L'histoire :
En ce soir de novembre, le vent a soulevé de monstrueuses vagues qui semblent prendre leur élan depuis l’horizon pour venir agresser la côte. Brisée par les bancs des granits, l’écume en une myriade de crachats étincelants se retire en s’agrippant aux moindres aspérités de la roche. Le noroit, non moins violent, a l’avantage de ventiler l’infect furoncle qui est la misérable cabane de la côte de Pempoul. En s’immisçant dans l’ossuaire, il fait chanter les cadavres des chiens, des chevaux, des vaches et des peaux ensanglantées qui annoncent bien trop que le propriétaire est un cacou, un écorcheur. À l’intérieur de l’infâme bicoque où on n’entend que les vagues qui frappent les rochers et les grondements de la tempête, on se souvient qu’aujourd’hui c’est le jour des morts. La famille qui habite ici vit recluse. Au village l’entrée de l’église leur est interdite et le boulanger leur jette des morceaux de pain. La violence au sein de ces rejetés est omniprésente tant leur vie est difficile est plein de rancœur. Alors même qu’elle s’apprête à se déchainer, quelqu’un frappe à leur porte à leur grand étonnement. Devant eux, se tient un homme a fière allure. On le sait bien : il y a des héros qui sauvent la planète, il y a ceux qui sauvent l’humanité, ceux qui sauvent leur famille, leurs amours et ceux qui sauvent leur peau. Puis il y a Kernok le Pirate. Lui, ne fait partie d’aucune de ces catégories…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Riff Reb’s poursuit son exploration des récits maritimes sombres, un territoire qu’il connaît suffisamment pour ne plus avoir à en forcer les effets. Il s’attaque cette fois à l’adaptation du roman d’Eugène Sue afin de lui donner un souffle nouveau, sans pour autant chercher à transformer Kernok en figure héroïque ou en icône tragique. Reb’s choisit plutôt de montrer ce qu’il est : un capitaine brutal, obstiné et finalement assez peu aimable, dont la vie se résume à naviguer, piller, survivre… jusqu’à ce qu’une prophétie vienne fissurer cette mécanique bien huilée. Mais ce qui frappe d’abord dans cette BD, ce n’est pas la démesure, mais la sobriété. Les dialogues sont secs, les planches s’organisent dans un découpage volontairement classique, et l’humour noir n’est jamais surligné. Riff Reb’s mise davantage sur une atmosphère que sur le spectaculaire permanent : un mélange de fatalisme, de superstition et de violence froide qui correspond bien à l’esprit du texte d’origine. Graphiquement, l’auteur reste fidèle à son approche : un trait anguleux, des couleurs limitées mais expressives, et une volonté de rester proche du roman sans jamais se laisser enfermer par lui. Les scènes de mer fonctionnent particulièrement bien et les passages plus introspectifs, eux, paraîtront peut-être plus convenus. Au final, sans chercher à redéfinir la piraterie en BD, Riff Reb’s offre une adaptation solide et cohérente qui s’appuie davantage sur la maîtrise que sur la surenchère.