parution 22 août 2012  éditeur Rackham  Public ado / adulte  Mots clés Chronique sociale

Personne ne me fera de mal

L’humanité est médiocre : chacun roule pour soi et méprise l’autre. Et que des aliens débarquent n’y change rien. Un one-shot « indé » offrant une conception pessimiste – mais intéressante – de la condition humaine…


Personne ne me fera de mal, bd chez Rackham de Monti
  • Notre note Yellow Star Yellow Star Grey Star Grey Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

    TRÈS BON   Green Star Green Star Green Star Dark Star

    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • Scénario Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

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    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • dessin Grey Star Grey Star Grey Star Grey Star

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    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

©Rackham édition 2012

L'histoire :

Un homme sonne au portail d’un immeuble, puis monte en ascenseur jusqu’à l’étage désiré. Il sonne à une porte. Une fille lui ouvre et le salue. C’est une pute. Pour 70 € comme convenu, ils baisent, après avoir discutaillé un peu. Puis ils se rhabillent et après quelques considérations sur le repassage des chemises, l’homme s’en va. La pute se gratte les fesses. Plus tard, après avoir mangé chez sa grand-mère – qui est un peu chiante, mais qui lui a donné un billet de 50 € – l’homme essaie une nouvelle pute. Mais elle est moins bien gaulée qu’annoncée et trop chère, alors il renonce. Plus tard, chez lui, tandis qu’il tombe des cordes, il repère un chat mort sous son balcon. Il enfile un imper et prend un sac poubelle. Par acquis de conscience, il sonne tout de même chez les voisins pour savoir si l’animal ne serait pas à eux… mais non. A l’aide d’une pelle, il fiche le chat dans le sac et le sac dans une benne à ordure. Le lendemain, il se fera enguirlander par une voisine en deuil de son chat, en raison de ce traitement abject. Plus tard, un homme pénètre dans la superette d’une station-service sur une aire d’autoroute. Il est le seul client. Il achète un sandwich, un coca, une seconde boisson pour la route, et fait mariner la serveuse : il est le seul de son car de supporters à être descendu, les autres roupillent tous...

Ce qu'on en pense sur la planète BD :

Sur les premières pages de ce one-shot publié par Rackham, c’est désarçonné qu’on découvre un récit-chorale pour le moins insolite. Des quidams lambda se confrontent à des banalités du quotidien, sans grand intérêt, ni constructions personnelles particulières. Machin se tape une pute ; Bidule fiche un chat mort à la poubelle ; Truc achète un coca sur une aire d’autoroute… Voyez le genre. Le souffle épique zéro. Et ça continue comme ça, sur un ton anodin et insipide – à dessein ! – révélant de plus en plus la médiocrité spirituelle et morale de la civilisation humaine… Jusqu’à un fait majeur, pourtant traité avec la même platitude : des extraterrestres débarquent. Attention, ce n’est pas l’évènement en soi qui redonne de l’intérêt au récit, bien au contraire. C’est la manière dont le genre humain l’appréhende, avec la même fainéantise intellectuelle, sans avoir conscience de l’importance que cela porte à sa destinée. Médiatiquement, par exemple, le « débarquement » est traité sur le même ton que l’ouverture des JO, amenant des téléspectateurs passifs à s’installer dans leur fauteuil avec des chips, à condition de n’avoir que ça à faire. L’absurdité de notre condition confine ici à l’obscénité. Des aliens rejoignent donc des aliénés, et le monde entier s’en tape le coquillard. On se réjouit presque du final tragique et néanmoins tout aussi triste et crasse que le reste, tant l’humanité a définitivement perdu toute gloire. L’auteur italien Giacomo Monti a donc la dent particulièrement dure avec son propre genre – et l’espoir en berne. Cet album désenchanté et démoralisant a sans nul doute l’intention première de secouer nos consciences. Certes, son dessin minimaliste en noir et blanc n’aide pas vraiment à s’enthousiasmer, réservant l’ouvrage aux amateurs de BD indé et décalées. Néanmoins, le propos qui affleure de ce traitement narratif et graphique déprimant, se montre pertinent et intéressant. Futur is dead ?

voir la fiche officielle ISBN 9782878271508