interview Bande dessinée

Kieran

©Ankama édition 2011

Kieran a débuté sa carrière de dessinateur sur le diptyque We are the night, scénarisé par Antoine Ozanam. Fortement influencé par le cinéma, ce polar « chorale » dévoile les talents graphiques de ce jeune auteur qui devrait faire parler de lui. A l'occasion du dernier festival d'Angoulême, nous sommes revenus avec lui sur ses débuts, mais aussi son avenir...

Réalisée en lien avec l'album We are the night T2
Lieu de l'interview : le festival d'Angoulême

interview menée
par
3 avril 2011

Bonjour Kieran ! Peux-tu te présenter et nous dire comment tu en es arrivé à faire de la bande dessinée ?
Kieran : Bonjour, j'ai dessiné un petit peu comme tout le monde quand j'étais petit. Je griffonnais en cours. J'ai eu un parcours assez classique, un Bac S. Tout semblait indiquer que j'irai en fac de bio et puis j'ai tout planté pur faire une fac d'arts plastiques. Mes parents étaient inquiets quand je leur ai dit vouloir faire du dessin et puis bon, je suis arrivé jusqu'à Lyon. Entre ma deuxième et troisième année, j'avais un stage à faire. Je l'ai trouvé au Zarmatelier, où j'ai croisé Bruno Bessadi, Domas, Thomas Allart et toute la clique. Ce sont eux qui m'ont poussé à contacter un scénariste. Un de mes amis, Renart, qui a fait Succube et Seconde chance, a rencontré Blacky (Guillaume Singelin) et lui a demandé comment il avait rencontré son scénariste. Blacky lui a donné les coordonnées d'Antoine Ozanam et Renart me les a filées aussi. J'ai tenté et deux jours après, il me répond et me demande sur quoi je veux bosser. On a partagé nos goûts et je lui ai cité des noms de films que j'adore comme Fight Club, Snatch. Il s'est servi de ça pour We are the night, un récit chorale avec plein de personnages. On a créé une sorte de mix entre 24 heures chrono, Snatch et Collision. Antoine adore multiplier les références au cinéma. Parfois, il m'inonde tellement, que je lui dis ne pas pouvoir tout mettre dans mes planches. Ma grande chance est d'avoir signé We are the night avant de terminer mes études, ce qui n'a pas plu à mon école… mais je suis une tête de mule.

Avant de te lancer dans la création visuelle de We are the night, Antoine t'avait déjà fourni la fin ?
Kieran : Non, pas du tout. Je connaissais la trame générale et j'ai eu quelques surprises. On apprend notamment dans le premier tome que Lorenzo est avec le frère de Bo. Je ne le savais pas du tout. Je l'ai dessiné de façon très normale et son homosexualité n'était pas mise en jeu dans son attitude physique. Antoine m'avait juste indiqué que c'était quelqu'un de très stressé. Lorsqu’on a tous les aboutissants, cela influe sur la façon de concevoir les personnages. Au final, ça marche mieux comme ça.

Quelles sont influences ?
Kieran : Cela ne se ressent pas forcément, mais Hellboy de Mike Mignola. Mon livre de chevet est la Bible infernale. Quand j'ai besoin de décomposer une planche en noir et blanc, j'y jette un œil. Au début, We are the night a été conçu en noir et blanc. On m'a poussé à le mettre en couleurs et au final ça s'est bien passé. Sinon Frank Miller, avec Sin City ou Toppi. J'adore sa composition, il a plusieurs niveaux de lecture.

Tu es plutôt comics ?
Kieran : Oui, parce que je ne suis pas un fan de BD franco-belge. Attention, je ne parle pas du dessin qui est souvent fantastique dans le registre. Franquin est phénoménal. Son encrage est incroyable, on a l'impression qu'il a tout vectorisé à la plume. J'apprécie énormément David Sala, Guillaume Singelin quand même.

Tu disais avoir conçu We are the night en noir et blanc, cela n'a pas été trop dur de voir cet univers en couleurs ?
Kieran : Non, car j'ai gagné du temps ! Il y a certains détails que j'aurais du préciser en noir et blanc, qui ont pu être évités avec l'utilisation de la couleur.

We are the night, se termine donc avec le second opus. Pas envie de poursuivre la série ?
Kieran : J'ai fini le second tome en décembre. J'avais l'envie de faire un second cycle totalement indépendant, en offrant la possibilité de reprendre certains personnages comme Bo. Pour moi, c'est le plus intéressant. On pense que c'est un gros bourrin mais c'est le plus profond. J'avais pensé que l'action pouvait se dérouler à Marseille. Avec Antoine, on a laissé quelques petites portes ouvertes. On verra plus tard.

Quel est donc ton prochain projet ?
Kieran : Je suis en train de voir avec Antoine, si on pouvait faire un DoggyBags. Je ne veux pas précipiter les choses, on verra bien. Le prochain gros projet est toujours avec Antoine une sorte de survival horror qui se passerait en Amérique du sud. Un virus transformerait les gens en créatures très agressives et assoiffées de sang. Le propos n'est pas de faire du zombie, mais de jouer sur les ambiances et les peurs. On pense faire une histoire en deux tomes.

Quelles sont tes dernières lectures marquantes ?
Kieran : J'ai eu deux coups de cœur cette année. Le premier est pour Belleville Story. Les cinq premières pages sont une leçon de bande dessinée. Le second c'est Parker de Darwyn Cooke. J'avais adoré le film Payback et là, on retrouve une version longue avec le vrai nom du personnage. Vraiment très très bon. Le style à l'ancienne est adapté.

Si tu avais le pouvoir métaphysique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en apprendre son art. Qui irais-tu voir ?
Kieran : A vrai dire, je ne me suis jamais posé cette question. Je préfère regarder les gens travailler et voir comment ils font. Mignola, pour lui prendre 1% de son talent. Ou Thomas Allart pour sa composition de pages et sa façon de faire les visages.

Merci Kieran !