Celle-ci demande au détective d’enquêter sur le maître-chanteur qui menace de dénoncer son fils unique Reinhard à la Gestapo pour son homosexualité – une « tare », qui lui vaudrait d’être déporté par le Reich nazi. Elle lui explique encore que Reinhard a fait un séjour dans un sanatorium de luxe, où il est devenu l’amant du directeur, le Dr Kindermann… et ce sont leurs lettres enflammées, l’objet du chantage. Etant donné le tarif très avantageux proposé, Gunther accepte. Il se réjouit par avance de pouvoir commencer par passer quelques jours dans un tel sanatorium tous frais payés…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans les romans de Philip Kerr, le détective Bernie Gunther est l’alter ego allemand du célèbre Philip Marlowe (de l’écrivain Raymond Chandler). Même trench-coat, même chapeau Fedora, même clope en permanence au bec, même sagacité intellectuelle pour résoudre les affaires, même époque, mêmes milieux interlopes… le cynisme ultime et imagé en prime, dans les encadrés narratifs que le scénariste Pierre Boisserie ne se prive pas d’adapter au format BD. « Cet été-là, Berlin était aussi chaude que l’aisselle d’un boulanger ». Le premier tome de cette Trilogie, très dense, avait donné le ton en 2021, avec des crimes mêlant les milieux industriels et politiques – dont Hermann Göring. Le même duo d’auteur réitère la même recette, avec un Gunther toujours aussi attachant en raison de son intégrité tout-terrain et de sa répulsion pour le dogme nazi… quand bien même il est obligé dans cet opus de réintégrer la Kripo (police criminelle). Il se confronte cette fois à des crimes en série de jeunes femmes, liés à des affaires de mœurs et d’occultisme, mêlant cette fois Himmler et Heydrich, deux des responsables du musèlement de l’opposition pendant le Reich. Le résultat en 136 pages est tout aussi dense, mais peut-être un chouya plus accessible que le premier volume. Le dessin à la ligne claire de François Warzala offre une peinture d’époque très réaliste, avec des plans sur les bâtiments authentiques, des costumes et éléments documentés, dans une ambiance en permanence délétère.