interview Bande dessinée

Hubertus Rufledt et Helge Vogt

©Le Lombard édition 2015

Si Alisik est morte (mais pas tout à fait enterrée), ses auteurs eux sont bien vivants. Rufeldt Hubertus et Vogt Helge sont de sympathiques auteurs made in Allemagne. Leur première collaboration donne un conte moderne et gothique pour adolescents : Alisik. Après la sortie du tome 3 et peu avant la sortie du dernier tome, les auteurs étaient à Angoulême. Bien loin du ton triste ou poétiquement macabre de leur série, ils se livrent joyeusement au jeu des questions- réponses de notre site.

Réalisée en lien avec l'album Alisik T4
Lieu de l'interview : Le cyber espace

interview menée
par
12 août 2015

Bonjour Rufeldt Hubertus et Vogt Helge. Pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, Pourriez-vous vous présenter rapidement ?
Vogt Helde : Je suis le dessinateur et co-scénariste d’Alisik.
Rufeldt Hubertus : Et moi, je suis le scénariste d’Alisik et j’ai collaboré avec Vogt dans ce projet.

Comment vous êtes-vous rencontrés et pourquoi avoir travaillé ensemble?
Rufeldt Hubertus : Il y a quelques années, nous avons travaillé ensemble sur un projet sur Disney. On a appris à se connaître. Il y a à peu près cinq ans, j’ai eu une idée d’une fille morte dans un cimetière. Je voulais faire un court métrage d’animation sur ce sujet mais j’ai plutôt choisi d’en faire une bande dessinée.
Vogt Helge : En effet, pendant notre participation chez Disney, je voulais faire quelque chose qui vienne de moi et qui soit totalement différent avec une ambiance sombre et crépusculaire. Cependant, c’est beaucoup de travail si tu veux travailler tout toi-même pour faire un court métrage donc la bande dessinée était au final une meilleure idée.

Pouvez-vous nous parler un peu de l’histoire d’Alisik ?
Rufeldt Hubertus : C’est l’histoire d’une jeune fille qui se réveille un soir dans un cimetière…
Vogt Helge : … et il y a un problème !
Rufeldt Hubertus : Oui : elle réalise qu’elle est morte ! Puis, elle apprend qu’elle n’est pas seule dans ce cimetière et qu’il y a d’étranges personnages autour d’elle qui sont également morts. Cela créé d’autres histoires.
Vogt Helge : L’intrigue principale repose aussi sur le fait qu’elle tombe amoureuse d’un garçon qui, lui, est vivant. Il est aveugle et il ne peut pas voir qu’elle est morte. Elle s’amuse à garder ce secret pour elle mais parfois, elle parle de façon sinistre et assez triste. Elle essaie de trouver comment elle est devenue morte et elle rencontre aussi d’autres problèmes. Nous verrons ensuite le Royaume des Morts mais je ne vais pas tout dévoiler car c’est un bon final.

L’histoire s’adresse aux adolescents, aux jeunes et pourtant vous parlez de sujets terribles comme la mort...
Rufeldt Hubertus : Je pense que quand tu racontes une histoire, les plus grands sujets sont l’amour et la mort. C’est ce que tout le monde connaît et essaie de comprendre. Alisik est une grande combinaison de tout cela. Nous aimons aussi l’idée d’une jeune fille qui se réveille au milieu de morts qui viennent d’époques différentes. Il y a un homme qui vient de la première guerre mondiale, un autre beaucoup plus vieux. C’était une excellente opportunité pour combiner différents styles.

Il y a aussi de fortes réflexions sur la mort, la tristesse, la solitude. Vous voulez faire réfléchir les jeunes d’aujourd’hui ?
Rufeldt Hubertus : Nous voulions aussi parler du sens de la vie. Que pouvez-vous faire si vous aimez un garçon mais vous savez que c’est impossible ? Je pense que beaucoup de filles et de garçons peuvent connaître cette situation.
Vogt Helge : Il y a un autre sujet fort que l’on a abordé : c’est la culpabilité car chaque mort du cimetière a fait quelque chose qui pose question. As-tu le droit de tuer quelqu’un pour peut-être aider les autres ? Que signifie alors la culpabilité ?
Rufeldt Hubertus : Oui, c’est en effet un élément important et notamment pour Alisik. Elle doit faire un choix entre le bien et le mal. Elle peut aller en enfer (nous l’appelons les ténèbres) ou aller au ciel.
Vogt Helge : Il y a aussi la possibilité de donner une autre dimension aux autres personnages, une profondeur complexe et intéressante.

