L'histoire :
Alicia a 34 ans. Elle est mariée et n'a pas d'enfant. Chaque matin, quand son mari Luciano, de plus en plus pris par son métier, s'en va, c'est le même vide qui l'envahit. Son foyer devient sa petite prison dorée et les quatre murs qui l'enferment, ses compagnons de monologue. Alors d'épouvantables migraines l'envahissent. Mais heureusement, sa pharmacie est bien pleine : Tercian, Trofanil, Nembutal, Nolotil, Metasedin, ¨Peludin, Naloxone, Sosegon, Diazepan, Dexamyl, Seconal, Tryptizol, Xanax, Tranxillium, Anafranil, Optalidon. Toutes ces petites boîtes sont là pour l'aider. Elle se demande comment ça marche ces petites pilules... Ce matin encore, Alicia s'est réveillée épuisée : jambes dans le coton, bouche pâteuse, gorge nouée. Alors elle a choisi l'Optalidon, comme d'habitude et elle est maintenant prête à s'accomplir en tant qu'être humain : passer l'aspirateur sur le tapis et la canapé, dépoussiérer les meubles, astiquer les bibelots, les faire briller, donner une touche féminine à la finition...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est la fin des années 80. L'Espagne post-franquiste fait le grand écart. Les valeurs conservatrices, héritières de tant d'années de fascisme, pèsent encore de tout leur poids, mais la transition démocratique est portée par le souffle de la liberté. La Movida... Dans la BD, ce qui bouge tout en Espagne, c'est El Vibora. La revue publie des artistes comme Charles Burns, Art Spiegelman, Willem, et des Espagnols. Le barcelonais Marti Riera, cofondateur, y délivre en 1988, durant un an, un récit tragicomique en noir et blanc, totalement tripant, à la noirceur désespérante. «A la frontière entre réalité et fiction, au bord du précipice»... Alicia, cette ménagère-femme-objet se tape une dépression sévère quand elle regarde sa photo de mariage. Elle réalise ne plus aimer son époux et éprouve une culpabilité écrasante. Alors elle se plombe la tête de médocs et elle part totalement en vrille. Cette BD, c'est le bad trip d'une femme ordinaire qui devient un plaidoyer féministe. La psychiatrie et la psychanalyse ramassent grave : Docteur Trauman est un proxénète tortionnaire sans compter le Docteur Vertigo... Parues sous la forme de feuilletons, ces 60 planches s'avalent comme un cocktail psychédélique. C'est doux et acide, complètement délirant. Provocateur par essence. génial et farfelu, sombre et inquiétant, cynique et pince sans rire. Le Bureau des Entrées, s'il vous plait ! Attendez ici, le Docteur Vertigo va vous recevoir...