L'histoire :
Un influenceur aux 200 millions d'abonnés parvient à sensibiliser le Président de la République, qui depuis son bureau de l'Elysée se dit que le monde ne peut pas continuer sur le principe d'une croissance sans fin. La planète est en péril. Il décide d'agir. Six ans plus tard, une expérience incroyable approche de sa fin sur l'île de la Cité, en plein cœur de Paris. Le quartier a été quasiment coupé du monde pour tenter l'expérience de la décroissance, des jardins potagers, des ruches, des ateliers de réparation. Encore un an et le temps imparti pour tirer le bilan de cette aventure sera rendu public, les journalistes pourront revenir sur ce territoire dont ils ont été tenus éloignés pour ne pas fausser l'expérience. Sur place, Carl Mermot est le dessinateur de bande-dessinée qui a été chargé de publier sous forme de reportage son témoignage. Le problème est qu'il n'a pas encore trouvé son angle d'attaque. Il a produit des centaines de dessins mais n'a encore pas démarré son album. Dans une prison en dehors de l'île, une jeune femme va être choisie pour intégrer la communauté de l'île, et parfaire l'expérience avec son vécu forcément différent de celui des habitants du quartier écolo. Lorsqu'elle est accueillie par Bernard, puis présentée à Carl, il devient évident qu'elle va devenir le personnage central de l'album de BD en cours de création. Elle va donc découvrir l'île, ses habitants ultra motivés, et son petit noyau de détracteurs.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il faut vraiment être un convaincu de l'idée de décroissance pour tenir le choc des explications qui remplissent les pages de cet album. Elles arrivent toujours par la bouche d'un personnage qui explique à un autre (souvent Mila) les raisons pour lesquelles une décroissance choisie est à la fois une approche épanouissante et nécessaire pour la survie de la planète et de ses habitants. On apprend donc comment les décroissants imaginent le ré-équilibrage du monde, reconnaissent que ce choix doit être fait par tous pour ne pas condamner les populations qui avanceraient de manière isolée. L'album est totalement militant, très manichéen dans sa présentation des avis contraires, mais pourrait-il en être autrement pour que la démonstration atteigne son but ? Nathalie, par exemple, une des représentantes des cornucopiens, à savoir ceux qui croient par optimisme que l'espèce humaine va trouver une solution au bouleversement climatique, a vraiment une tête pas sympa. En revanche, tous les membres de la communauté sont hyper cools, même le pseudo gourou qui se moque de sa propre perruque et de sa tenue. L'astuce de scénario qui consiste à expliquer comment Carl, le dessinateur ne parvient pas à trouver de scénario est un peu facile, et donc effectivement cet album ne parvient pas à sortir du piège de l'explication appuyée. Les centaines d'angles différents utilisés par Dominique Mermoux ne permettent pas toujours de contourner la lourdeur inhérente au choix narratif. La postface finit le travail ou achève le lecteur, selon qu'on est convaincu ou pas par le concept. On ressort de cette lecture avec une compréhension plus complète de la vision décroissante et de sa cohérence. On n'a pas forcément une idée de la manière dont elle pourrait s'imposer, les auteurs font preuve d'humilité sur ce plan en insistant sur une sorte de vision politique globale. Et évidemment, on se rend compte que notre comportement quotidien est loin, très loin, de celui de la petite communauté de l'île Saint Louis.