L'histoire :
Une nouvelle mode marketing vient d’apparaître, autour d’un concept d’animaux de compagnie totalement révolutionnaire. Ces bestioles bizarres se composent en effet de plusieurs parties autonomes, plusieurs entités vivantes, qui s’assemblent pour former un organisme unique… qui peut se modifier, se métamorphoser, s’assembler avec d’autres, même ! Un petit garçon sensible découvre la chose pour la première fois dans la caisse en carton des deux caïds du quartier. Il est subjugué par la forme de la bestiole, une sorte de tête bleue en forme de boule moussue et barbue, avec des pieds et des mains. La bestiole amuse la galerie en faisant des figures au gré de ses recompositions. Mais elle prend peur facilement, et dans ces cas-là, chaque partie se démantibule des autres et toutes tombent inertes, catatoniques. Il faut alors un bâton pour le remettre en forme, et cela participe du dressage de cet animal de compagnie. Mais les caïds violentent le garçonnet, qui n’a pas le droit de participer à cette remise en forme. Tant pis. Une de ses copines en a un rouge chez elle, qu’elle maintient dans une cage à hamster. Trop d’la chance…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Faut-il être sous l’emprise de substances illicites pour imaginer un concept pareil ? La couverture psychédélique de cet ouvrage grand format à reliure souple, appartenant à la scène alternative ou « indé » (comme souvent chez Huber Editions) donne le ton. Ici, un gamin innocent sans prénom découvre la nouvelle mode d’animaux de compagnie : des créatures à mi-chemin entre l’éponge et l’extraterrestre, bien éloignés de tout spécimen de notre biosphère terrestre. Ces entités bizarres et duveteuses amusent les enfants par leurs métamorphoses et leurs recompositions inventives qu’elles sont capables d’opérer quand elles se mélangent avec d’autres bestioles… un peu comme s’il s’agissait de jouets en pâte-à-modeler ou transformers. A travers une planche en préambule, l’auteur désamorce l’idée originelle : nous sommes nous-mêmes composés d’une multitude d’organismes (de bactéries), alors pourquoi ne pas voir plus grand et plus fun ? Toujours est-il que pour les enfants du récit, il devient indispensable de posséder l’un de ces Nouveaux animaux de compagnie qui inondent et excitent soudain le marché. Mais ces créatures d’apparence ludique se révèlent de plus en plus imprévisibles. Leur surnombre, leurs mutations agglomérées deviennent incontrôlables. Sont-ils une menace pour l’humanité ? Cette humanité n’est guère reluisante, à travers les protagonistes pré-pubères tantôt impersonnels (aucun n’a de nom ; on ne connait rien de leur vie), tantôt d’apparence « crado » (certains sont difformes ou verdâtres). Un malaise, une tension digne des fictions d’épouvante sous-tend l’album, sans jamais verser dans l’horrifique. A travers ce récit à sketchs étrange, le canadien Jesse Jacobs fait assurément une allégorie critique de la surconsommation, des dérives marketings et de la tendance infantile à s’enticher d’animaux de compagnie comme s’il s’agissait d’objets dont on se lasse vite.