interview Bande dessinée

Léo Pilipovic

©Delcourt édition 2008

Après avoir eu le privilège de dessiner deux épisodes de L’histoire secrète de Jean-Pierre Pécau (une série d’ordinaire dévolue à Igor Kordey), le dessinateur serbe Léo Pilipovic s’est vu confier l’illustration d’une série propre, aux côtés du même Pécau : Le Grand jeu. Son style réaliste colle parfaitement au ton de série B de cette aventure historico-fantastique. Les bédiens ont profité de son passage à Paris pour le rencontrer.
Un grand merci à Csaba Kopeczky, son agent, pour avoir aidé à la traduction serbo-anglo-française !

Réalisée en lien avec l'album Le grand jeu T2
Lieu de l'interview : Hôtel Mercure, rue de la Sorbonne, Paris

interview menée
par
19 mai 2008

Bonjour Léo ! Pour faire connaissance, peux-tu te présenter ?
Léo Pilipovic : Hello, je suis Léo Pilipovic. Je suis originaire de Serbie, de Subotica. Je suis venu à Paris pour une tournée de 10 jours, pour faire des dédicaces et rencontrer mon agent et mon éditeur. C’est un véritable plaisir d’être en France, je suis ravi !

Comment en es-tu arrivé à faire de la bande dessinée ?
Léo Pilipovic : C’est une question difficile… Grâce à cet homme surtout (NDLR : il désigne Csaba Kopeczky, son agent et traducteur, présent à ses côtés). Déjà, il y a 15 ans, il m’avait téléphoné pour me proposer de travailler en tant que dessinateur pour un gros éditeur français de comics. A l’époque, j’avais refusé, je ne me sentais pas prêt, pas au niveau. J’étais même terrifié, je ne croyais pas du tout en mes capacités. Je n’avais jamais dessiné de BD en entier, juste à peine quelques strips dans divers magazines. Mais il n’a pas lâché l’affaire aussi facilement… Il m’a rappelé quelques années plus tard pour me demander si j’avais changé d(‘avis… Je n’avais pas changé d’avis. Il a fini par me convaincre il y a 3-4 ans. On s’est rencontré et il m’a appâté en parlant contrat, voyage en France…et j’ai fini par accepter. C’était énorme pour moi qui n’avais que peu dessiné, de pouvoir travailler pour un éditeur aussi prestigieux que Delcourt.

Ton premier album était L’histoire secrète tome 4 ?
Léo Pilipovic : Effectivement, mon premier livre publié était L’histoire secrète tome 4. J’ai mis plus de 10 mois à le réaliser. Quand je l’ai commencé, je n’avais plus rien dessiné depuis 10 ans ! Ce fut donc très difficile sur les premières planches, et puis j’ai fini par prendre un rythme, à trouver mes repaires et la suite a été plus facile.

10 ans ! ? Et entre temps, tu faisais quoi ?
Léo Pilipovic : J’étais tatoueur ! J’exerçais cette activité artistique lorsque Csaba Kopeczky m’a repéré. Et puis je faisais aussi partie d’un groupe de rock, à la guitare. On a fait deux albums. Mais le groupe s’est totalement dissout. Maintenant, je me suis même mis à d’autres instruments, pour mon plaisir, pour changer de la guitare.

Et le tome 5 de L’histoire secrète ?
Léo Pilipovic : Le tome 5 a été plus rapide à dessiner, puis Le grand jeu encore plus facile… Pour chacun des 2 tomes déjà publiés, j’ai du passer à peu près 6 mois, et je pense passer encore la même chose pour le troisième sur lequel je travaille à présent.

