L'histoire :
En 1956, la guerre d’Algérie atteint des sommets d’ignominies, notamment dans les tortures pratiquées à la gégène par les militaires français sur les fellaghas, pour tenter de démanteler les réseaux de résistance du FLN. Sur le territoire français, parmi les membres de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète), se trouve un certain André Chenal, nom de code « Monocle noir » – il est borgne depuis la seconde guerre mondiale. Chenal tente d’unifier tous les partisans de l’Algérie française sous un même mouvement… qui ne s’interdit pas l’action armée. Mais en 1962, sont signés les accords d’Evian, qui donnent l’indépendance à l’Algérie. C’est officiellement la fin de la guerre. Mais de nombreux militaires qui ont guerroyé en Algérie, qui y ont laissé des amis, ou qui croyaient pouvoir maintenir ce vaste territoire Nord-africain dans le giron français, s’estiment trahis par De Gaulle. L’OAS change alors de braquet et décide de faire payer de Gaulle, alias la Grande Zohra, en le… tuant. Les services secrets démantèlent alors nombre de tentatives d’assassinat. En prime, le Général a souvent la baraka. Pourtant, ils ne peuvent empêcher une bombe destinée à André Malraux (Ministre de la Culture de De Gaule) d’exploser à Paris. L’explosion blesse grièvement une fillette, Martine, qui lisait juste un album de Caroline dans sa chambre. Elle perd un œil et reste défigurée à vie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Yann et le dessinateur Jérôme Phalippou terminent avec cet opus leur focus sur l’OAS contre De Gaulle, dans les années 60. Si le mode narratif de Yann, qui entremêle les époques dans l’ordre des séquences pour maintenir le suspens, peut porter à confusion sur l’ordre des actions / exactions et donc la géopolitique de l’époque, un peu de concentration et d’aller-retours à la lecture permet tout de même à ce diptyque de constituer un excellent focus sur l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) et la politique gaullienne de l’époque. On « comprend » pourquoi des militaires sont arrivés à cette extrémité de constituer un mouvement terroriste et d’assassinat du Président de la République, selon la légitimité du tyrannicide (on comprend, mais on ne l’accepte évidemment pas !). On assiste ainsi cette fois aux attentats ratés contre Malraux et à celui, devenu célèbre, du Petit-Clamart. On assiste aussi à l’exécution de son auteur, le colonel Bastien-Thiry, même si le personnage de « méchant » est un autre activiste qui fait penser à Jean-Marie le Pen : André Canal, ici renommé Chenal. Comme toujours chez Yann, le scénario est admirablement écrit, érudit et se permet moult clins d’œil aux personnalités de l’époque (Massu, Bardot, de Funes, Fernandel…) ou à des personnages de séries cultes de BD (Raymond Calbuth, Ric Hochet, Fantasio et Seccotine…). Phalippou soigne son dessin semi-réaliste, très agréable pour l’immersion dans la France des sixties et sur l’expressivité des personnages. Seul regret : sa caricature de De Gaulle est vraiment ratée.