interview Comics

Paul Duffield

©Le Lombard édition 2011

En remportant un concours de jeunes auteurs, Paul Duffield ne s'imaginait sans doute pas collaborer un jour avec le renommé Warren Ellis. Ensemble, ils ont façonné un univers post-apocalyptique original dans Freak Angels. Outre une narration particulière et une empreinte visuelle étonnante, cette série fut d’abord publiée sur Internet. Au croisement du comic et de la BD européenne, Paul Duffield montre un style très personnel qui gagne en finesse au fil des tomes. La série touche aujourd’hui quasiment à sa fin… l’occasion de discuter avec le dessinateur de cette première grosse expérience dans le 9ème art...

Réalisée en lien avec les albums Freak Angels T5, Freak Angels T6, Freak Angels T4, Freak Angels T3, Freak Angels T2, Freak Angels T1
Lieu de l'interview : le cyber espace

interview menée
par
3 novembre 2011

Bonjour Paul Duffield, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Paul Duffield : Bonjour, j'ai commencé à dessiner des comics quand j'étais très jeune, comme une véritable passion. En grandissant, j'ai pris naturellement la direction d'une école d'art et j'ai notamment étudié l'animation à l'université de Kingston. Durant mes études, je me suis mis à créer une petite bande dessinée pour le concours des futures stars du manga anglais de l'éditeur Tokyopop et j'ai remporté le premier prix. Cette exposition m'a permis d'avoir du travail rapidement quand j'ai quitté l'université. J'ai même très vite réalisé The Tempest (inédit en France, à ce jour) qui est une sorte de héros de manga classique influencé par Shakespeare.

J'ai cru voir aussi qu'aujourd'hui, tu organisais des ateliers...
Paul Duffield : Oui, j'enseigne de temps en temps. Je dirige des ateliers pour des gens de tout âge, de l'école primaire à l'université. C'est un véritable challenge à faire et c'est vraiment utile, cela permet de voir l'impact de ton travail sur des débutants.

© Paul DuffieldQuelles sont tes références ?
Paul Duffield : Je prends les influences de partout. J'adore lire des romans et des bandes dessinées, regarder des films, jouer à des jeux vidéos, créer de la musique, peindre, sculpter, juste tout ce qui peut être créatif. Mes créateurs favoris sont Ursula Le Guin, Jiro Taniguchi, Taiyo Matsumoto, Joshua Middleton, Salvador Dali, Edmund Dulac, Craig Thompson, Haruki Murakami, Satoshi Kon, et la liste est encore longue.

Comment décrirais-tu ton style visuel ?
Paul Duffield : Je te le décrirais comme un mélange entre la bande dessinée européenne et le manga, avec une forte influence venant de l'animation (spécialement celle en cell-shading). Je crée mes planches en faisant un crayonné que je scanne, puis je colorise sur Photoshop. J'utilise souvent la photographie et des textures de couleurs pour que cela soit plus organique et moins froid.

En France, nous t'avons découvert avec Freak Angels. Comment t'es-tu retrouvé sur ce récit ?
Paul Duffield : J'ai posté beaucoup de mes travaux sur un vieux forum de Warren, The Engine, et cela a été vu par quelqu'un qui travaillait chez Avatar Press (l'éditeur américain de Freak Angels). A cette époque, Warren cherchait quelqu’un dont le style était différent et similaire au mien. Donc Avatar a pris contact avec moi et m'a demandé si je serais partant. J'ai dit oui et c'est comme ça que tout a commencé !

© Paul Duffield

La publication française reprend celle des TPB américains mais au départ, Freak Angels est sorti sur Internet. Cela a t-il été simple de créer spécifiquement pour ce média ? As-tu eu des contraintes particulières ?
Paul Duffield : Ce n'est pas plus compliqué de créer des comics pour Internet que pour des albums papier. La seule chose à penser est que ton travail puisse s'adapter aux deux formats. La façon dont nous avons fait Freak Angels a permis de conserver le titre tel quel. Il fallait juste limiter à 4 le nombre de cases par page, pour que ce soit lisible sur l'écran ou dans un album.

