interview Comics

Richard Piers Rayner

Cette interview est proposée en deux formats : vidéo en version originale et en version retranscrite. Faites votre choix !



Bonjour Richard Piers Rayner, peux-tu te présenter ?
Richard Piers Rayner : Je m'appelle Richard Piers Rayner. J'ai commencé dans l'industrie des comics il y a de cela bien longtemps, dans les années 90, du moins je crois. A l'époque, ça se passait au Sketch Club, à Londres, là où tous les artistes et auteurs du monde des comics se retrouvaient. Je m'y suis rendu avec mon propre comics, auto-publié, sous le bras et j'y ai rencontré Neil Gaiman, entre autres. A l'époque, DC Comics, en Amérique, cherchait des artistes britanniques pour ses séries et John Ridgway était alors le dessinateur de Hellblazer - qui a été mon premier projet -. Le titre était lancé depuis peu et je me trouvais au bon endroit, au bon moment. Neil Gaiman avait aimé mon comics et m'a recommandé à DC Comics. Deux semaines plus tard, j'ai reçu un coup de fil de Karen Berger, alors éditrice sur Hellblazer pour DC. J'étais sur les dents, dans l'attente de cet appel, de savoir si oui ou non j'allais avoir ce job et je bondissais à chaque fois que le téléphone sonnait. Et quand c'est finalement arrivé, j'étais assis aux WC - le pire moment possible. Je me suis retrouvé à parler avec Karen Berger tout en essayant de remonter mon pantalon et c'est comme ça que j'ai obtenu mon premier contrat : assis, aux toilettes ! C'est comme ça que j'ai commencé dans les comics, aux USA.

richard piers rayner hellblazer Quelles sont tes influences ?
Richard Piers Rayner : Je... Je ne sais pas ! Je sais ce que j'aime ; j'ai grandi en étant fan des comics américains : Kirby, Ditko, tous les classiques... Les dessinateurs de comic-strips... On me dit que mon travail montre des influences mais je n'en n'ai pas conscience. Mais une fois, un type m'a dit qu'il voyait clairement dans ce que je fais l'influence de Jésus Blasco. Je lui ai demandé de qui il s'agissait, je ne le connaissais pas, et il m'a répondu qu'il dessinait une série britannique intitulée The Steel Claw. C'était l'histoire d'un type devenu invisible et qui saisissait des objets à l'aide de sa prothèse, une griffe d'acier. Je connaissais la série mais pas l'artiste - Jésus Blasco - et, apparemment, on voit de manière évidente son influence sur mon dessin. Je n'en n'ai pas conscience mais c'est a priori le cas.

Quel regard portes-tu sur ta prestation sur la série Hellblazer ?
Richard Piers Rayner : Oh, travailler pour DC Comics était mon rêve et j'ai adoré travailler pour eux. J'ai réalisé combien le fait de devoir produire un numéro mensuel, soit à l'époque 24 pages, pouvait être difficile. Je suis très précis, dans ce que je dessine, j'aime prendre mon temps car c'est comme ça que ça marche. C'est un processus très obsédant, j'aspire à tout saisir correctement : les arrières-plans, les personnages, les éclairages, le décor... Il faut que tout soit nickel et, en travaillant sur Hellblazer, chaque mois, j'ai trouvé qu'atteindre ce niveau était très difficile et ce jusqu'à ce qu'avec DC Comics, on trouve d'un commun accord qu'un mois de délai ne permettait pas de rendre justice à mon travail et qu'il valait mieux me rediriger vers un projet ayant des deadlines plus souple.

Ensuite, tu as illustré Les sentiers de la perdition...
Richard Piers Rayner : Ce qui a été le cas avec Les sentiers de la perdition. J'en suis très fier car avec Les sentiers de la perdition, j'étais en charge de l'ensemble de l'illustration alors que jusqu'alors, je ne faisais que le crayonné, et quelqu'un d'autre s'occupait de l'encrage. Sur Les sentiers de la perdition, je faisais tout et la deadline n'était plus une contrainte. A la fin, ça m'a pris trois ans, 300 pages en trois ans. Je faisais d'autres choses en parallèle, quand même. Mais j'ai adoré travailler avec DC et avec Max [NDT: Max Allan Collins, auteur de Les sentiers de la perdition], même si on ne s'est jamais rencontrés avant d'avoir terminé la série. J'ai toujours eu l'impression que l'on réalisait quelque chose de spécial, dès le départ j'ai senti que ça allait sortir de l'ordinaire. Du moment que mes illustrations pouvaient rendre justice à ce qui était un script exceptionnel, on aurait quelque chose de mémorable.

richard piers rayner les sentiers de la perdition road to Ton style a pas mal évolué sur Les sentiers de la perdition, non ?
Richard Piers Rayner : C'était fondamentalement différent parce que j'avais un contrôle total sur l'illustration. Juste avant Les sentiers de la perdition, j'avais réalisé un comics du Doctor Who sur lequel j'avais expérimenté certaines choses comme d'utiliser des crayons extrêmement fins pour mettre beaucoup de détails dans les arrière-plans. Je mettais beaucoup de hachures, ce genre de choses. Puis, en travaillant sur Les sentiers de la perdition, c'est de nouveau devenu très difficile pour moi de travailler car j'avais pris l'habitude de mettre tellement de détails dans le fond que, rapidement, on en est venu à attendre de moi ce genre d'illustrations ultra-détaillées. Mais quand je regarde Les sentiers de la perdition aujourd'hui, je me rends compte que c'est une oeuvre comportant beaucoup de défauts. J'aimerais *vraiment* pouvoir revenir en arrière et refaire la première moitié.

