L'histoire :
Sébastien Mortimer, représentant en encyclopédies, doit conclure une ou deux ventes dans la dernière ville de sa tournée, mais à peine arrivé à la gare, il ne sait déjà plus qu'il a une valise. Se précipitant au dehors, il glisse dans des escaliers et chute lourdement, restant un moment inconscient. Il est réveillé et aidé par une jeune femme, Rebecca, travaillant dans une librairie proche : Fulgents, où elle l'accueille. Il se trouve qu'un auteur a dédicacé quelques heures plus tôt un roman traitant...d'un représentant en encyclopédies ! N'écoutant pas vraiment ce que lui raconte Rebecca, semblant pourtant éprouver des sentiments pour lui, il repart rapidement, cherchant à assurer son rendez-vous avec Madame Doveshal, sans succès. Alors qu'il serpente parmi les rues de la ville, entre hôtels, bars et taxis, croisant des personnes toutes plus étranges les unes que les autres, et appelant régulièrement sa femme pour prendre des nouvelles de leur fille, la police va commencer à s'intéresser à lui, car un meurtre a été commis, et ses agissements ne sont pas très clairs. Quelqu’un chercherait-t-il à le manipuler ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce roman graphique dense, on circule au sein de la ville tel le personnage du Troisième homme de Carol Reed, c'est à dire en courant, en trébuchant, en empruntant des passages sombres ou dérobés, le tout dans une ambiance de polar psychologique. Mortimer, Fretwell, ou un autre - le doute sera permis jusqu'à la fin - se réveille dès le début de son aventure, et l'on pressent déjà, alors que le contrôleur du train lui remet sa soit disant valise, qu'il n'a pas toute sa tête. Ou alors vit- il un mauvais rêve ? Courant pour rejoindre un rendez-vous que jamais il n'obtiendra (cela ressemble un peu au générique d'une fameuse série TV de science-fiction des années 60), celui-ci chute très vite et perd connaissance, augmentant dès lors le risque de ne plus bien savoir à son réveil quel est le rapport entre réalité et fonction. Est-il celui qu'il prétend être ? (Le réceptionniste de l'hôtel attend un Morrison, le petit garçon derrière la porte de son rdv attend Freddy, et un ancien collègue d'une école qu'il n'a pas fréquenté le reconnaît pourtant). Sa valise est-elle la sienne ? Ses nombreuses absences cachent-t-elles un secret ? Andi Watson, surfant sur son précédent roman mettant en scène le même (genre de) personnage, mais dans un jeu de miroirs tout oubapien, s'amuse à embrouiller les pistes dans un scénario kafkaïen du meilleur effet. Si son dessin noir et blanc fin, tremblotant, semblant ne pas imprégner la page complètement, tel un tirage à la photocopieuse bon marché, rebute un peu dans un premier temps, il est rapidement submergé par la qualité du scénario, intriguant à souhait. Il faudra sans doute plusieurs lectures pour bien appréhender et apprécier cette autre tournée, mais comme le titre l'indique, en une sorte de jeu de mots implicite : on remettra le couvert avec un plaisir complice. So british. So Hitchcockien !