L'histoire :
En 1544, Gabriel Fallope et son ami anatomiste André Vésale visitent le chantier de la Chapelle Sixtine au Vatican. Alors que la fameuse peinture plafonnière représentant Adam qui frôle du doigt le doigt de Dieu n’est que partiellement réalisée, les amis remarquent que Michelangelo a esquissé dans les draperies, côté Dieu, la forme parfaite du cerveau humain, jusqu’aux détails du bulbe rachidien. 15 ans plus tard, le roi de France Henri II fête le mariage de sa fille Elizabeth avec Philippe II d’Espagne en organisant une grande joute à Paris, à laquelle il participe. Porté par l’euphorie du moment (et le vin), il décide de faire un nouvel assaut face à son maître d’armes, le comte de Montgommery. Hélas, cette dernière joute est tragique : dans un violent choc frontal, la lance de Montgommery vient transpercer le heaume en métal du roi et se fiche dans son œil. On transporte en hâte le roi blessé jusque sur son lit, sans ôter son armure. Le médecin Ambroise Paré vérifie les constantes : malgré la blessure qu’on imagine terrible sous le heaume, le pou est régulier et le roi respire normalement. Le roi des Espagnes prend tout de même l’initiative de convoquer son médecin personnel, Vésale. Deux jours plus tard, on n’a toujours pas touché au roi, à son armure et à la lance fichée dans son œil, lorsque Vésale arrive a Paris. Ambroise Paré l’accueille avec professionnalisme, alors qu’il est de notoriété publique que les deux hommes se détestent…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
De notre point de vue franco-centré, le nom d’Ambroise Paré est bien plus connu que celui d’André Vésale. Le médecin belge est pourtant considéré comme le plus grand anatomiste de tous les temps (et assurément de la Renaissance). Il a osé remettre en question les travaux imparfaits de Galien sous l’antiquité et a fait entrer l’anatomie dans une nouvelle dimension moderne. Pour ce faire, il récupérait des corps de pendus, les disséquait et en réalisait des schémas d’une très grande précision… ce qui lui valut une gentille petite renommée morbide. Il est tout à fait authentique qu’il est appelé au chevet du roi Henri II, après que celui-ci a été mortellement blessé à l’œil lors de la joute des Tournelles. Au cours de sa carrière, Vésale côtoie de fait à de nombreuses reprise le chirurgien royal français Ambroise Paré. Et c’est sur la dizaine de jours que dure l’atroce agonie d’Henri II que le scénariste Laurent-Frédéric Bollée romance la rivalité probable et logique entre les deux médecins. Ici, Paré n’a certes pas le beau rôle : on le voit manipuler les événements, pour reporter sur Vésale la responsabilité de la mort programmée du roi, et sacrifier des prisonniers en les torturant, afin de tester le meilleur moyen de retirer une lance d’un œil. Cette dizaine de jours cruciale n’est pas si anecdotique : si le roi avait pu être soigné et avait survécu, Catherine de Médicis n’aurait pas connu une période de régence aussi longue et l’Histoire en aurait été profondément modifiée. En tout cas, le choix de ce sujet méconnu est original, plutôt bien traité en se focalisant sur le duel scientifique. Le dessinateur algérien Fawzi illustre cette histoire à l’aide d’un trait encré appuyé, plutôt réaliste. Il prend le parti, par moments, de points de vue oniriques – les humains transformés en squelettes – et ponctue chaque journée survécue par le roi par une illustration pleine page, où les squelettes prédominent, dans l’esprit des tableaux infernaux et morbides de l’école flamande de l’époque (Brueghel, Bosch, van Eyck…).