Pourquoi n'as-tu pas illustré les deux suites ?
Richard Piers Rayner : Au départ, j'ai fait la connaissance de Max Allan Collins à la première du film Les sentiers de la perdition. Il m'a alors dit qu'ils allaient faire cette préquelle à l'histoire. J'ai dit oui car je voulais pouvoir travailler de nouveau avec Max mais d'un autre côté, j'avais l'impression que la seule justification à cette préquelle était de se faire de l'argent sur le dos du film. Je n'avais pas l'impression que je pourrais donner le meilleur de moi-même là-dessus car une petite voix en moi - quand bien même j'adore Max et ce qu'il fait - me disait que c'était plutôt cynique de faire ça et que ça revenait à profiter du film, avec Tom Hanks et Paul Newman - et qui était très bien fait. Je ne me sentais pas de m'impliquer à fond, artistiquement, sur un projet qui me plaisait mais qui me dérangeait un peu quand même.

Nous te retrouvons dernièrement sur un comic book Doctor Who...
Richard Piers Rayner : Je crois que j'ai toujours fait savoir que je voulais travailler sur Doctor Who. Jusque dans les années 90. J'ai toujours admiré Doctor Who et j'ai grandi en regardant la série, je me souviens même des tout premiers épisodes en noir et blanc. Je n'ai jamais raté un seul épisode, jamais, donc oui, j'étais un fan et j'ai toujours voulu travailler sur un comics du Docteur. Donc, à l'époque où je travaillais là-dessus quand j'étais à Londres, dans les années 90, c'était génial. Probablement un de mes meilleurs efforts, je pense. Mais quand IDW, aux USA, a sorti une série Doctor Who, j'ai fait savoir à un type nommé Lovern Kindzierski, qui était mon coloriste sur Hellblazer et qui travaillait pour IDW, de mentionner mon nom et que j'étais prêt à tuer pour travailler de nouveau sur Doctor Who et c'est comme ça que ça s'est fait.


richard piers rayner doctor who


Comment décrirais-tu ton style ?
Richard Piers Rayner : Obsédé... Je dirais que je sais comment raconter une histoire, je sais comment mener un personnage de la scène A à la scène B, C, D... Modifier mes angles, mettre en place un effet d'éclairage... Je sais que c'est un style maniaque et, à cause de ça, sur mes dernières planches pour Doctor Who, j'ai laissé tomber les crayons et j'ai travaillé au pinceau. Pour décrire mon style, je dirais qu'il évolue, qu'il change et s'améliore constamment. Dès que ça ne s'améliore plus, on laisse tomber mais tant que ça évolue... J'ai fait des illustrations sportives, en Grande Bretagne, à base de couleurs peintes et ça a aussi été un grand plaisir de faire ça. Je sens que je deviens un illustrateur pur au même titre qu'un narrateur de comic-books.

Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur, qui choisirais-tu et pourquoi faire ?
Richard Piers Rayner : Jack Kirby, car je l'aimais vraiment. Un de mes grands regrets est de ne l'avoir jamais rencontré. Et si tu me demandes, de tous les artistes, dans toute l'histoire, de vrais peintres comme Rembrandt, Picasso... Non, je dirais « Jack Kirby, s'il vous plaît ». Mais si on entend artiste au sens large, je dirais Dickens, en tant qu'auteur. J'aimerai rencontrer Charles Dickens. Voilà ma réponse.

Merci !

Remerciements à Claire Regnault pour l'organisation de cette rencontre, à Alain Delaplace pour la traduction, à Nicolas Demay pour sa session photo, à la WIP agency et à la jolie Loki !.


richard piers rayner road to perdition


PAR

9 février 2014
©Delcourt édition 2014

De ses performances sur Hellblazer en compagnie de Mark Buckingham à la réalisation des Sentiers de la perdition, les dessins de Richard Piers Rayner ont toujours été en constante évolution. Son trait réaliste, voire parfois photo-réaliste, a su inciter moult lecteurs à suivre l'actualité de cet artiste britannique. Peu prolixe, il participe de temps à autre à des projets lui tenant à cœur comme les comics de Doctor Who. Assez rare, nous avons eu le plaisir de croiser l'artiste lors du festival Paris Manga & Sci-Fi Show...

Réalisée en lien avec l'album Les sentiers de la perdition T1
Lieu de l'interview : Paris Manga & Sci-Fi Show