© Paul DuffieldComment s'est déroulée ta collaboration avec Warren Ellis ?
Paul Duffield : Je n'ai pas eu beaucoup de contact avec lui. Il m'envoyait le scénario chaque semaine par le biais d'Avatar et l'éditeur me les transférait pour que je dessine. Si j'avais des questions, je voyais directement avec l'éditeur.

Maintenant que la série est terminée (aux USA), que penses-tu du titre ?
Paul Duffield : Je trouve l'ensemble très bon et je suis fier du travail accompli. Cela m'a pris quatre années en tout et je suis très fier lorsque je revois ce que j'ai fait. Quand j'y pense, la seule chose que je vois est que mon style change un peu entre le début et la fin de la série. J'ai un peu plus de mal à regarder le premier opus…

J'ai appris que tu avais une nouvelle actualité : Signal. Qu'est-ce exactement ?
Paul Duffield : Signal est une courte histoire, un comics auto-publié. C'est une sorte de poème prenant la forme d'une bande dessinée, mêlant des sujets comme l'art, la science et les connaissances humaines. C'est un titre très personnel et je l'ai créé afin d'expérimenter la façon de créer et de raconter dans les comics.

Connais-tu des artistes français ?
Paul Duffield : Je connais énormément d'artistes français. J'adore Enki Bilal, Nicolas de Crécy, Régis Loisel et Barbara Canepa (bien que celle-ci soit italienne !). C'est véritablement honteux de voir que les bandes dessinées françaises ne soient pas plus traduites en anglais, surtout qu'elles sont nombreuses et de qualité. Je parle un peu votre langue, mais pas suffisamment pour lire un titre en entier. Je vois la bande dessinée française comme plus riche et plus diversifiée que tout ce que nous faisons en Angleterre. Je suis jaloux !

Cela te plairait de travailler sur un projet français ?
Paul Duffield : Oh oui, j'adorerai !

© Paul Duffield

Quels sont tes prochains projets ?
Paul Duffield : Maintenant que j'ai terminé Freak angels, j'espère pouvoir écrire mes propres histoires tout en les dessinant aussi. J'ai toujours adoré faire les deux, donc en ce moment, je présente mes histoires à différents éditeurs, dans l'espoir que mon rêve continue d'être réalité.

Apprécies-tu le genre des super héros ?
Paul Duffield : J'aime énormément de super héros, tout d'abord parce que le genre est très populaire et que ce n'est pas très difficile d'en savoir un maximum sur eux. Le marché anglais est inondé de comics de super héros et il n'y a pas beaucoup d'autres genres. Si je pouvais choisir un personnage sur lequel travailler, je pense que ce serait Superman. C'est le plus classique et le meilleur.

J'ai d'ailleurs vu sur ton site que tu refusais de faire des commissions sur des personnages existants. Pourquoi ?
Paul Duffield : Je ne suis pas très à l'aise lorsqu'il s'agit de faire de l'argent sur des personnages qui ne sont pas à toi. Cela serait plus simple, mais je refuse de me mettre en contradiction avec la loi. J'ai récemment écrit un article assez précis sur mon blog à ce sujet. Si vous lisez l'anglais, allez faire un tour sur http://spoonblog.blogspot.com/2011/09/de-sketchicons.html

© Paul DuffieldQuelles bandes dessinées conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Paul Duffield : Je te propose Le promeneur de Jiro Taniguchi, c'est l'une de mes préférées, mais aussi Blankets de Craig Thompson que j'adore.

Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un auteur (pour en comprendre son art), qui choisirais-tu ?
Paul Duffield : Je crois que je dirais encore Jiro Taniguchi. Il a fait énormément de mangas et ils sont tous incroyablement dessinés. Il a l'air aussi d'être resté très humble. Il travaille avec des scénaristes très différents et il est capable d'écrire ses propres histoires. En plus, ses livres sont disponibles partout dans le monde. Il a une carrière parfaite.

Si je t'offrais un pouvoir, tu voudrais lequel ?
Paul Duffield : Voler, ce serait excellent !

Et pour finir, si tu n'avais pas fait de comics, que serais-tu devenu ?
Paul Duffield : J'aurais fini dans l'animation, le cinéma ou peut-être dans la musique. Si je n'avais pas eu de dons artistiques, j'aurais tenté de faire carrière dans la science, c'est mon autre passion.

Merci Paul !

© Paul Duffield