interview Comics

Mike Perkins

©Delcourt édition 2011

Véritable homme de l'ombre de l'industrie des comics depuis plus d'une dizaine d'année, Mike Perkins a tout fait ! Celui qui s'est fait connaître comme un encreur de talent, s'est aussi essayé à la bande dessinée (chez les Humanos), à l'illustration et après divers projets, il a enfin gagné ses galons chez Marvel (son éditeur américain) qui lui a confié la tâche de dessiner l'adaptation du roman fleuve Le fléau de Stephen King. Si ce genre d’exercice n'est pas d'ordinaire toujours ambitieux, cette fois-ci, il est exceptionnel. Les planches de Mike Perkins sont si réussies que Delcourt (l'éditeur français) a même agrandi le format de parution originale. Connu pour être très abordable et sympathique, l'artiste britannique a accepté de répondre à nos questions avec plaisir. Focus sur un dessinateur au style réaliste impressionnant...

Réalisée en lien avec l'album Le fléau T5
Lieu de l'interview : le cyber-espace

interview menée
par
21 juin 2011

© Mike PerkinsBonjour Mike, peux-tu nous dire comment t’est venue l’envie de faire de la bande dessinée ?
Mike Perkins : Depuis que je suis enfant, j’ai toujours dessiné des comics. Comme je n’ai jamais arrêté, j’ai voulu en faire ma carrière. J’ai donc fait l'école des beaux-arts, suivie par un cours de gestion d'affaires durant une année, afin que je puisse fonder ma propre activité. J’ai présenté mon travail à un agent à Londres et il m’a proposé un premier script pour le magazine 2000AD. Doucement mais sûrement, à force d’illustrations dans des comics, dans des romans, pour des designs commerciaux ou dans le jeu vidéo, ma vie professionnelle s’est développée autour du dessin, ce qui était mon but. J’ai depuis travaillé pour Caliber, Marvel UK, Games Workshop, DC, Dark Horse, 2000AD, Crossgen, Les Humanoïdes associés et actuellement pour Marvel.

Quelles sont tes influences ?
Mike Perkins : Dans mes premiers temps chez 2000AD, j’ai lourdement été influencé par Brian Bolland, Dave Gibbons, Steve Dillon, Ian Gibson, Mike McMahon. Cela ne se voit pas forcément dans mes travaux actuels, mais ce sont mes racines.

Tu as évoqué le magazine 2000AD, quel regard portes-tu sur tes premiers travaux ?
Mike Perkins : Je pense que tous les artistes sont horrifiés lorsqu’ils revoient leurs premiers comics. Je reste cependant très fier de ce que j’ai fait, j’ai quand même bossé chez 2000AD ! J’ai grandi avec ce magazine et y participer a été un rêve pour moi. Je reste digne d’y avoir participé. J’aurai aimé faire plus de choses pour eux.

© Mike PerkinsAprès ton passage chez 2000AD, tu as travaillé pour Crossgen. Si je ne dis pas de bêtise, c’est ta première rencontre avec Butch Guice
Mike Perkins : Oui, c’est exact. En fait, j’étais en train de travailler sur un autre titre lorsque j’ai entendu que Butch rejoignait Crossgen. J’ai alors suggéré de faire son encrage, car je pensais que cela serait intéressant de mélanger nos styles. J’ai donc du déménager d’Angleterre en Floride. Ma première question pour Butch a été « est-ce que les portes de ton appartement sont suffisamment larges pour que je puisse y amener mon sofa ? ».

Depuis Butch Guice est devenu un partenaire régulier, vous avez même travaillé tous les deux sur une série de bande dessinée : Mandalay
Mike Perkins : Je voulais absolument travailler pour le marché français et j’ai été approché par quelques éditeurs. Le problème est que j’avais signé un contrat d’exclusivité avec Marvel. J’avais des idées vraiment intéressantes et je n’ai pas pu passer autant de temps que prévu sur le titre. Mandalay a souffert du fait que j’étais chez Marvel mais je pense que c’était assez correct. De toute façon, j’adore travailler avec Butch.

Pourquoi as-tu poursuivi ta carrière aux USA ? Avais-tu la même liberté de création ?
Mike Perkins : D’une certaine façon, quand tu travailles sur les titres de super héros, tu te retrouves avec la lourde responsabilité de poursuivre l’œuvre d’autres artistes. J’ai mis une décennie avant de me lancer. C’était une énorme pression ! Et puis pour les mercenaires de ce métier, l’industrie des comics paie bien. Quand tu te mets à sortir des projets personnels, tu n’es pas sûr de gagner ta vie et comme tout le monde, j’ai aussi des dépenses minimales. J’aimerais beaucoup avoir le temps et les moyens de créer ce dont j’ai toujours eu envie.

Durant des années, tu as encré énormément d’artistes. Que penses-tu de cette expérience ?
Mike Perkins : J’ai toujours adoré ça. Pour moi, c’était une chance d’apprendre comment on construit une page. C’est peut-être contradictoire pour moi de dire ça, mais je n’aime pas que l’on encre mon travail ! Je préfère le faire moi-même. De toute façon, j’ai quasiment envie de faire tout. Peindre, encrer et coloriser sont des tâches séparées aux USA, mais en Angleterre ce n’est pas le cas.