Comment as-tu rencontré Jean-Pierre Pécau ?
Léo Pilipovic : En vérité, je l’ai rencontré pour la première fois… hier !! On travaille ensemble via Internet depuis des mois Mais je connais depuis longtemps son œuvre et sa renommée en France. Il a fait tellement d’albums… C’est un grand scénariste ! Il est d’une érudition incroyable concernant les avions, les sous-marins…

Comment travaille-il avec toi ? Il te livre de la documentation avec ses scénarii ?
Léo Pilipovic : Pas tant que ça, en fait. Parfois, pour me faciliter le dessin, il me livre bien quelques images… Mais la plupart du temps, je me débrouille par moi-même, sur Internet, sur Google. En général, j’ai surtout besoin qu’il m’écrive les noms complets des choses, les lettres exactes à graver sur les avions, par exemple… Pour le reste, sur Google, on trouve tout ce qu’on veut ! Sinon, concernant le mode de collaboration, il me donne le scénario que Csaba me traduit en Serbe. C’est présenté comme un script pour un film, découpé en séquences….

Et les loups-garous, d’où sont-ils inspirés ?
Léo Pilipovic : Ça n’est pas ce qu’il y a de plus difficile à dessiner : il suffit de laisser aller son imagination et de se souvenir de quelques films.

Quel est l’avenir du Grand jeu ?
Léo Pilipovic : Pour le moment, je termine le troisième et dernier tome. Ce sera assurément une trilogie… peut-être y aura-t-il un second cycle, voir plus si affinités… On déterminera ça avec Jean-Pierre avec Delcourt. Mais dans ce cas, ce sera des histoires en 2 albums.

Travailles-tu dans une ambiance particulière ?
Léo Pilipovic : Je travaille seul, chez moi, pas en atelier. J’ai une petite table à dessin sur laquelle se trouve un bordel monstrueux…

Tu as travaillé aux côtés d’Igor Kordey pour L’histoire secrète ?
Léo Pilipovic : Non, je ne l’ai même jamais rencontré ! Je suis totalement fan, depuis la fin des années 80, quand il a commencé à publier des comics en ex-Yougoslavie. A l’époque, je savais déjà qu’il allait devenir une grande star de la BD, ce qu’il est devenu d’ailleurs aujourd’hui.

(une question en direction de l’agent, Csaba Kopeczsky) Pourquoi d’ailleurs, Léo a-t-il dessiné 2 tomes de L’histoire secrète, et Igor tous les autres ?
Csaba Kopeczsky : L’histoire secrète était au départ un projet éditorial dans la lignée du Décalogue de Giroud : une série au long cours, mais avec une pluie de dessinateurs pour accélérer les délais de publication. Or, on s’est rapidement rendu compte de la puissance phénoménale de travail d’Igor Kordey, capable de faire un album en un ou deux mois… Il s’impose une rigueur de production inédite : même après une pleine journée de dédicaces il est capable, le lendemain matin, de remettre les planches qu’il a dessinées dans la nuit… Et tant mieux, car la série est prévue en trente tomes, et c’est lui qui va la terminer tout seul…

As-tu des envies de collaborations particulières avec d’autres scénaristes, après le Grand jeu ?
Léo Pilipovic : Non, juste Pécau ! En fait, c’est difficile à dire pour moi… Avant la guerre, en Serbie, nous suivions parfaitement les nouveautés de bande dessinée franco-belges. C’était une culture très bien implantée dans notre pays, un relais très au point et qui marchait vraiment très fort. Tout était publié là-bas, tout, parfois même avant vous ! Et puis avec les problèmes dans les Balkans et l’isolement international de la Serbie, il y a eu un black-out de quelques années, qui perdure encore aujourd’hui. Or, pendant ce temps, la bande dessinée a énormément évolué en France, il y a eu un véritable boom, aussi bien au niveau des ventes, du nombre de nouveautés que des techniques de dessin, de rythmes, de découpage… En fait j’ai besoin aujourd’hui de me refaire une culture du 9e art, car celle qui me sert de référent est obsolète.

Si tu devais néanmoins citer quelques artistes de référence pour toi ?
Léo Pilipovic : Il y en aurait beaucoup trop… Je dirais bien sûr Igor Kordey, Gradimir Smudja, Jean Giraud-Moebius, Hugo Pratt, Nicolas de Crecy…

Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD ou les artistes que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Léo Pilipovic : Toute l’œuvre de Gradimir Smudja ! Sinon, Moebius, Tony Sandoval…

Merci Léo et merci Csaba !