interview Comics

Luke Ross

©Delcourt édition 2008

L'évènement attendu depuis près de 20 ans par les fans s'est enfin produit : Indiana Jones reprend du service sur nos écrans de cinéma ! Présentée au festival de Cannes 2008, la superproduction Lucas/Spielberg s'accompagne d'une adaptation comics conservée top secrète jusqu'au dernier moment, et dessinée par Luke Ross. Après avoir dessiné de nombreux super héros, le dessinateur rebondit sur cette sortie hyper-médiatique pour nous présenter son œuvre. Nous avons profité de la première venue du dessinateur en France pour l’interviewer...

Réalisée en lien avec les albums Indiana Jones, L'âme du samouraï T2
Lieu de l'interview : chez Delcourt

interview menée
par
20 mai 2008

Bonjour Luke Ross, pour commencer, pouvez-vous présenter brièvement votre carrière à nos lecteurs ?
Luke Ross : J’ai commencé à faire des comics en 1992 aux Etats-Unis avec Blood is the Harvest pour Eclipse Comics. Ensuite, j’ai fait d’autres titres qui m’ont permis de travailler pour Marvel. Ils m’ont demandé de faire un chapitre car le dessinateur en charge de leur série n’avait pas suffisamment de temps pour finir. J’ai alors fait de mon mieux et cela leur a suffisamment plu pour qu’ils me proposent de faire Sensational Spiderman puis Spectacular Spiderman. J’ai travaillé sur des séries comme Gen13, New Gods et JLA. Trois ans après avoir réalisé Spiderman, je suis passé sur X-Men, vu que Marvel voulait changer d’orientation. Et puis j’ai fait un break, je suis retourné au Brésil. J’ai passé mon temps à ouvrir des écoles de dessins et d’art dans lesquelles j’enseignais, pendant trois ans. J’ai ensuite travaillé pour une agence de publicité mais à ce moment là, j’ai réalisé que ma passion me manquait et j’ai tenté de faire mon retour sur le marché des comics. Mon premier titre a été pour Vertigo avec American Century, puis CrossGen. Je suis ensuite parti habiter en Floride où de nombreux artistes talentueux vivent. Là-bas, j’ai rencontré Ron Marz avec qui j’ai fait deux cycles de L’âme du Samouraï. On a d’ailleurs d’autres projets ensemble. Je lui laisse le temps qu’il faut pour que l’on puisse continuer L’âme du Samouraï. Il m’a dit qu’il avait beaucoup de travail et qu’il considère cela comme léger. Il veut faire du bon boulot sur L’âme du Samouraï, je respecte donc son choix et préfère patienter. Pendant ce temps, je viens de finir deux chapitres de Green Lantern Corps et je travaille sur un autre titre pour Marvel, mais je n’ai pas encore le droit de le dire…

Vous avez aussi travaillé sur beaucoup de super héros…
Luke Ross : Spiderman est le premier comics que j’ai lu dans ma vie ! Je me rappelle quand j’étais enfant, je demandais sans cesse à ma mère de me l’acheter. Il est vrai que maintenant ce n’est pas le genre de lecture que je préfère mais j’étais totalement dingue de tout ça. Pour moi, c’est un rêve qui est devenu réalité. Spiderman est la plus grande icône de mon enfance, donc il est assez spécial pour moi.

Vous auriez envie de retravailler sur Spiderman ?
Luke Ross : Si je disais non, je mentirais !

Vous avez participé à la saga Star Wars, le temps d’un chapitre sur Republic et maintenant Indiana Jones, vous êtes un ami de George Lucas ?
Luke Ross : J’aimerais bien ! En fait, je suis arrivé sur le projet car Ron Marz et moi aimions beaucoup le personnage. Après le premier cycle de L’âme du Samouraï, nous avons travaillé dessus et Dark Horse a beaucoup aimé. Ils l’ont présenté à LucasFilms mais ils ne l’ont pas publié pour le moment. En voyant notre travail, ils m’ont choisi pour illustrer en 90 pages le nouveau volet d’Indiana Jones.

Vous aviez vu le film avant ou on vous a donné le scénario bien avant...
Luke Ross : Pour commencer, je me suis replongé un nombre de fois incalculables dans la trilogie pour trouver l’esprit. Ensuite, j’ai eu beaucoup de photos que l’on m’envoyait, des images, beaucoup de photos des acteurs et du storyboard. Cela m’a permis d’essayer de faire au mieux les visages des acteurs, bien que pour Harrisson Ford, il n’y en ait pas vraiment eu besoin. J’ai travaillé aussi bien sur table à dessin que sur ordinateur.

Pour illustrer les acteurs d’Indiana Jones, vous le faisiez de tête ou avec des photos ?
Luke Ross : En fait, ça dépend. Concernant les personnages de second plan, je le faisais de tête. Pour les autres, LucasFilms me demandait de respecter les proportions, certains détails ou tenues. Je m’y suis donc tenu !

Les acteurs ont-ils vus le résultat ?
Luke Ross : Je ne sais pas… Mais s’ils ont la chance de voir mon travail, j’espère qu’ils apprécieront et ne seront pas fâchés !

