interview Bande dessinée

Didier Convard

©Glénat édition 2009

Avec le Triangle Secret (7 tomes), depuis complété par INRI (4 tomes), Didier Convard a livré son « grand-œuvre ». Une expression appropriée pour ce spécialiste de la franc-maçonnerie, franc-maçon lui-même, et prolifique vétéran du 9e art ! Evoluant dans des registres variés depuis près de 30 ans (Vinci, Sherlock, Tanatos, Neige…), Convard apprécie avant tout les ambiances policières et occultes. Logique, donc, qu’il se soit retrouvé directeur de la collection Loge Noire (chez Glénat), dédiée aux récits ésotériques ! Nous l’avons interviewé sans détour, afin de percer un peu mieux le mystère Convard…

Réalisée en lien avec l'album Tanâtos T3
Lieu de l'interview : Angoulême 2008

interview menée
par
12 janvier 2009

Bonjour Didier Convard, pour commencer, parlons de votre nouvelle série, Sherlock ? Ce qui est intéressant dans la mise en place de cette intrigue, c'est qu’on se doute qu’il s’agit du personnage de Sherlock Holmes, mais le patronyme de Matthews brouille les pistes d’entrée de jeu…
Didier Convard : Oui, je suis parti de l’envie de faire quelque chose sur Sherlock Holmes. J'ai toujours eu envie de faire quelque chose sur Sherlock Holmes, sur Arsène Lupin et sur Les Trois Mousquetaires. Le problème, c'est que ces personnages cultes ont déjà tous été traités dans tous les sens : au cinéma, au théâtre, en bande dessinée, en feuilleton. Cela a été bien traité, cela a été galvaudé, cela a été saccagé. Bref, on a fait tout et n’importe quoi sur ces personnages mythiques. J’ai donc voulu « faire quelque chose sur Sherlock Holmes » si je trouve un angle d’attaque. Et l’angle d’attaque m’est apparu immédiatement en me disant que ce n’était pas Sherlock Holmes. Ce qui m’intéresse, c'est pourquoi un héros devient ce qu’il est. En principe, il y a une raison que l’auteur ne donne pas. On a un Sherlock Holmes qui se drogue, qui connaît très peu de femmes, qui vit un peu en solitaire et qui partage au début – parce qu’après Watson se marie, lui – un appartement avec un autre garçon. Je me suis dis qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Ce personnage est psychologiquement passionnant. Soit il est homosexuel, soit il n’est pas homosexuel, mais le commerce des femmes l’inquiète plutôt. A parti de ce constat, j'ai bâti sa jeunesse avant qu’il ne devienne Holmes.

Dans les deux premiers tomes, on ne sent pas encore la misogynie, mais on sent déjà un caractère misanthrope.
DC : On ne sent pas encore sa misogynie, mais on sait maintenant qu’il a un rapport à la femme quand même assez particulier, puisqu’il admirait sa mère. Par la suite, on va certainement lui trouver une histoire avec une femme qui va le tracasser, au point de devenir effectivement misogyne.

Pourquoi avoir confié le dessin à Jean-Louis Le Hir ?
DC : J’apprécie vraiment son trait si particulier. Jean-Louis Le Hir n’est pas pour l’instant un auteur de bande dessinée reconnu, parce qu’il a fait très peu de bandes dessinées. Pour Sherlock, il a affiné son style, il l‘a rendu très clair, presque une ligne claire, lâche, un peu jetée comme cela. J’ai l’impression que cela correspond parfaitement à l’esprit. En plus, c'est un homme charmant, donc on espère que cela va marcher.

Comment vous êtes-vous répartis les tâches, avec Eric Adam, pour le scénario ?
DC : C'est très facile : on se met tous les deux au générique, mais on fait chacun un album sur deux. Le premier, c'est moi qui l’ai écrit. Le deuxième, c’est lui. Et pendant que Jean-Louis Le Hir réalise un album, chacun de nous, en alternance, écrivons le suivant.

