L'histoire :
Lucas, maître-nageur de profession, mène une vie de célibataire dans un petit F2 en ville. Un soir, alors qu’il mange en regardant la retranscription télévisée d’une compétition de natation aux JO, la porte de son appartement s’ouvre sans bruit dans son dos. C’est sa sœur, Billie, qui débarque à l’improviste, sans sonner. Avant que Lucas ait pu prononcer le moindre mot, Billie fait comme chez elle. Elle jette un œil dans la marmite, lit ses factures, joue avec les poissons de l’aquarium… Et elle lui annonce que leur mère est en réanimation à l’hôpital depuis deux jours, très malade. Elle n’en a plus pour longtemps. Lucas ne dit quasiment rien. Peu ravi de cette visite, elle a au moins le mérite d’être informelle. Il enfile un jogging, remercie Billie et lui propose de partir, maintenant. Mais Billie allume une clope, elle a bien l’intention de dormir ici. Il est tard et Lucas va nécessairement avoir besoin d’elle dans les jours qui viennent. Lucas n’a pas trop le choix. Ses souvenirs d’enfance, face à sa mère et à sa sœur, qui a hérité de son caractère phagocytant, lui reviennent en mémoire, comme autant de bouffées d’angoisses. Billie s’installe, Lucas lui donne des draps et part se coucher. Sa nuit est hantée de cauchemars. Lui, petit Lucas, se noie dans les larmes de sa mère, qui agonise sur un lit d’hôpital…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les relations toxiques ne concernent pas que les amours ou les amitiés. Voici l’histoire familiale de Lucas face à sa sœur, véritable monstre social sans-gêne, intrusive, exubérante et pot-de-colle. Surmonter une telle situation est psychologiquement complexe, car si on choisit ses amis, on ne choisit pas sa famille. On est bien obligé de composer avec les caractères de ses proches de sang, même s’ils sont de plus en plus insupportables en vieillissant. Autrice complète sur cette histoire, Alice VDM n’a pas forcément une Vie De Merde, mais un patronyme imprononçable qui méritait bien ce pseudo. Elle nous brosse les portraits antithétiques de deux caractères opposés, que la mort proche de leur mère réunit sur un laps de temps court (une semaine ? un mois ?) dans un petit appartement. D’un côté, Lucas, discret maître-nageur célibataire trentenaire, ne demande rien d’autre que de conserver sa petite et humble vie. De l’autre, la nocive Billie, toute aussi célibataire indépendante, a le talent de tout phagocyter, d’imposer ses choix, surtout s’ils sont autodestructeurs et inclinent dans le sens de la mauvaise pente. L’autrice alterne le présent avec les souvenirs en flashbacks de l’enfance de Lucas, qui nous permettent de comprendre l’hérédité d’un tel caractère. Accompagné par une colorisation en aplats ternes, le dessin est stylisé. Alice VDM déforme à l’envi les dimensions des personnages lorsqu’ils deviennent aussi pénétrants qu’un étau mental, et abuse des rictus démoniaques et crispés. Ce traitement graphique en phase avec le ressenti émotionnel est la vraie plus-value de cette histoire. Tout le monde connait au moins une Billie. Personne n’aimerait l’avoir pour sœur.
