parution 08 août 2020  éditeur Otium  Public ado / adulte  Mots clés Guerre / Historique / Politique

Mille vies

Un album « autobiographique » exemplaire, solaire, même si grave. Toute la force de la bande dessinée espagnole en un titre, augmenté de 38 planches et d’un appareil critique.


Mille vies, bd chez Otium de Galvez, Lopez
  • Notre note Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

    TRÈS BON   Green Star Green Star Green Star Dark Star

    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • Scénario Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

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  • dessin Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

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©Otium édition 2020

L'histoire :

14 avril 1931 Madrid : le jeune Miguel Nunez, accompagné de son père, au milieu d'une foule populaire dense, se rend à la Puerta del sol, célèbre place de la capitale, pour fêter la fin annoncée de la monarchie et l'entrée en République. Si cette euphorie ne va pas durer, c'est pour lui, fils de communiste, le début d'un engagement sans faille. 1932 voit le soulèvement du général Sanjurjo, puis novembre 1933 l'arrivée au pouvoir de la droite la plus réactionnaire. Il faut attendre 1936 pour que le front populaire ramène, non sans lutte, un vent d'enthousiasme. Mais celui-ci est rafraîchi par une tentative de coup d'état. Miguel et ses amis, engagés au sein de la fédération universitaire scolaire, font partie des forces loyales à la République, et se lancent dans une résistance armée qui se transforme en guerre civile. Parce qu’ils considèrent leur engagement autrement qu'uniquement sous un angle militaire, ils créent les milices de la culture et éditent même une BD ou parrainent un atelier de couturières. Cependant, en tant qu'opposants à un régime fasciste qui ne dit pas son nom, ils sont non seulement combattus, mais aussi traqués. Et lorsqu'ils sont capturés, ils sont emprisonnés, torturés et souvent exécutés. Torturé, lui va l'être à plusieurs reprises, dans de nombreuses prisons et va cumuler 17 années d'emprisonnement, entrecoupées de fuites, d'active implication dans les réseaux de résistance au régime franquiste. Enfin, en 1977, le parti communiste est légalisé, et il va être élu député pour cinq ans. Une continuité d'engagement, plébiscitée, cette fois-ci.

Ce qu'on en pense sur la planète BD :

Miguel Nunez est une figure du communisme espagnol et surtout de la lutte contre le franquisme. Son engagement politique sans faille, mais aussi celui, plus social et culturel, au sein de l'association espagnole pour la coopération avec le Sud, qu'il crée en 1982, pour venir en aide aux populations du Nicaragua, ou bien encore celui de la mémoire, en 2004, avec l'Amesde, pour sauver de l'oubli les combats antifranquistes, auront marqué toute sa vie. Il décède relativement paisiblement, de poumons maltraités lors de son séjour comme travailleur réfugié, sous un faux nom, en 1949 dans les mines de silice de Nemours en France. Avant cela, il aura pris le temps d'écrire ses mémoires : La révolution et le désir, dont se sont inspirés Pepe Galves, qui l'a connu, et Alfonso Lopez. L'un est un scénariste de talent, spécialisé dans le polar, et grand connaisseur du neuvième art. Son implication sincère a été telle qu'elle a participé sans aucun doute à l'obtention par la généralité de Catalogne du Prix National de la Culture pour la première édition de Mille vies en 2011. Mais que serait ce superbe album aux qualités humanistes historiques et pédagogiques (24 pages bonus impeccables de notices en images, biographies, bibliographie...) sans le talent d'Alfonso Lopez ? Ce dessinateur assez peu connu en France révèle ici toute l'étendue de son talent. Avec un noir et blanc légèrement charbonneux, réalisé à la plume et au pinceau, s'exprimant dans des planches de trois cases maximum, mais le plus souvent deux ou en pleine page, il s'impose comme l'un des grands dessinateurs de son époque. Fluidité des courbes virevoltantes, aplats puissants, expressivité des visages, impressionnisme des scènes difficiles, pour mieux les évoquer. Fernando Lopez rend même, avec une poésie rare, dans un genre plus jeunesse, la fin de vie du « héros », grâce à une scène de dernier rêve émouvante. Un ouvrage comme celui-ci illustre dans son propos avec clarté les valeurs de l'humanisme, et au niveau de sa forme, l'excellence dont peut être capable un éditeur. Il se trouve que les éditions Otium défendent des causes et des auteurs engagés. Or, en 2021, nul besoin de préciser que les engagements citoyens sont plus que jamais nécessaires. Car, comme l'évoque une des citations de Miguel Nunez reproduites en fin d'ouvrage : « l'humanité, à défaut de transformer radicalement le système qui le gouverne, court inévitablement vers son autodestruction ». Transformez nos vies en achetant cet album !

ISBN 9791091837224