Tu as travaillé pour DC Comics ou Marvel sur de nombreux super héros. En as-tu un favori ?
Mike Perkins : J’adore les super héros du quotidien. Ceux aussi qui ont un petit côté espionnage, comme Black Widow (La Veuve Noire), Nick Fury, Wolverine, Punisher… C’est très facile d’en faire une liste, mais elle est tellement longue que je risque de ne jamais en voir le bout.

© Mike PerkinsTu as régulièrement collaboré avec Ed Brubaker ou Christos N. Gage. Pourquoi ? Vous êtes proches ?
Mike Perkins : Je pense que leur façon d’aborder les histoires correspond bien à la mienne. Je pense que les mecs de Marvel le pensent aussi. C’est toujours sympathique de travailler avec des scénaristes dont les comics imposent le respect. J’ai lu tout ce qu’Ed a pu écrire, pareil pour Mike Carey. Ils ont une qualité d’écriture impressionnante. Christos est très brillant également, il sait écrire des histoires pour le fan que je suis.

Plus récemment, en France, nous t’avons retrouvé sur Le Fléau, l’adaptation du roman de Stephen King. Tu étais un fan ?
Mike Perkins : J’ai lu un peu de Stephen King et l’un des premiers que j’ai lu, c’était Le Fléau. Plutôt que de lire tous ses romans, je les ai surtout découverts en livre audio. Je suis devenu un gigantesque fan de son écriture. Ses livres sont toujours bondés de personnages et d’endroits intéressants. Pour moi, c’est un véritable bonheur d’avoir été choisi pour cette adaptation.

Ton travail est proprement excellent. En lisant les comics, cela m’a rappelé l’époque où j’ai découvert le roman. Et là, j’ai ressenti les mêmes impressions. Quel est ton secret ?
Mike Perkins : Merci ! J’essaie de rester le plus proche du roman. Quand je l’ai lu la première fois, je m’étais fait un index avec les personnages et les lieux. Je ne pensais pas adapter quelques années plus tard ce livre. Aujourd’hui, nous essayons avec Roberto Aguirre-Sacasa de proposer la version ultime de cette œuvre. Nous ne voulons pas que les lecteurs soient déçus et viennent nous le dire. C’est ce qui nous motive depuis le premier jour !

Le Fléau est un énorme projet. Est-ce que tu seras présent jusqu’à la conclusion ?
Mike Perkins : Oui, mon intention est d’achever ce que j’ai commencé. La série devrait faire 31 épisodes soit 6 gros albums (NDR : 10 en France). Peut être qu’un jour, notre adaptation aura droit à un énorme omnibus (NDR : un honneur réservé aux classiques aux USA) ! J’ai vu aussi la version française publiée chez Delcourt et elle est splendide ! J’adore leur format plus grand.

Le choix de Delcourt est justifié par, d’après eux, la qualité de tes dessins…
Mike Perkins : Oh, merci beaucoup Delcourt. C’est un immense compliment !

© Mike PerkinsComment collabores-tu avec Roberto Aguirre-Sacasa ? T’a t-il offert une petite liberté sur cette adaptation ?
Mike Perkins : Il m’a toujours laissé un peu de liberté, mais son scénario était vraiment parfait. Je n’en ai pas vraiment eu besoin.

Quels sont tes futurs projets ?
Mike Perkins : Je suis en ce moment totalement débordé par mon travail sur Le Fléau et j’essaie de me concentrer sur ça. La seule chose que je peux te dire, c’est que j’ai récemment illustré un one-shot sur Thor écrit par Mike Carey. J’ai aussi encré George Perez sur un roman graphique des Teen Titans.

As-tu eu des coups de cœur récents en termes de lectures ?
Mike Perkins : Je suis un véritable mordu d’Unwritten, Scalped, Captain America, X23, Daken (Dark Wolverine), SHIELD, Fanstatic four, Secret Avengers, Heroes for hire, Walking Dead et Locke & Key. Il y a aussi deux titres que j’ai adore récemment : Borgia et SkyDoll.

Si tu avais une gomme magique pour corriger un détail ou une partie d’une de tes bandes dessinées ?
Mike Perkins : Non, il faut toujours regarder vers le futur, ne jamais avoir de regrets. Ce qui est fait est fait. Cela permet de devenir meilleur.

Si tu avais la possibilité de visiter le crâne d’un autre auteur pour mieux comprendre son art, qui irais-tu visiter ?
Mike Perkins : Je n’en sais rien, je n’ai pas vraiment d’idole, mais j’aimerais travailler avec Greg Rucka, Garth Ennis, Xavier Dorison ou Warren Ellis. Et Marjorie Liu ! Aaargh, en fait il y en a trop que j’adore !

Si je t’offrais un super pouvoir, lequel voudrais-tu ?
Mike Perkins : Je voudrais me dupliquer pour pouvoir travailler plus vite et collaborer avec plus de monde !

Si tu n’avais pas fait de comics, qu’aurais-tu fait ?
Mike Perkins : C’est lamentable mais je ne crois pas savoir faire autre chose que dessiner des comics !

Merci mister Perkins !

© Mike Perkins