interview Bande dessinée

David Sala

©Casterman édition 2018

Le trop rare David Sala réussit le pari fou et insensé d’adapter le mythique livre de Stefan Zweig, Le joueur d’échecs. Son dessin d’ordinaire réservé à l’illustration se prête à merveille à ce défi qu'il relève haut la main.’Dans les allées du festival International de la BD d’Angoulême, nous avons choisi de le rencontrer pour qu’il nous en dise plus.

Réalisée en lien avec l'album Le Joueur d'échecs
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême

interview menée
par
18 mai 2018

Bonjour David Sala, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé dans la bande dessinée ?
David Sala : Je suis auteur de bande dessinée adulte, depuis quelques années, mais également illustrateur pour des livres jeunesse. Deux univers totalement différents qui se complètent parfaitement .

Pourquoi avoir choisi d’adapter Le joueur d’échecs de Stefan Zweig ?
DS : Le Joueur d’échecs, c’est vraiment une lecture qui m’a marqué dans mes années d’étude. Et c’est un texte qui est resté. Cela fait 20 ans que je l’ai lu. En discutant avec mon éditeur sur ce que je voulais faire après mon précédent ouvrage très noir Cauchemar dans la rue paru dans la collection Rivages Casterman, le livre est revenu dans la conversation. J’avais cette envie-là et Casterman m’a suivi. Le thème me semblait d’actualité et cela faisait résonance par rapport à notre époque, puisque le livre parle de la montée de l’extrémisme, du nazisme en l’occurence. Zweig raconte la fin d’un monde. Aujourd’hui, nous vivons de grandes transformations dans notre société.

Tu est un véritable maître de l’illustration, ce n’était pas trop compliqué de te replonger dans le médium BD ?
DS : C’est vrai que j’ai fait de longs temps de pause. Le plus dur n’a pas été de se replonger dedans, mais de relever une nouvelle fois le défi narratif. Je me suis aperçu qu’il y avait plein d’écueils à l’intérieur du récit et au départ, j’avais l’appréhension de ne pas parvenir à y arriver.

Tu as un trait semi-réaliste parfait pour illustrer l’étrange et le fantastique. Mais ce qui frappe chez toi, c’est les couleurs. Peux-tu nous en dire plus ?
DE : Ma technique en BD, c’est juste du crayon et de l’aquarelle. C’est assez basique Pour la jeunesse, c’est différent, je privilégie la peinture à l’huile, c’est plus long et plus laborieux.

Comment t’es-tu documenté pour appréhender cette adaptation ?
DS : Je n’ai pas énormément de documentations. J’avais un livre qui parlait de paquebots et dont je me suis servi. Après, il y a beaucoup de choses que j’ai forcément réinterprétées, le but n’étant pas de faire un livre historiquement juste. J’ai opté pour un visuel plutôt années 20, qu’années 40, alors que le livre se déroule justement dans ces années-là. Il y avait l’envie chez moi de revenir à cette idée de monde perdu.. Pour Zweig, un de ses derniers livres parle de cela, d’un monde qui est en train de s’effondrer, c’est la fin d’une civilisation. J’ai voulu accentuer cette idée en mettant en scène l’insouciance des années folles, fastes avec des gens détachés et de le mettre en parallèle avec ce personnages qui a vécu des choses terribles.

Sur certains passages, tu as dû te régaler, graphiquement parlant, et notamment sur la partie d’échecs qui a des accents surréalistes ?
DS : C’est une vraie re-création de la nouvelle, car il a fallu exprimer cette tombée dans la folie de Monsieur B. Ma réflexion principale a été de montrer comment les personnages sombrent dans la folie.

Cette expérience t’a donné envie de refaire des BD ?
DS : J’aime l’idée de jongler entre l’illustration et la BD. D’ailleurs, mon prochain projet est un livre jeunesse illustré. L’un nourrit l’autre. C’est un domaine que j’apprécie beaucoup, qui me permet de partir ailleurs, d’expérimenter, de se laisser aller, de se faire plaisir aussi avec de grandes images. Plonger dans la peinture est passionnant pour moi. Mon prochain ouvrage jeunesse a un point de départ assez drôle. Un ami musicien m’a demandé de réaliser la pochette de son disque, avec l’idée de reprendre un tableau de Douanier-Rousseau et de le détourner. Au lieu d’avoir un tigre, on va mettre un âne. A la place du Douanier-Rousseau, j’ai mis cet ami musicien en train de jouer de la guitare. J’ai fait cette image un peu naïve et cette image-là, je l’ai trouvée effectivement intéressante et je l’ai donnée à Alex Cousseau, qui est un auteur jeunesse et il a écrit une histoire à partir de cette image.

Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre son génie ou son art, qui irais-tu visiter ?
DS : J’aurais adoré pouvoir rencontrer Alberto Breccia pour plein de raisons. Surtout pour appréhender les méandres de son génie. C’est quelqu’un qui a tout prouvé dans son travail, qui a su évoluer, se transformer, se réinventer et se remettre en question de façon permanente.

Merci David !