interview Bande dessinée

Agnès Maupré

©Ankama édition 2012

Agnès Maupré s'est installée progressivement dans le monde de la bande dessinée, grâce à de bien jolies aquarelles. Débutant par une adaptation des Contes du chat perché, elle s'est ensuite lancée dans le défi un peu fou d'adapter la dernière année de cours de Jean-François Debord (un professeur reconnu de morphologie). Puis Agnès s’est penchée sur le cas Milady de Winter et a ainsi dévoilé une facette inédite des Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas. Au moment de la sortie du premier album, nous avons eu la possibilité de nous entretenir avec elle et d’essayer de savoir d'où lui venait cette envie artistique…

Réalisée en lien avec les albums Milady de Winter T2, Milady de Winter T1
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême

interview menée
par
26 février 2012

Bonjour Agnès Maupré, peux-tu te présenter et nous dire comment tu en es arrivé à faire de la bande dessinée ?
Agnès Maupré : Je m’appelle Agnès Maupré… En fait, je m’embêtais chez moi et j’étais en section scientifique au lycée. Je ne voyais pas très bien que faire de ma peau, moi qui m’ennuyais mortellement. J’ai eu à cette période des bandes dessinées qui m’ont plu entre les mains et qui m’ont donné envie d’en faire. J’ai toujours dessiné mais sans avoir l’idée que je pouvais en faire mon métier.

Quelles sont les BD qui t’ont donné envie de te lancer dans le grand bain ?
AM : Quand j’étais petite, j’adorais Reiser ! Surtout Gros dégueulasse. Je ne comprenais rien mais je sentais bien qu’il y avait des mystères dedans. Il avait une passion de la vie et du mouvement. Je ne sais pas si on sent du Reiser dans mon dessin mais il reste mon dessinateur préféré.

© Agnès MauprèsTu as débuté avec Les contes du chat perché. Comment es-tu arrivée sur cette adaptation ?
AM : Un peu par hasard. J’adorais les livres quand j’étais gamine et je ne pensais pas que je les adapterais plus tard. Cela a commencé lorsque je suis allé montrer mes aquarelles à Joann Sfar. C’était une sorte de parrain quand j’étais adolescente. Je le voyais une fois par an à Angoulême et il me disait « c’est bien, t’es gentille, continue ! ». Du coup, il m’a lancé un défi en me disant que je n’étais pas capable de faire Les contes du chat perché en BD. « Si, je suis chiche ! ». J’étais étudiante en art et je n’avais pas grand-chose à faire d’autre. Je lui ai envoyé une fois terminé. Ce que je ne savais pas, c’est qu’il était en train de créer la collection Bayou chez Gallimard. La collection Fétiche s’est créée en parallèle et il m’a envoyée dans les pattes de Thierry Laroche ! Finalement, ça a fini par se faire. Ce qui est sorti n’a cependant pas grand-chose à voir avec le premier jet dessiné. J’ai tout redessiné.

Tu vois toujours Joann Sfar ?
AM : Plus autant qu’avant mais j’ai toujours des contacts réguliers avec lui. Il m’a fait bosser sur l’adaptation en dessin animé du Chat du rabbin.

Après les Contes du chat perché, tu as sorti Petit traité de morphologie
© Agnès MauprèsAM : J’ai eu beaucoup de chance car je suis tombé sur ce cours aux Beaux Arts. Ma première année était la dernière de Jean-François Deborre. J’attendais vraiment ça d’un cours de dessin, quelque chose qui ne soit pas que technique, mais plus une profession de foi, quelque chose de passionné, de vivant. Je l’ai fait avec son accord. Ce qui s’est passé, c’est que plus de 80 heures de vidéo ont été filmées par un ami à lui, lors de cette dernière année de cours. Deux ans après, je discutais avec Jean-François Deborre et il me demandait ce qu’on pouvait faire avec 80 heures de ses cours. J’avais beau avoir trouvé son cours fascinant, la façon dont on pouvait sortir ça autrement qu’en le balançant sur Youtube® ne venait pas immédiatement. Je lui ai dit que le plus simple serait d’en faire un livre. Il m’a rétorqué qu’en 40 ans de carrière, il n’avait jamais fait de livre et qu’il n’allait pas commencer maintenant. Je lui ai demandé si ça le gênait que je le fasse. C’était assez difficile à faire. Le cours était énorme et il y avait des choses que je n’avais pas forcément comprises. Il a fallu que je rentre dedans et que je me retrousse les manches. Chaque cours faisait 2 heures, je prenais des notes pendant que je regardais. J’essayai de garder ce qui était amusant et indispensable. J’en ai fait des carnets. J’ai essayé de réunir tout ça de façon logique.

Quelle fut la réaction de Jean-François Deborre ?
AM : Au départ, ça ne le dérangeait pas du tout et il était assez ravi. Ensuite, il y a des choses sur lesquelles il n’était pas forcément d’accord. On n’est pas fâché, mais c’était un peu tendu à la fin.

Du coup, après l’adaptation des Contes du chat perché et du Petit traité de morphologie, on te retrouve sur Milady de Winter. D’où t’est venue l’envie de travailler sur ce personnage ?
AM : C’est toujours pareil, c’est un hasard. Je n’avais pas envie de lire les Trois mousquetaires, je trouvais que c’était un imaginaire de garçon, du genre « ouais on boit des coups et on va sauver la Reine, trop bien ! ». Et puis je trouvais ça un peu manichéen, la méchante Milady, le méchant Richelieu… Je n’avais pas trop envie de me baigner là dedans. Comme j’aime beaucoup Alexandre Dumas, je me suis décidé et je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout l’image que j’en avais, celle que les films avaient pu donner.

Quel est ton prochain projet ?
AM : Le prochain projet est fou ! Je ne peux pas encore t’en dire plus, car ce n’est pas signé ! Il y a aussi des envies d’histoire sur le voyage, sur le Pérou…

As-tu eu des coups de cœur récemment en BD ?
© Agnès MauprèsAM : Je lis peu de BD, mais je suis totalement accro à Skins, la série télé. C’est une telle réussite…

Si tu avais la possibilité d’utiliser une gomme magique pouvant corriger un détail ou une partie d’une de tes bandes dessinées, souhaiterais-tu l’utiliser ?
AM : Il y aurait plusieurs trucs. Je n’assume pas hyper bien ce que je fais en général. Schultz, sur la fin, lorsqu’il faisait des dédicaces avait son trait qui tremblait un peu, les gens croyaient que c’était fait exprès. Ce n’est pas le cas, il leur disait que c’était parce qu’il était vieux ! Donc avec cette gomme, soit j’efface tout soit j’efface rien.

Si tu pouvais collaborer avec la personne de ton choix, qui serait-elle ?
AM : J’adorerais demander un scénario à Vincent Gallo parce que j’ai adoré tous ses films ! C’est vraiment débile mais j’aimerais bien.

Si tu avais la possibilité de visiter le crâne d’un autre auteur afin d’en comprendre son génie, son art, qui choisirais-tu et pour y faire quoi ?
AM : C’est un peu comme la gomme magique pour moi, c’est dur. Lorsque je regarde la démarche des autres, je n’arrive pas forcément à comprendre comment ils ont fait ça. Donc être dans leur tête ne m’aiderait peut-être pas. Sinon, je te dirais quand même Brescia.

Merci Agnès !

© Agnès Mauprès