L'histoire :
Les douze coups de minuit retentissent dans la loge et résonnent comme dans un sépulcre. Et pour cause : des têtes sanglantes sont posées un peu partout et des cadavres pullulent au sol. A l’extérieur dans l’East End, une jeune fille semble effrayée et veut échapper à son poursuivant. Elle demande l’aide d’un couple de personnes âgées. L’homme s’interpose avec le poursuivant. Ce dernier est élégant, habillé d’un chapeau haut de forme et d’une grande canne. L’inconnu explique au couple qu’ils doivent s’écarter et le laisser faire. Il montre du doigt la jeune fille et le couple découvre, horrifié, qu’elle est suspendue en l’air, la tête quasi retournée. Son visage est grimaçant et horrible à voir mais l’homme élégant ne semble pas effrayé et encore moins surpris. Au contraire, il parle au monstre d’une voix ferme. Il veut sauver la jeune fille de l’emprise du démon et il n’aura pas peur, contrairement à bon nombre de ses victimes. Il est le professeur Hawke et cette fois-ci, c’est le démon qui va connaître la peur. Dans un geste ample, il touche le visage de la fille avec sa canne. Le démon hurle et sort du corps de la pauvre enfant. Elle est effondrée mais vivante. Un enfant appelle le professeur : la police arrive et il est temps de partir.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
El Torres aura marqué de son empreinte les parutions de Graph Zeppelin avec pas moins de quatre titres parus coup sur coup. Après une adaptation de Conan le Barbare puis de Salomon Kane et une histoire horrifique qui se passe au Vatican, que nous réserve le scénariste espagnol ? Une nouvelle surprise nous attend puisque, même si l’on reste dans le registre fantastique voire terrifiant, on découvre également des héros étonnants qui usent de la magie face à des démons dangereux et implacables. Ce mélange d’univers est particulièrement stimulant, de sorte qu’on se croit à la fois dans une histoire de H. P. Lovecraft mais aussi dans un thriller habité par Jack l’Eventreur, sans compter l’ajout iconoclaste de la sorcellerie. Les personnages principaux sont charismatiques en diable et il faudra bien leur puissance face à la violence sans nom et sanglante des apparitions qui tentent de posséder le monde. Ce n’est pas la seule surprise qui vous attend puisque le mysticisme émaille le récit avec en plus des voyages dans le temps fascinants. Finalement, El Torres n’aura jamais été aussi bon que quand il aura créé lui-même son univers. Le dessin de Joe Bocardo ajoute une touche crépusculaire qui vous fera frissonner de plaisir. Proche du style puissant d’Alberto Breccia, son noir et blanc est délicieux de finesse et de moments atroces et repoussants. Une nouvelle réussite signée par un duo diabolique.