L'histoire :
Berlin-Ouest, 1987… Trois ans après avoir quitté la RDA, la famille Schwartz habite un bel appartement de style ancien à deux pas du mur. Depuis leur départ, le père n’a ni revu, ni reparlé à ses parents. Il se décide pourtant enfin à reprendre contact avec eux, en leur écrivant une longue lettre, qui décrit leur nouvelle vie. Quelques jours plus tard, en échange, sa lettre lui revient avec un petit mot : « Nous ne tenons pas à entrer en contact avec vous… ». Les grands-parents n’ont jamais accepté le départ de leur fils. Il faut dire qu’une dizaine d’années auparavant, lorsque le jeune couple s’était rencontré sur les bancs de l’université d’Erfurt, lui et elle étaient des socialistes convaincus. Le père en particulier, issu d’une famille fervente partisane de la RDA. Sa future femme, quant à elle, acceptait sa condition, mais sa famille était plus modérée. Elle rêvait d’ailleurs de découvrir le monde étranger et pourquoi pas, peut-être un jour, d’avoir une aventure avec Mick Jagger. Et peu à peu, en grandissant, en faisant quelques rencontres ou en s’offensant du sort réservé à quelques compatriotes, l’un et l’autre ne se sont plus sentis à l’aise dans le monde le leurs parents.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est l’histoire de ses parents – et un peu la sienne également – que Simon Schwartz retranscrit ici pour nous, évoquant à l’aide d’un habile noir et blanc leur passage à l’ouest au milieu des années 1980. En un va-et-vient continuel (parfois un peu savonneux…) qui fait tourbillonner les années et nous balade d’un côté ou de l’autre du mur de Berlin, on suit le cheminement qui les conduit à quitter pays et famille, avec presque rien. Les mécanismes de la dissidence emboitent alors peu à peu le pas de ceux de l’endoctrinement. Les relations avec les parents, le harcèlement et le poids des autorités étatiques, le regard des autres... martèlent avec émotion la difficulté du choix effectué. Rien de rocambolesque pour autant : le départ de Berlin-Est ici évoqué est légal. Et cette légalité constitue d’ailleurs en elle-même une torture supplémentaire qui, avant le passage vers l’ouest, tente de mettre en place la mort sociale (déchéance de la nationalité, perte d’emploi, statut de paria, lenteurs administratives…) du démarcheur. Le ton choisi pour le traitement, qui utilise le regard de l’enfant qu’était l’auteur, sonne juste, débarrassé de tout effet de manche ou de clichés. Et peut-être ainsi, tout comme l’enfant, ne saisissons nous pas toute l’ampleur de la difficulté de vivre à l’Est à cette époque. Peut-être n’en percevons nous pas non plus toute la violence. Mais tout comme lui, nous sentons la souffrance de ses parents confrontés à de terribles choix. Le dessin rond, souvent épuré, participe également à atténuer la charge dramatique de l’ensemble. Une intelligente manière en tous cas pour témoigner de cette période si particulière.
