interview Manga

Aranzi Aronzo

©IMHO édition 2013

Sous le pseudonyme d’Aranzi Aronzo officient deux sœurs qui ont un jour décidé de monter leur petite entreprise de création de goodies kawaï en tout genre. Poupées en tissu, sacs, t-shirts, mugs... et aussi des livres sur la création de doudous, ou encore comme ici une bande-dessinée pour les plus petits : Les jolies poupées de Mimi & Lili. Cet ouvrage propose aux petites filles un mélange sympathique entre le livre pour enfants à base de dessins et de photos, et une initiation à la couture pour fabriquer ses propres poupées en tissu. Partie à l’origine d’objets fabriqués un par un à la main, la petite société Aranzi Aronzo est aujourd’hui devenue internationale : comment ont-elles fait pour se démarquer au pays du kawaï face à Hello Kitty et autres consœurs, et réussir ainsi à amener Les jolies poupées de Mimi & Lili jusqu’à nous ? Nous sommes allés le leur demander...

Réalisée en lien avec l'album Les Jolies poupées de Mimi & Lili
Lieu de l'interview : Salon du livre jeunesse de Paris

interview menée
par
4 mars 2013

Bonjour, pouvez-vous vous présenter et nous dire comment vous en êtes venues à travailler dans votre domaine d’activité (illustrations, poupées, goodies kawaï) ?
Yoko Yomura : Nous avons monté notre société en 1991. On a commencé par faire des cartes postales et des petits accessoires fait main, et puis on s’est prises au jeu et on s’est mises à fabriquer toutes sortes d’objets, et notamment des livres.

Peluches des personnages des Jolies poupées de Mimi & Lili Le Japon est le pays du kawaï par excellence et il y a de nombreux personnages comme les vôtres. Comment faites-vous pour vous démarquer au milieu de ce marché énorme ?
Kinuyo Saito : En fait, ce qui nous démarque un peu du reste, c’est que chez nous il y a des éléments un peu absurdes et un peu d’humour qui est peut-être moins prononcé ailleurs, et nos personnages, sans être effrayants, ne sont pas forcément toujours très mignons quand ce sont des espèces de petits monstres, des petits diables, ou d’autres animaux que les petits lapins qu’on peut voir dans Les jolies poupées de Mimi & Lili.

Quelles sont vos sources d’inspiration, comment viennent par exemple vos idées pour vos personnages ?
Yoko Yomura : Je pense que ce qui nourrit notre travail, c’est surtout ce qui nous entourait quand on était enfants, ce qui nous a marqué et qui ressurgit à l’âge adulte.

Yoko Yomura et Kinuyo Saito devant leurs créations
Yoko Yomura et Kinuyo Saito devant leurs créations

Testez-vous vos idées et vos nouveaux personnages sur des enfants, de votre entourage par exemple, pour qu’ils vous donnent leur avis ?
Kinuyo Saito : Non, pas du tout.

Comment avez-vous eu l’idée de passer d’ouvrages beaucoup plus didactiques comme Doudous tout fous et Doudous tout doux à une BD comme Les jolies poupées de Mimi & Lili qui mélange cet aspect didactique à une version romancée ?
Kinuyo Saito : En fait, cette BD est vraiment une demande de l’éditeur qui nous a commandé un livre pour enfants, et c’est nous qui avons finalement décidé de rajouter de la couture. Mais à la base, le projet était juste un livre qui raconte une histoire.



Comment vous est venue l’idée de mélanger du dessin et de la photo pour ce livre ?
Yoko Yomura : On ne se pose pas vraiment de questions et on ne fait pas de distinction très nette entre ce qui relève de l’illustration et de la photo. Il n’y a pas une démarche consciente de mélanger les deux. Pour les éléments dont on veut faire ressortir le côté mignon, on va plutôt se tourner vers la photo. Après, quand il s’agit de transmettre des poses, des attitudes ou des choses un peu plus détaillées, par exemple comme un personnage qui se met en colère ou qui rit, ce sera plus facile de le faire en illustration. C’est plus un problème de forme qu’une réflexion sur le fond. Ce qui est bien en mélangeant les deux, c’est qu’avoir un peu de photos ancre les personnages dans la réalité et cela provoque un contraste assez amusant. Pour ce livre-là, c’est un peu plus élaboré que d’habitude où lorsque l’on prenait des photos, on ne travaillait pas trop le fond, le décor, on se contentait de poser les personnages dans notre environnement quotidien, comme s’il pouvait surgir dans la vie de tous les jours.