Intéressant !
DC : On a fait comme ça pour une raison majeure : je souhaitais que Jean-Louis Le Hir ait toujours du travail et moi je n’avais pas le temps matériel de lui faire un album par an. J'ai beaucoup d’autres séries : la troisième saison du Triangle Secret en écriture, je collabore à une série télévision pour la 3… Donc, je n’avais vraiment pas le temps de lui faire un album par an, comme je le voulais. J'ai donc demandé à Eric de s’intégrer à l’équipe, de telle manière à ce que Jean-Louis n’ait aucun temps mort. De fait, on discute beaucoup, on se prévient des thèmes dont on va traiter, et on se répartit ainsi la tâche de la progression psychologique du héros.

Le concept de Sherlock, se sera donc une série au long court, avec une enquête par album ?
DC : Voilà, une enquête par album. Ce ne sont pas des histoires à suivre, mais on retrouvera bien entendu des personnages récurrents qui apparaîtront. Déjà au départ, il y a Mycroft (NDLR : le frère de Sherlock Holmes), mais qu’on ne verra pas dans le deuxième tome, et que je remets dans mon troisième tome. On va même inventer des personnages qui n’apparaîtront plus après. Puisqu’on est dans l’extrême jeunesse de Sherlock, on va raconter l’histoire jusqu'à ce qu’il rencontre Watson. A partit du moment où il rencontre Watson, je pense qu’on s’arrêtera. Ce sont les premières enquêtes, ce sont ses galères, ses erreurs… Il ne sait pas trop encore où il va, il ne maîtrise pas encore tout son talent, et il a un énorme problème de drogue. Je vais le traiter dans le troisième, je traite vraiment son problème de drogue, il est camé du début jusqu'à la fin de l’histoire.

Quid du rapport à Moriarty, du rapport au père ?
DC : Moriarty m’intéressait aussi. C’est l’un des méchants les plus extraordinaires de la littérature, alors qu’on le voit très peu dans les histoires de Sherlock. Je voulais qu’il ait un rapport, un lien direct avec Sherlock Holmes et je ne voyais pas pourquoi il lui en voulait autant… Avec le lien de haine familiale, tout s’explique. C'est un combat de frères ennemis. Le fils aimé contre le fils honnis.

La vengeance du père n’était-elle pas un peu énorme ? Tout de même, se venger en allant jusque là ?
DC : Si elle est grosse. Je l’ai su en l’écrivant, mais je l’ai fait volontairement, parce que je veux que ce soit du feuilleton et je ne veux pas qu’on s’empêche d’utiliser ce genre de « ficelles ». Il y aura toujours une ficelle de ce style.

Revenons sur la saga Triangle Secret et INRI. Quel regard porte la franc-maçonnerie sur cette œuvre ?
DC : Je ne les ai pas tous vus, mais jusqu'à présent le regard est extrêmement positif, curieux et vraiment intéressé. Je n’ai que des rapports positifs et justement on m’invite très souvent dans les loges pour parler du Triangle Secret, pour ouvrir des débats intéressants. On finit souvent par abandonner la BD et parler des templiers, des rapports que peuvent entretenir la maçonnerie et les ordres initiatiques par rapport à d’autres ordres initiatiques, etc. Donc, c'est très positif. Je découvre que dans les ateliers, j’ai énormément de lecteurs. Quand je dédicace j’en rencontre à chaque fois. C'est donc extrêmement bien perçu par la maçonnerie.

