L'histoire :
15 juin 1944, île de Saïpain, située dans la partie centrale du Pacifique. Les américains commencent le débarquement sur ce bout de terre situé à 2500 km en ligne droite de Tokyo. Dans l'après-midi du même jour, 62 B-29, qui sont les derniers modèles de bombardiers lourds US, des avions de longue distance capables de larguer 10 tonnes de bombes et d'effectuer 9000 kms, décollent de Chengdu, dans la région chinoise de Sichuan, en direction de la ville japonaise de Kitakyûshû. Les troupes américaines mettront 3 semaines à conquérir l’île de Saïpan. Les combats vont faire de très nombreuses victimes civiles et les troupes japonaises sur place sont presque totalement anéanties. Dès lors, les américains possèdent un point d'appui d'une importance stratégique capitale pour pouvoir commencer à pilonner la ville de Tokyo.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Intercepteurs, Seiho Takizawa signe un remarquable récit de guerre, qui s'inscrit dans l'histoire du conflit, en reprenant le cours de batailles décisives. Mais les qualités qu'il apporte à son manga ne s'arrêtent pas à ses graphismes soignés. Ce diptyque est à la fois un hommage à l'honneur de ses compatriotes tombés au combat, mais aussi une dénonciation cinglante de la folie et des atrocités de la guerre. On suit ainsi le parcours de Unno et de ses camarades pilotes, parfaitement lucides quant à l'issue de la guerre menée par leur pays. Au fur et à mesure que les armées japonaises se font décimer, avec du matériel dépassé par celui des américains, des machines et des hommes en sous-nombre, une chaîne logistique qui ne fonctionne plus, un État Major aussi aveugle que l'Empereur, on voit à quel point la bravoure des pilotes fait contrepoint à leur désespoir réel. La série a aussi cette force : dans l'inconscient collectif, les bombes lancées sur Nagasaki et Hiroshima ont éclipsé complètement les opérations de bombardement massif que les américains ont précédemment opéré. Avec notre œil de lecteur occidental, le récit donne l'impression que les autorités japonaises n'ont jamais voulu céder, alors que toutes les grandes villes, et en particulier Tokyo, ont été transformées en champs de ruine... avant que les deux champignons nucléaires obligent l'Empire du Soleil Levant à capituler. En reconstituant les raids sur Tokyo, l'auteur met remarquablement en scène la stratégie suicidaire des forces armées japonaises. Là aussi, tout le monde a en tête les Kamikazes se crashant sur les porte-avions US (et bien souvent à côté). Mais qui se souvient des missions suicides avec des avions qui n'emportaient même pas de munitions, mais dont les pilotes étaient chargés de percuter les B-29 ? Qui se souvient des raids massifs des américains, allant jusqu'à engager plus de 300 bombardiers simultanément ? Avec ce manga, on voit Tokyo bombardée la nuit et illuminée comme en plein jour par les feux des bombes incendiaires. Des chiffres effrayants viennent se juxtaposer aux images : 42 km² de la ville détruits, 270 000 maisons réduites en cendres, un million de personnes à la rue et des estimations de l'ordre de 100 000 morts et 42 000 blessés en une nuit... 170 000 tonnes de bombes larguées sur le Japon. A eux seuls, les B-29 ont effectué 6583 sorties. En 248 jours, ils ont effectué 23 856 largages de bombes... Intercepteurs, c'est l'histoire terrifiante d'un pilote et de son pays défait.