interview Bande dessinée

Olivier G. Boiscommun

©Les Humanoïdes Associés édition 2005

Quelque part entre l'angelot et le démon, il y a Olivier G. Boiscommun, talentueux dessinateur de la série Anges, mais aussi du premier Troll, du livre de Sam, de Jack, de Joe ou d'Halloween... Cet auteur complet, qui utilise de nombreuses techniques graphiques et fait de temps en temps une petite crise cardiaque, a accordé une petite interview aux bédiens lors du dernier festival d'Angoulême (interview actualisée en décembre 2005 par l'auteur, via le web).

Réalisée en lien avec l'album Anges T3
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême

interview menée
par
17 décembre 2005

Bonjour Olivier ! Pour faire connaisance, peux-tu nous résumer comment l'idée t'est venue de faire de la BD ?
O.G. Boiscommun : Au départ, je prévoyais plutôt de travailler dans le graphisme ou le stylisme. J’étais alors indépendant et j’ai eu, à une période, des difficultés pour trouver des clients. Je me suis alors dit que quitte à galérer, autant galérer pour quelque chose que j’aimais vraiment. J’ai donc pris sous le coude ce qui ressemblait alors le plus à de la BD et je suis alors allé trouver un éditeur.

C’était quoi ?
O.G. Boiscommun : C’était plutôt des dessins, tout ce que j’avais pu faire en illustration et qui se rapprochait un peu de la BD. Ils ont eu beaucoup de patience, ils m’ont dit gentiment de revenir, mais avec des pages, ce que j’ai fait quelques temps plus tard, à plusieurs reprises.

…et c’était quoi ?
O.G. Boiscommun : Mes premières pages éditées ont rejoint un ouvrage collectif d’auteurs qui était fait par Delcourt en collaboration avec les beaux-arts d’Angoulême. Le choix de Delcourt était motivé par le tome 2 des Enfants du Nil, qu’on m’avait offert, et j’avais alors trouvé que c’était un bon moyen de commencer dans la BD. J’ai donc arrêté toutes mes autres activités à Paris pour passer le concours des beaux-arts d’Angoulême et pouvoir participer au tome 3 de ce bouquin. Les premières pages de Anges étaient alors publiées…

Le premier tome de Anges était conçu comme un one-shot. Comment en a été dérivée la série ?
O.G. Boiscommun : C’est vrai, au départ, cet album nous a permis à moi et Dieter de concrétiser une envie commune de travailler ensemble. On est donc parti des quelques pages publiées dans les enfants du Nil pour démarrer. En travaillant sur le premier tome, on s’est rendu compte, déjà qu’on s’entendait bien et qu’on avait envie de continuer ensemble, mais surtout que cet univers offrait beaucoup de possibilités !

Pourquoi Dieter ? Tu appréciais ce qu’il faisait ?
O.G. Boiscommun : Oui, Mais surtout parce qu’on était copains !

Comment as-tu rencontré Jean-David Morvan et Johann Sfar avec qui tu as réalisé le premier tome de Troll ?
O.G. Boiscommun : C’est Guy Delcourt qui nous a présentés. On a signé ensemble pour ce premier projet, alors que les uns et les autres n’avions pas encore fait grand chose à ce moment là.

Quelles sont tes techniques de dessin ?
O.G. Boiscommun : Je tripote avec un peu tout ce qui existe. J’essaie sur chaque série d’avoir une démarche nouvelle et différente, en général assez ciblée. Sur Joe, mon premier bouquin qui vient de ressortir chez les Humanos, j’ai commencé avec du lavis en noir et blanc. Par la suite j’ai appliqué cette même technique pour faire les couleurs de Troll, car curieusement cela s’y prêtait bien ! Au fil du temps, j’ai accumulé différentes techniques comme associer à l’aquarelle de l’acrylique ou de la gouache. Sur Anges c’est un peu la même patouille mais sans encrage, ce qui impose une mise en couleur plus précise. Sur l’album Halloween, qui sera bientôt complété de sa moitié manquante et réédité chez les Humanos, j’ai utilisé la même démarche de colorisation. Dans ce dernier, j’essaie de me rapprocher de l’illustration, avec de grandes cases par pages. Je travaille en ce moment sur celles qui doivent venir s’ajouter aux précédentes. Enfin, sur le livre de Jack et le livre de Sam, j’avais utilisé la technique du bleu. Cela m’a permis de me concentrer sur mon dessin en noir et blanc, de me confronter à mes lacunes. Car la couleur directe permet de masquer beaucoup d’erreurs ou faiblesses. Avec un dessin en noir et blanc, tu ne peux pas tricher. La démarche de commencer par l’encrage permet d’avoir un dessin plus juste et énergique. Enfin, j’ai continué à me diversifié pour le psaume 3 de Anges, mais cette fois en confiant les couleurs à une coloriste, Christelle Moulart, qui a fait un travail superbe.