Paradoxalement, la franc-maçonnerie est toujours entourée de mystère, de grand secret… Or là, vous dévoilez tout. N’y a-t-il pas comme une forme de traitrise ?
DC : Je fais partie de cette école de maçons qui en a vraiment marre de sacrifier au secret. Le secret a eu une raison d’être, ce n’est pas inutile. Mais on est au XXIe siècle, dans un régime démocratique ! Je sais très bien que tout peut évoluer, on l’a vu dans le monde et on n’a vraiment plus de raison de cacher que nous sommes francs-maçons. Qu’on ne dise pas ce que nous faisons en loge précisément, c’est normal ! Parce que c'est très difficile d’expliquer à quelqu’un ce qu’on fait en loge, quand on n’a pas été initié, puisque tout est lié à une initiation, donc à une hiérarchisation des degrés, donc c'est très difficile. Mais, on peut très bien dire qu’on est francs-maçons, pourquoi on travaille, ce qu’on recherche philosophiquement, ce qu’on recherche spirituellement, pour l’humanisme, pour la fraternité entre les peuples. Je pense que ce sont des vertus suffisamment belles pour qu’on puisse en parler. Par cela je veux faire le ballant à cette espèce de serpent de mer qui parle des réseaux de la franc-maçonnerie : la franc-maçonnerie et la politique, la franc-maçonnerie et les affaires, comme on voit régulièrement sur Le Point ou L’Express… Tous les ans, à la même époque, quand on a fini de parler du salaire des cadres et là en ce moment quand on a fini de parler de Carla Bruni et qu’on veut revendre un petit peu de journaux, on parle des francs-maçons. Après, on va parler des secrets cachés du Vatican et tous les ans c’est la même chose. Moi qui suis franc-maçon, quand je lis les articles, je trouve que ce sont des conneries monumentales, écrites par des gens qui n’y connaissent rien, mal informés. Souvent c'est écrit, et je le dis avec beaucoup d’honnêteté, par des mecs qui se sont présentés à la maçonnerie, et qui n’ont pas été acceptés, parce qu’ils n’étaient pas des types suffisamment bien et qui en veulent à la maçonnerie. Cela me gonfle et c'est pour cela que je dis ouvertement que je suis franc-maçon. Et puis comme les gens me connaissent et qu’ils trouvent que je ne suis pas un type tout à fait désagréable et inintéressant, ils disent « Tiens, s’ils sont comme cela, c'est plutôt sympa ».

Parallèlement, est-ce que vous avez des retours de l’Eglise ? Vous abordez la maçonnerie, mais vous abordez aussi les affaires religieuses.
DC : Oui, j'ai fait deux ou trois débats, j’en ai fait un avant-hier justement avec le père de la Moranday. Au cours de mes conférences, j'ai rencontré des gens d’Eglise. Là, je dois reconnaître une chose, c'est leur extrême tolérance. Je n’ai jamais été agressé. Au cours des débats, j’ai eu l’occasion de parler avec des prêtres cultivés qui me disaient avoir trouvé l’histoire sympa. J’ai eu des critiques sur un ou deux sites religieux et un journal un peu jésuite. C'est-à-dire qu’on n’attaquait pas l’idée, on attaquait le style, pour ne pas dire c'est bon. C'est de bonne guerre. En revanche, j’ai eu des critiques extrêmement virulentes de la part de journaux d’extrême droite. A part eux, j’avoue franchement que j’ai toujours rencontré des gens très tolérants.

Il y a donc un troisième cycle du Triangle Secret en route ?
DC : Au départ, le Triangle Secret, c'était deux cycles. En réalité, ce n’était même qu’un cycle, au milieu duquel il devait y avoir un flashback qui se serait appelé INRI. J’avais conçu l’histoire un petit peu autrement. J’avais commencé par les premiers templiers qui découvraient le tombeau de Judas et j’avais accroché mon Triangle Secret comme cela. C'était une histoire qui démarrait au Moyen Age. Initialement, c'était un roman que je n’ai pas terminé, écrit il y a une vingtaine d’années. Jacques Glénat a voulu que je fasse l’adaptation de ce bouquin qu’il a lu et adoré, en BD. Je me suis retrouvé face à un énorme problème, parce que c'était colossal comme bouquin. Je l’ai donc réécrit et simplifié. Je ne savais pas trop par où commencer pour amener les nombreuses informations : on découvre un tombeau au Moyen Age, il y a un testament, il y a la franc-maçonnerie contemporaine… Et puis dans une bande dessinée, il faut aussi gérer l’action, les rebondissements… J’ai donc attaqué l’histoire au contemporain, en la jonchant de flashbacks. Le problème c'est que la séquence de flashback qui concernait INRI était effroyablement longue… J'ai donc décidé de raconter l’histoire sans INRI, me le gardant pour plus tard, en une série. Les lecteurs ont trouvé cela cohérent et logique. En plus, je me permets de faire de temps en temps un Hertz ou un Montespa à venir…

