interview Bande dessinée

Peter Van Dongen

©Blake et Mortimer édition 2020

La série Blake et Mortimer a un nouveau dessinateur (et même deux pour le prix d’un !) ! Après, entre autres, André Juillard et Antoine Aubin, et avant François Schuiten, c’est Peter Van Dongen (avec Teun Berserik), auteur de Rampokan qui met ses crayons au service du duo de héros créé jadis par Jacobs, dans un diptyque intitulé La Vallée des Immortels. Quel est son univers, sa vision de la BD ? Vous en saurez plus en lisant notre interview.

Réalisée en lien avec l'album Blake & Mortimer T26
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême

interview menée
par
1 janvier 2020

Bonjour Peter Van Dongen, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé dans la bande dessinée ?
Peter Van Dongen : Je suis auteur de bande dessinée néerlandais, je viens d’Amsterdam. Je fais ce métier depuis 1990. Mon premier album s’appelait Muizentheater (Théâtre de souris) et j’ai réalisé 5 albums qui ont été publiés. Après, j’ai publié un diptyque en France chez Dupuis, intitulé Rampokan, qui racontait l’indépendance de l’Indonésie, qui était une colonie néerlandaise. Aujourd’hui, mon actualité, c’est Blake et Mortimer avec La vallée des Immortels qui comprend deux volets.

Comment a démarrée l’aventure Blake et Mortimer te concernant ?
PVD : C’est une très longue histoire mais je vais vous la raconter rapidement (rires). Nous avons envoyé un e-mail aux Éditions Dargaud, car on avait appris avec que les Éditions Dargaud cherchaient de nouveaux auteurs possédant « l’esprit » ligne claire de Jacobs, pour poursuivre la série Blake et Mortimer. On a exprimé notre attachement profond ! Ensuite, ils nous ont reçus pour nous rencontrer et nous ont invités à effectuer un test. J’ai eu la chance de croiser Theo Van Den Boogaard (Léon La Terreur) qui m’a donné quelques conseils, car lui-même avait été approché pour reprendre la série. Mais Dargaud n’avait pas retenu son travail. On s’est dit qu’on pouvait essayer et on a réussi à passer le test.

Comment vous avez travaillé avec Yves Sente ?
PVD : Il m’a envoyé deux pages de scénario. L’action se déroulait à Hong Kong. J’ai réalisé les planches et il m’a dit que j’étais libre d’améliorer ses intentions et de faire quelques ajustements sur le scénario qui faisait 54 pages. J’ai effectivement fait quelques aménagements. Avec Teun Berserik, on était libre de faire des observations ou d’émettre des doutes sur telles ou telles séquences.

On imagine que c’était avec un plaisir immense que tu as dessiné cet album ?
PVD : Pour l’édition bibliophile, je me suis éclaté avec ces pages comportant un seul dessin. Dessiner les rues de Hong-Kong, l’ambiance asiatique, la vie urbaine, c’est pour moi une sensation unique. L’opportunité de récréer un monde dans son ensemble, une époque qui n’existe plus et qui appartient au passé.

Tu aimais Blake et Mortimer quand tu étais petit ?
PVD : Bien sûr. Dans mon enfance, je dévorais les Tintin d’Hergé, Blake et Mortimer, c’est venu quand j’avais 9-10 ans, avec le Mystère de la Grande Pyramide. C’est à partir de là que j’ai commencé à collectionner les albums d’E.P. Jacobs, et cela pendant toute mon adolescence. Quand j’ai commencé à dessiner, je copiais le trait d’Hergé et celui Jacobs plus tard. Après, je me suis aperçu quand j’étais dessinateur professionnel que mon style s’apparentait plus à celui de Jacobs. J’étais heureux ! Dans Tintin, le dessin est un peu moins réaliste, plus fantasmagorique que pour Blake et Mortimer, avec des chapeaux démesurés, des jambes plus courtes que chez Jacobs. Finalement, l’inspiration me vient de ces deux monuments du 9ème Art.

Comment fais-tu pour donner autant de mouvement à ton trait, ce qui n’est pas toujours évident quand on est adepte de la ligne claire ?
PVD : Mon trait, c’est l’école franco-belge, la ligne claire. Hergé, Jacobs, Yves Chaland, Jijé… figurent parmi mes inspirations directes. Quand j’ai découvert Yves Chaland, je commençais mes premières bandes dessinées. Tous mes personnages avaient des coupes de cheveux avec un effet brush. Après, au niveau du storytelling, de la manière de raconter des histoires, il y a Il était une fois en Amérique de Sergio Leone où l’on voit des jeunes grandir selon les époques et devenir des gangsters. Sa façon de mettre en place la streetlife dans le Bronx à New-York est exceptionnelle. J’ai vu ce film quand j’avais 17 ans et je me suis toujours dit que j’essaierai par mon dessin de recréer des atmosphères de ce goût-là ! Après le Lotus Bleu de Tintin, quel album ! Shanghaï, l’occupation japonaise et anglaise, la population chinoise… Tout cela m’a fortement inspiré pour développer mes personnages dans La vallée des Immortels ! Pour moi, ce qui est important, c’est de dépeindre la réalité et rien d’autre. Après, la musique m’inspire beaucoup, aussi, elle me permet de me plonger dans l’ambiance d’une histoire. Pour Blake et Mortimer, j’ai beaucoup écouté de musiques des années 30, 40, 50.

Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre son génie ou son art, qui irais-tu visiter ?
PVD : Ce n’est pas facile comme question (rires). Il y en a tellement… Ce serait Hergé ! J’aimerais comprendre sa façon de raconter les histoires, son approche graphique pour réaliser sa ligne claire. Parce qu’on n’imagine pas à quel point c’est difficile de faire ça ! On retrouve tellement d’informations dans une histoire de Tintin. Réussir à condenser tout ça, ça force le respect ! On s’en aperçoit quand on commence à faire un album (rire). Chez lui, ce n’est pas aussi simple que de raconter une histoire en allant de a à b. Il arrive à condenser un maximum d’informations dans une histoire ! Quand on détaille son travail, ont rouve ça prodigieux. Mais le faire, c’est une autre paire de manches !

Merci Peter !