Avez-vous des anecdotes durant la création du titre ?
Luke Ross : Non, tout était très carré. Ce qui était amusant pour moi était de recevoir les informations tous les matins. Je pense que George Lucas était très inquiet qu’il y ait des fuites au niveau du scénario. Ni ma femme, ni ma mère n’ont pu voir une seule information !

Dans L’âme du Samouraï, le héros visite de nombreux pays, votre travail sur les décors est-il inspiré de voyages ?
Luke Ross : Non ! Je pense que tout le monde doit le croire mais il s’agit de livres ou de photos. En fait, je mets plus de temps sur L’âme du Samouraï, je fais 2 à 3 planches par semaines contre 5 ou 6 en temps normal, ce qui me permet de soigner les détails comme le décor. Ron m’a aussi donné beaucoup de livres, ce qui m’a aidé pour le Japon, la Chine ou la France.

Copyright Luke Ross/DC ComicsEntre les deux cycles de L’âme du Samouraï, vous avez débuté pour DC Comics Jonah Hex
Luke Ross : En fait, j’ai travaillé sur cette série parce que durant six mois, il y eut de terribles ouragans en Floride, Ron était enfermé chez lui. J’avais aussi des problèmes et j’avais besoin d’un peu de temps avant de me remettre sur la suite de L’âme du Samouraï. DC Comics m’a appelé afin de me proposer de faire six chapitres d’une nouvelle série Jonah Hex. J’ai évidemment demandé à Dark Horse si cela ne les embêtait pas et ils m’ont donné leur accord. J’ai donc rencontré deux scénaristes très intéressants : Jimmy Palmiotti et Justin Gray, qui fonctionnent ensemble avec une véritable alchimie. J’ai pu laisser libre court à mes influences cinématographiques pour illustrer l’histoire. C’est une expérience que j’aimerais renouveler.

La série continue toujours, vous souhaitez y participer à nouveau ?
Luke Ross : J’aimerais beaucoup et on en a d’ailleurs parlé, mais j’ai beaucoup de travail. J’espère !

Copyright Luke Ross/Virgin ComicsVous avez aussi réalisé beaucoup de couvertures pour des séries comme Devi ou pour Witchblade. Cette activité vous plaît ?
Luke Ross : J’aime bien expérimenter et essayer d’obtenir des résultats surprenants. J’utilise Photoshop et mes pinceaux pour créer quelque chose d’intéressant. Je mets environ trois jours pour en faire une. Par contre, je pense que je ne suis pas un bon designer pour les couvertures, donc pour progresser j’accepte toutes les opportunités. J’en ai quand même fait beaucoup pour Dynamite, Top Cow, Virgin Comics…

Quelles sont vos références, vos dessinateurs préférés ?
Luke Ross : C’est très difficile pour moi car je risque d’en oublier plein, John Buscema, Jim Lee, Marc Silvestri. Pour les mangas, j’aime beaucoup Katsuhiro Otomo ou Masamune Shirow. Maintenant mes influences sont plutôt le cinéma ou l’image en général.

Vous connaissez des auteurs européens ?
Luke Ross : En fait, ces BD sont assez dures à trouver là où j’habite. Mais il y a des artistes incroyables comme Moebius, Philippe Caza, Manara ou Marini. J’ai longtemps lu Metal Hurlant, donc j’ai pu découvrir des dessinateurs formidables.

Vous aimeriez travailler sur un titre pour un éditeur européen ?
Luke Ross : Je signe où ? Pour moi, ce serait une expérience incroyable, je serais très flatté.

Si vous aviez une gomme magique pour corriger un détail d'un de vos albums, souhaiteriez vous l'utiliser ? Si oui, sur quoi ?
Luke Ross : En fait, il me faudrait simplement plus de temps pour mettre plus de détails dans mes albums ! Je sais qu’il y a des choses qui pourraient progresser au niveau des décors mais que se soit moi ou le scénariste, nous avons une date imposée ! Donc plutôt qu’une gomme, je préfèrerais avoir le pouvoir de repousser les dates !

Avec qui aimeriez-vous travailler ?
Luke Ross : Je serais le plus heureux du monde si je pouvais faire cinq pages pour Alan Moore.

Vous avez toujours dessiné pour les autres, avez-vous envie d'écrire vos propres histoires ? Si oui, quels genres ?
Luke Ross : Oh non ! Je n’ai pas d’expérience dans le domaine et je préfère dessiner !

Quels sont vos projets ?
Luke Ross : Je devrais recommencer à travailler sur L’âme du Samouraï à partir de juin.

Quelles séries conseilleriez-vous à nos lecteurs ?
Luke Ross : Je dirais 100 Bullets, Y, le dernier home, Blacksad, The Goon, Le Scorpion et Rapaces. Et aussi Hellboy !

Si vous aviez le pouvoir de vous téléporter dans le crâne d'un auteur de BD ou de comics, qui iriez-vous visiter ?
Luke Ross : Moebius ! Parce que tout ce qu’il touche est fantastique. Quand on regarde son travail, c’est impressionnant.

Merci à vous !
Luke Ross : Merci à tous mes fans français pour leur soutien !