Il y en aura d’autres ?
DC : Il y en aura trois ou quatre à tout casser. Mais après le Triangle secret et INRI théoriquement, c'était terminé. Or, on voit que cela marche toujours pareillement. On le réimprime régulièrement tous les six mois, ce qui est inhabituel en ce moment dans le marché de la bande dessinée. On a un succès comme cela tous les vingt ans ! Jacques m’a demandé si je n’avais pas une idée pour faire quelque chose de plus autour du Triangle Secret. Mais je n’avais pas d’idée, mais pas du tout. J’étais honnête… Et puis c'est Henri Phillipini, directeur de collection, qui m’a insufflé l’idée de travailler sur les gardiens du sang. Pendant 11 albums, on parle des gardiens de sang, les tueurs du Vatican, ce sont eux qui défendent la foi, le dogme, qui veulent à tout prix s’emparer du corps du Christ, en faire des expériences. Tout cela c'est en filigrane, or ce n’est pas développé. Tout m’est alors apparu limpide. C'était évident, cohérent, je ne triche pas avec les lecteurs. C'est le monde du Triangle Secret et c'est autre chose en même temps. Donc, la prochaine saison s’appelle Les Gardiens du Sang.

En quatre tomes ?
DC : Quatre tomes et on renouera avec la logique éditoriale du Triangle Secret, c'est-à-dire que chaque tome aura un auteur invité, qui fera un flashback de dix pages.

Personnellement, j’ai eu l’impression dans Le Triangle Secret, que les sept premiers tomes tiraient un peu en longueur. Cela n’aurait il pas pu être condensé ? Finalement dans INRI tout devient hyper limpide, tout s’explique, c'est hyper dense, j'ai vraiment l’impression qu’il y a une maturité.
DC : Oui, je crois, mais je me suis fait la même réflexion en écrivant le premier tome des Gardiens du Sang. J’avais pensé aussi à sept tomes pour faire le ballant, et puis en travaillant je me suis dit que j’y gagnerai et que le lecteur y gagnera aussi, si je n’en fait que quatre. Concernant le Triangle secret, ce fut très difficile de réduire, parce qu’il y avait beaucoup de personnages et d’informations. C'était la première fois qu’on traitait une bande de ce genre, avec des flashbacks aussi longs. Si je devais le réécrire, je pense qu’il y a des endroits où j’irai certainement plus vite. Paradoxalement, je ne le regrette pas quand même. Toutes ces petites imperfections ne me déplaisent pas, parce qu’elles ont servi à l’ambiance, à l’univers. Comme quand on regarde un Tintin par exemple qui n’est pas totalement abouti comme Les Bijoux de la Castafiore, il y a tout de même un charme. Mais je suis assez d'accord : il y a des endroits où j’aurais pu être beaucoup plus rapide.

Quid de la collection Loge Noire, c'est terminé ?
DC : Non, c'est Sylvain qui s’en occupe essentiellement, et je reste directeur de collection.

Si je peux me permettre d’être un peu désagréable, n’y a-t-il pas séries un peu « bancales » au sein de la collection Loge noire ?
DC : Si, tout à fait. C'est de ma faute, je suis d'accord. Je n’ai pas grand-chose à répondre sinon que c'est de ma faute. J’ai fait de mauvais jugements, j’ai rendu de mauvais services à des copains qui avaient besoin de bosser. Je manquais de vécu et de bouteille en tant qu’éditeur. On a repris ça en main : on en sort beaucoup moins depuis 2 ans. On est plus attentifs. Il y a donc de nouveaux titres qui arrivent qui sont vraiment excellents : Laurent Bidot va sortir L’Eternel, vraiment très bien.

