L'histoire :
Maura se réveille, attachée sur une table de laboratoire, le corps marqué de cicatrices, un œil noir, le crâne rasé : une créature rafistolée, une jeune Frankenstein. Elle ne comprend ni ce qui ne lui arrive, ni qui elle est. Frankie, qui se présente comme sa grande sœur et la scientifique tente de lui expliquer son histoire pour raviver sa mémoire post-mortem. Avec son époux Jean, elle espère l’aider à retrouver ses repères. Mais lorsqu’elle est conduite dans ce qui devrait être sa chambre, Maura découvre dans le miroir le reflet d’une autre : la véritable Maura. Une conversation s’engage alors entre les deux sœurs, révélant une distinction essentielle. Le fantôme de la petite sœur hante les miroirs et seule la création de Frankie, que l’on appelle désormais M, peut la voir. Grâce à un miroir de poche, M transporte partout avec elle ce double spectral, qui lui souffle les souvenirs de Maura et lui permet de se faire passer pour elle. M s’efforce alors de tout imiter : passions, goûts, envies… allant même jusqu’à se faire remodeler le visage pour lui ressembler davantage. Pourtant, derrière cette façade, M souffre. Elle ne peut jamais être elle-même. Elle aimerait vivre selon sa propre personnalité : elle ne s’appelle pas Maura, n’aime pas la magie… elle s’appelle M et aime la couture. Elle le sait désormais : il faut l’avouer à Frankie ; Maura ne reviendra jamais. Mais M ignore encore comment le lui dire… et surtout comment affronter ce qui arrivera lorsqu’elle brisera enfin le mensonge.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce comics revisite avec finesse et modernité la légende de Frankenstein tout en y injectant une sensibilité contemporaine. La jeune autrice de Los Angeles féminise le mythe et offre au « monstre » une véritable âme humaine, loin de la créature brute imaginée par Mary Shelley. Si le titre évoque malicieusement M le Maudit de Fritz Lang, que le lecteur se rassure : nul tueur d’enfants ici, seulement une histoire teintée d’une douce esthétique gothique. Le récit, très bien mené, aborde plusieurs thèmes avec sensibilité : la réécriture du conte classique, bien sûr, mais aussi le deuil, la perte d’une sœur, et la question essentielle de la double identité ; celle que l’on montre parce que la société l’attend, et celle que l’on est vraiment, que notre âme réclame malgré les moules dans lesquels on voudrait nous faire entrer. Le graphisme, tout en rondeur, apporte une légèreté inattendue au propos. Il adoucit les tensions, rend chaque personnage profondément attachant et renforce l’empathie du lecteur. Le vert domine la palette, contrastant avec le noir des ombres et des contours et le blanc des vêtements, une nuance qui n’est pas sans rappeler un célèbre personnage évoqué plus haut. La mise en page, très réfléchie, allège la narration : les dialogues fragmentés dans les cases rythment les moments de mensonge, tandis que les pleines pages et demi pages ouvrent des respirations lors des instants de doute ou d’émancipation. C’est un premier ouvrage abouti que l’on peut proposer sans crainte dès la préadolescence, qui parlera autant aux enfants qu'aux adultes.