Ce qui est intéressant aussi avec les photos, c’est que cela montre aux enfants ce que peut donner la poupée une fois terminée.
Yoko Yomura : Oui c’est vrai, cela sert aussi à montrer aux enfants des exemples de ce qui peut être fait.

Comment se déroule la collaboration entre vous : qui fait quoi ?
Yoko Yomura : je m’occupe de tout ce qui est illustrations.

Kinuyo Saito : quant à moi, je m’occupe uniquement des poupées, des constructions en volume, etc.

Et pour ce qui est du processus créatif, le scénario des histoires, le design ou le caractère des personnages... bref tout ce qui a lieu avant la réalisation en elle-même, qui trouve les idées ?
Yoko Yomura : On réfléchit toutes les deux aux histoires, nous les écrivons à deux, mais c’est plutôt moi qui mets ensuite en forme le résultat.

Aranzi Aronzo, un auteur à 4 mains
Aranzi Aronzo, un auteur à 4 mains


Au Japon, vous avez sorti plusieurs BD / BD-photos avec vos personnages (Usagi comic, Kappa photo story, The bad book...). Y a-t-il d’autres projets d’édition en France après Les jolies poupées de Mimi & Lili ?
Yoko Yomura : Oui, si des éditeurs sont intéressés, nous sommes partantes.

Etes-vous amatrice de BD pour enfants ?
Yoko Yomura : Oui, nous aimons beaucoup les livres pour enfants. Nous avons déjà sorti des livres qui s’adressent aux tout petits mais on aime bien pouvoir toucher des publics sans distinction d’âge.

Lisez-vous d’autres types de BD ?
Kinuyo Saito : Nous avons lu des classiques, des shôjos, des œuvres de Fujiko Fujio (l’auteur de Doraemon), de Fujio Akatsuka (le roi du gag manga, un auteur historique non publié en France), d’Osamu Tezuka... Nous lisions beaucoup de mangas étant jeunes, mais plus aujourd’hui, de temps en temps seulement...

Connaissez-vous la BD européenne ou américaine et qu’en pensez-vous ?
Kinuyo Saito : Cela nous intéresse mais il y a très peu d’ouvrages qui sont traduits en japonais donc c’est difficile pour nous d’avoir accès à tout cela.

Yoko Yomura : Nous pouvons regarder les images mais cela reste difficilement accessible, et quand on était petites ça n’existait carrément pas chez nous, il n’y avait pas d’imports. Il devait peut-être y avoir Snoopy, mais c’est tout...

En dehors de la BD, est-ce qu’il y a des illustrateurs ou des peintres que vous aimez particulièrement ou qui vous inspirent ?
Kinuyo Saito : Nous aimons bien un auteur de livres pour enfants, un hollandais qui fait aussi plein d’illustrations et qui est très connu, Dick Bruna. Il dessine un lapin qui s’appelle Miffy et qui a une croix à la place de la bouche. C’est quelque chose d’assez vieux, qui doit dater des années 70.

Yoko Yomura : Il y a aussi un illustrateur qui fait des pochettes d’albums de Jazz, j’ai oublié son nom, Bencha peut-être... Et un peintre français, Odilon Redon.

Le lapin Miffy
Le lapin Miffy

Votre société est une petite entreprise familiale à l’origine, et aujourd’hui vos produits sont vendus dans le monde entier, quel est votre sentiment par rapport à cela ?
Kinuyo Saito : Nous ne sommes pas une multinationale non plus. Comme tout s’est passé progressivement, il n’y a pas vraiment eu de boom, finalement cela ne nous parait pas étrange. Ce que nous faisons aujourd’hui est la même chose que ce que nous faisions au début.

Yoko Yomura et Kinuyo Saito au stand IMHO au Salon du livre jeunesse de Paris
Yoko Yomura et Kinuyo Saito au stand IMHO au Salon du livre jeunesse de Paris

Etes-vous contente d’être venues en France grâce à cela ?
Yoko Yomura : Il y a 20 ans, quand nous avons commencé, on se disait justement que 20 ans plus tard, ce serait bien qu’on puisse sortir des livres en France et donner des interviews (rires).

Merci !

Merci aux éditions IMHO



Toutes les illustrations de l'article sont ©Aranzi Aronzo / IMHO
Toutes les photos sont ©Planète BD