interview Bande dessinée

Frédérique Rich

©Vraoum! édition 2018

Frédérique Rich signe un album étonnant et unique Cheval caillou, une superbe fable où le voyage côtoie les rencontres, la magie, la guerre, les animaux et les souvenirs enfouis. Nous sommes heureux de l’avoir rencontrée pour qu’elle nous explique cette œuvre si particulière, pleine de symboles et de mythes. Frédérique est une personne timide et qui pèse chacun de ses mots, comme si elle voulait toucher au plus profond de l’être par des réflexions qui ouvrent des portes. Assurément une belle rencontre !

Réalisée en lien avec l'album Cheval caillou
Lieu de l'interview : Quai des bulles

interview menée
par
29 novembre 2018

Bonjour Frédérique Rich. Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ?
Frédérique Rich : Je vis dans un petit village de montagne. Je suis souvent dehors pour me balader. Je me suis baladée un peu plus loin que mon village puisque je suis allée en Syrie, en Egypte et dans d’autres pays. Tout ça, tout notre environnement, tout ce qui nous entoure et tous les gens que je côtoie font qu’on aboutit à une histoire : Cheval Caillou.

Extrait de Cheval Caillou, de Frédérique Rich

Vous avez commencé votre carrière en illustrant des carnets de voyage ?
FR : Oui c’est une forme d’approche, une façon d’entrer avec les gens. Avec mon compagnon qui est photographe, on y a mis des dessins et des photos.

Pouvez- vous nous faire un petit pitch de Cheval Caillou ?
FR : C’est une grande traversée des Ardennes puis dans le monde en passant par des terres ravagées comme Palmyre. Cela évoque des histoires lointaines comme la première guerre mondiale et l’actualité vive. C’est un jeune homme qui rencontre un caillou qui se transforme en cheval. Ce cheval va l’aider à suive sa piste jusqu’en Tanzanie.

C’est à la fois une histoire qui mêle réalisme et fantastique ou merveilleux. C’est un mélange presque déstabilisant pour le lecteur, non ?
FR : Finalement, quand on regarde autour de nous, on ne comprend plus rien. On est nous-mêmes déstabilisés. Où se situe la frontière entre le réel et l’imaginaire ? Quand on rêve, on ne sait plus trop non plus où est la limite.

Pouvez-vous donner quelques clefs pour bien comprendre votre récit ?
FR : Ça a commencé par l’image de l’hippotrague noir. Je suis tombée sur cette image de mon frère qui était là-bas et qui a côtoyé cet animal et j’étais fasciné. Je me suis dit qu’un jour il faudra que j’en fasse une histoire. Mon frère a été un grand naturaliste voyageur. Il est mort tragiquement. Cela fait partie de l’histoire. On a fait un spectacle sur la première guerre mondiale et j’ai été touchée par le massacre de ces chevaux car ils ont existé aussi. Tout a un sens d’une certaine manière. Après, on se laisse porter.

Comment avez-vous travaillé ce noir et blanc puissant ?
FR : C’est peut-être à force de faire des croquis. On essaie de capter le vivant. On a toujours envie que ça bouge, des corps en train de palpiter. Le défi de ce travail, c’était d’accepter mes maladresses et d’être attentive à la puissance, l’énergie, le mouvement et à l’émotion.

La symbolique de l’album, c’est quoi : l’homme contre la nature ? Le besoin d’un message écologique ? Le retour à un temps primitif ?
FR : Le message, c’est peut-être d’accueillir. C’est d’accueillir et de poser les armes. Les images de la guerre c’est un travail de penser dans les deux orthographes du terme : panser pour que les blessures cicatrisent et penser nos actes. Sans doute qu’il y a besoin de ce temps de transformation. Pour moi, c’est une étape pour passer à autre chose. C’est traverser les ombres, évoquer les frontières.

Extrait de Cheval Caillou, de Frédérique Rich

Dans cet album, on pense beaucoup à la philosophie indienne. C’est une allusion consciente ?
FR : Cela me touche beaucoup ce que vous dites car je crois qu’automatiquement, il y a un lien. Je suis assez touchée par la culture amérindienne.

Avez-vous de futurs projets ?
FR : Oui, bien sûr. Je suis allée dans l’est et j’ai parcouru le Moyen-Orient et l’Afrique. Maintenant, j’aimerais bien aller en Amérique Latine jusqu’au Chili, où il y a la question des Indiens.

Vous feriez une histoire à travers ce voyage ? Ou un carnet ?
FR : Il va falloir que je me documente. Il y a déjà des tas de points qui me touchent. Je vais les agencer et les combiner pour ensuite savoir ce que j’en ferais. Le champ est ouvert.

Si je vous donne le pouvoir (chamanique) d’être dans la tête d’un auteur, scénariste ou dessinateur, qui choisiriez-vous et pour y trouver quoi ?
FR : Celle qui vient comme ça, c’est Miguel Angel Asturias. C’est un poète du Guatemala qui est un poète engagé et qui a vécu des choses fortes. Son verbe claque et sonne : c’est un grand homme !

Merci Frédérique !

Extrait de Cheval Caillou, de Frédérique Rich