Vogt Helge, peux-tu décrire ton style graphique ?
Vogt Helde : C’est assez compliqué à décrire. Je pense que c’est un style assez sombre mais je ne voulais pas faire un dessin d’horreur ou un style répugnant. Par exemple, je n’ai jamais intégré des vers qui sortent des oreilles ou de nez qui tombent des morts. C’est sombre mais dans un style poétique. Toutes les créatures mortes ont quelque chose de triste ou de mélancolique. Ainsi, mes fantômes ont souvent le regard triste pour les rendre plus mélancoliques et plus humains.

Peut-on comparer votre histoire avec celles de Tim Burton?
Rufeldt Hubertus : Non ! Je n’y avais jamais pensé ! (rires)
Vogt Helge : C’est bien-sûr une de nos influences mais l’une de nos autres influences importantes est le style japonais. Tim Burton est quelque fois plus amusant et plus horrifique comme on en a parlé tout à l’heure. Cependant, vous avez raison : j’admire son travail évidemment. Combien de tomes sont prévus pour Alisik ?
Rufeldt Hubertus : Il y en aura quatre. Nous avons fini le troisième il y a quelques jours.

Alisik a-t-il plus de succès en Allemagne qu’en France ?
Vogt Helge : C’est assez différent parce que vous devez savoir qu’en Allemagne, la bande dessinée est moins chère donc les jeunes peuvent plus facilement s’en acheter. Là-bas, nous sommes comme des consommateurs de mangas et notre travail est rapidement balayé par autre chose. En France, c’est beaucoup plus artistique et intellectuel. Prenons l’exemple de cette interview : tes questions sont très intelligentes et l’on voit que les gens ici ont lu la bande dessinée et y ont vraiment réfléchi. Parfois, en Allemagne, on a l’impression que le public, et notamment les jeunes, lit les BD comme des mangas populaires.
Rufledt Hubertus : Oui, c’est vrai. Le public en France porte un regard très sérieux sur notre travail. Les Français ont une grande estime des histoires. En Allemagne, on regarde ce que c’est et on se dit: « ok, huit euros, ce n’est pas cher. On va essayer ».
Vogt Helge : Il faut dire aussi qu’en Allemagne, le monde de la bande dessinée n’est pas aussi développé qu’en France.
Rufeldt Hubertus : En Allemagne, vous ne verrez jamais des hommes ou des femmes entre 30 et 55 ans lire des bandes dessinées. Le public est beaucoup plus jeune.

Allez-vous continuer à travailler ensemble après Alisik ?
Rufeldt Hubertus : Nous avons nos propres projets personnels. On ne sait jamais ce qui peut se passer mais je pense que l’on retravaillera un jour ensemble. On a quelques idées en tête mais rien de bien concret.
Vogt Helge : D’un côté, nous sommes heureux que cela touche à sa fin mais d’un autre côté, nous sommes tristes car nous aimons beaucoup nos personnages. Rufeldt est un écrivain de talent mais je dois aussi me demander comment je peux continuer tout seul. A l’avenir, je sais que l’on fera de nouveau des choses ensemble. Après un travail comme celui-ci et avec le succès d’Alisik, on comprend facilement que l’on doit collaborer de nouveau.

Si je vous donne le pouvoir d’être dans la tête d’un auteur, scénariste ou dessinateur, qui choisiriez-vous et pour y trouver quoi ?
Vogt Helge : Je préférerais quelqu’un comme Neal Gaiman car il a toujours des idées incroyables au fil du temps. Si j’étais un personnage, je pense que je choisirais plutôt quelqu’un comme Mickey Mouse car ce serait une vie bien amusante.
Rufeldt Hubertus : Moi, j’aimerai être Franquin, l’auteur de Spirou et Fantasio car il y a beaucoup d’aventures dans tous les coins du monde. Je suis un grand fan de son travail.

Merci !