L'histoire :
Si Osamu Tezuka, qui a révolutionné le genre après la seconde Guerre Mondiale, était appelé déjà de son vivant le « dieu du manga », Shôtarô Ishinomori qui fut son contemporain, arrivé seulement quelques années après lui dans le milieu du manga, fut beaucoup moins renommé à l’époque au Japon comme dans le reste du monde, et pire encore aujourd’hui. Pourtant, il passa toute sa vie à faire bouger les lignes, évoluer ce milieu, inventer de nouveaux genres, précurseur et prédicteur de nombreuses tendances à venir, voyant avant tous les autres l’intérêt des nouveaux supports, la puissance du cross-média, mais aussi la nécessité de l’entre-aide des artistes, ou encore de la sauvegarde du patrimoine. Recordman mondial du nombre de planches dessinées avec 128 000 pages (en produisant à une époque jusqu’à 600 par mois !), et 770 séries à son actif durant ses 40 ans de carrière (dont seulement une douzaine sont traduites en français), il a toujours eu à cœur de faire réfléchir ses lecteurs(qu’il s’agisse des enfants à qui s’adressaient ses premières publications ou, plus tard, de lecteurs adultes), et de donner du sens à ses œuvres, y intégrant des sujets importants, d’actualité ou intemporels (préserver la nature, utiliser la technologie pour le bien de l’humanité et non pour faire la guerre ou le mal, etc.). Inventeur du premier héros masqué (Kamen rider), en manga comme en série TV, précurseur des équipes de sentaï, et créateur de bien d’autres personnages iconiques au Japon (Cyborg 009...), il a inspiré et créé des vocations pour toute une génération de mangakas. Mort à 60 ans, peu de temps après Osamu Tezuka, il reste aujourd’hui encore dans son ombre et trop méconnu du grand public, malgré son titre de « roi du manga », auquel cette biographie rend ses lettres de noblesse en nous expliquant par les détails de son parcours de vie pourquoi cette appellation est largement méritée.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après son précédent ouvrage traitant de la mythique revue japonaise Garo, Claude Leblanc signe ici son deuxième livre chez IMHO pour nous raconter cette fois la vie et l’œuvre de Shôtarô Ishinomori, connu en France pour des titres comme Kamen Rider (Isan manga), Cyborg 009 (Glénat) ou encore Sabu et Ichi (Kana). Comme son prédécesseur, ce volume est une mine d’informations sans précédent, extrêmement détaillé, empli de très nombreuses citations de l’auteur ou de ses contemporains (mangakas ou autres) issues du recoupement de plus de 300 ouvrages, qui prend la forme d’un récit chronologique parsemé de nombreux écarts détaillant par moment un sujet en particulier. C’est là le principal atout de cet ouvrage qui passionnera les amateurs d’histoire du manga, mais c’est aussi son plus gros défaut, dans le sens où cette profusion de détails prend souvent le pas sur la lisibilité de l’ensemble. Il faut en effet s’accrocher pour ne pas perdre le fil du récit, d’autant plus que la mise en page souffre de ne proposer au lecteur presque aucun paragraphe ni retour à la ligne pour reprendre son souffle. On a la plupart du temps affaire à des dizaines de pages d’affilée remplies de phrases à rallonge, ce qui donne des blocs de texte sans aucune aération et ne laissant aucun répit à l’œil du lecteur. Si la forme éditoriale aurait gagné à être plus travaillée, le fond, au-delà de condenser un volume d’informations incroyable, n’en reste pas moins passionnant et nous plonge dans les événements comme si on y était. A n’en point douter, cette biographie s’imposera désormais comme un ouvrage de référence majeur sur Ishinomori et sur l’histoire de l’essor du manga moderne au Japon.