Quelles sont tes influences ?
O.G. Boiscommun : Multiples ! Je me nourris de tout ce que je vois et qui retient mon attention, certains visages, des films, des attitudes, un éclairage…

On trouve tes couleurs très noires et rouges… Es-tu plutôt Stendhal ou Jeanne Mas ?

O.G. Boiscommun : Ça c’est une question qui tue… Ni l’un ni l’autre ! C’est très récent ce rouge et noir et je n’arrive pas à m’en débarrasser. En fait, c’est peut-être lié à une expérience personnelle : j’ai fait une crise cardiaque l’année dernière et je suis mort pendant plus de 4 minutes ! Trop de travail, trop d’abus de bonnes choses… Bref, je suis peut-être un peu traumatisé… Toujours est-il que depuis cette date, j’utilise beaucoup le rouge et le noir ! Je n’en avais pas conscience avant qu’on me le fasse remarquer… Avec Halloween, j’étais dans le orange. Sans me comparer à Picasso avec sa période bleue, je suis donc maintenant dans ma période rouge. Je vais essayer de faire attention, parce qu’on n’arrête pas de me le faire remarquer en ce moment. Mais c’est mal barré car le troisième tome se passe quasi intégralement en enfer…

Lequel des 3 anges gardiens aurais-tu aimé avoir ?
O.G. Boiscommun : Yesod ! C’est un personnage intéressant, car il est toujours sur la brèche. Dans la série, les anges ne sont pas plus angéliques que les démons, les démons pas plus démoniaques que les anges… Ils ont une chose en commun, c’est d’être ridicules et drôles. Yesod est peut-être plus excessif dans son comportement, mais il n’est pas plus mauvais pour autant. La manière qu’il a de toujours tout remettre en question, crée chez lui une grande indépendance d’esprit et une dualité intéressante. C’est un thème récurrent chez moi, on le retrouve aussi dans l’histoire de Joe ou le livre de Jack.

Quels sont tes projets ?
O.G. Boiscommun : Pour commencer il y a la suite et fin d’Halloween, sur laquelle je travaille en ce moment. La parution est prévu pour septembre. Ensuite, j’ai un gros projet sur lequel je travaille depuis presque 20 ans, et sur lequel il serait peut-être temps que je me penche sérieusement.

Qu’est ce que tu penses du palmarès d’Angoulême de cette année ?
O.G. Boiscommun : Je ne sais pas, je ne connais ni les nominés, ni leurs travaux, ni le jury, ni les résultats ? ! En fait, je ne m’en préoccupe pas trop.

Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
O.G. Boiscommun : Le jour des magiciens, El Nino, Muchacho… Il y a tellement de bonnes choses… Je pense aussi à tout un tas de classiques archi connus, dont il n’y a pas besoin de faire la pub. Dernièrement, j’ai lu Deo Gratias, mais ça fait déjà longtemps qu’il est sorti…

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d'un autre auteur de BD, chez qui aurais-tu élu domicile ?
O.G. Boiscommun : Quel intérêt ? Je suis bien dans la mienne, j’y reste ! Sinon, des auteurs fabuleux pour lesquels je ne serais pas du tout objectif, il y en a des tonnes, tels que Bilal, Loisel… Ce sont ces mecs là qui m’ont donné envie de faire ce métier. J’adhère totalement à tout ce qu’ils ont pu faire. Mais pas au point de vouloir être dans leur peau !
Merci Olivier !