Avez-vous des envies de travailler avec d’autres auteurs et des projets en cours ?
DC : Je travaille beaucoup avec Eric Adam que j’apprécie beaucoup. Il est un très grand scénariste de sa génération, vraiment : La Tranchée, Les Comptes du Septième Souffle. J’adore travailler avec lui et je sais qu’il me respecte et qu’il adore travailler avec moi. On n’a pas le même style, on n’est pas de la même génération et c’est donc extrêmement enrichissant et intéressant. On aborde ensemble des sujets qu’il n’aborderait pas seul et que je n’aborderai pas seul et on fait des tentatives. Là, on a fini le scénario d’une tentative de bande dessinée qui est une pièce de théâtre, qui s’appellera Petite Mort en un acte, avec un illustrateur tout à fait inhabituel. Cela n’a rien à voir avec ce que je fais traditionnellement, c'est une pièce de théâtre. C'est-à-dire que tout est conçu comme une pièce de théâtre, avec trois, quatre décors uniques, personnages, dialogues à l’anglaise. Je n’aurai pas fait cela tout seul et lui non plus. On a donc des projets tous les deux, Eric et moi. Sinon, j’ai des envies de travailler avec d’autres auteurs, oui bien sûr. Je ne lui ai jamais dit, mais j’adorerais travailler avec Jean-Claude Mézières. J’adorerais faire un scénario pour lui, pour multiples raisons. D’abord, c'est un grand dessinateur, un grand illustrateur. Puis, parce qu’il est un petit peu plus âgé que moi et que, quand j’étais jeune, je découvrais Valérian et c'était pour moi l’ouverture dans un monde de rêves. Ensuite, parce que je l'ai rencontré et j’ai appris à le connaître et c'est un homme charmant, merveilleux. Bien entendu, si on avait le temps Juillard et moi on ferait aussi certainement quelque chose. De temps en temps on fait des trucs, par-ci par-là pour Le Triangle Secret. J’aurai bien aimé écrire un scénario pour Hergé aussi, mais il n’a pas dénié rester avec nous, tant pis…

Quelle bande dessinée vous auriez envie de conseiller, soit une lecture récente, soit une œuvre majeure ?
DC : Pour rigoler, je proposerais de lire Captaine Biceps. Franchement, je ne comprends pas que les gens ne lisent pas tous Captain Biceps. C'est quand même une franche partie de rigolade et une leçon de dessin et d’humour. Le reste après, il y en a des centaines, dont je ne me rappelle jamais des titres, parce que je ne suis pas un grand lecteur de bande dessinée. Par contre, je les regarde, je les ouvre et puis il y a une chose aussi, c'est que je suis assez admiratif de beaucoup de choses qui se font actuellement. Je dois confesser que je ne lis pas toujours les scénarios, je feuillette, parce que je n’ai pas trop le temps. Pour mon boulot, je lis des documents.

Même les Giroud ?
DC : Franck et moi, il y a tellement de ressemblances dans la façon de travailler, dans les réflexions, dans les centres d’intérêt. Quand on est tous les deux, quand on parle, on est en résonance. On s’admire l’un l’autre. Mais là, par exemple, si vous me demandez de citer des noms de scénaristes, je vais en oublier. Il y a Franck et Jean Dufaux que j’adore. Jean est un type que j’adore lire, parce qu’il est littéraire, il est poétique, parce qu’en plus, en même temps, il raconte une histoire. Il aime le cinéma, il a toute la technicité d’un cinéaste pour raconter ses histoires. Même si des fois c'est à la mode de dire Van Hamme, Jean Van Hamme est tout de même l’un des plus grands scénaristes de l’histoire de la bande dessinée. Les gens qui disent le contraire sont des imbéciles jaloux. Il a inventé une forme populaire au bon sens du terme, c'est-à-dire intelligente, avec de véritables rebondissements, de véritables intriques, avec une connaissance du milieu qu’il développe. Van Hamme est un très grand scénariste. Et puis j’en oublie trois tonnes.

Si vous aviez le pouvoir d’entrer quelques temps dans la peau d’un autre auteur de BD, pour comprendre son œuvre, cerner sa démarche, ce serait qui ?
DC : C'est une bonne question, c'est joli. Aujourd’hui, je ne suis plus tellement intéressé par le dessin, encore que des fois j’ai envie de m’y remettre, mais dans un style totalement différent. Je ne voudrais plus du tout faire du dessin réaliste, cela me gonflerait. Donc je rentrerais volontiers dans la tête de Van Hamme justement. Parce qu’il est un petit peu le contraire de moi. Moi, je construis énormément mes histoires, mais je suis assez littéraire, j’aime prendre du temps et volontairement des fois je ralentis l’action.

Merci Didier !