L'histoire :
Il bucheronne sauvagement, en des coups précis qui font trembler l’arbre. Elle, petite fée libellule aussi frêle que ses douces ailes déployées, chancelle. Elle, qui a élu domicile à l’abri du végétal majestueux, tombe sur la tête du géant moustachu. Vite, il la cache dans sa besace tout à coté d’un gros litron bien frais. Vite, il s’empresse de regagner sa bicoque pour montrer sa prise à sa moitié quelque peu avinée. Cette fée-fillette est un don du ciel, capable dés l’aurore d’astiquer cuivre, faire chauffer pitance, récurer vaisselle, recoudre vêtements à volonté. Seul réconfort, lorsque le vin aidant, mégère ou bourreau ferme les yeux : la salle de classe de maître souris, que la petite adore pour être sa seule évasion. S’évader, elle aimerait tellement… Pouvoir suivre ce papillon d’un battement, elle le fait pourtant… pour sentir les doigts de ses bourreaux lui arracher violemment ces ailes qui lui ont permis de s’envoler un instant. Qu’on les lui recolle pour qu’elle amuse la galerie dans un théâtre de bois rafistolé pour quelques gros sous, elle s’en fout, elle est déjà brisée. Qu’elle cherche encore à fuir, elle sera rouée. Alors, qu’on la vende, pour un sac rebondi d’or, ne la surprend plus. Et lorsqu’elle doit ensuite se laisser souiller pour le plaisir de l’acheteur, qui peut encore la sauver ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est sur la double initiative du collectif municipal Brisons le silence et du Centre Départemental de Documentation Pédagogique de Maine-et-Loire que cette BD à vu le jour sous les pinceaux de Loïc Jombart. L’objectif est d’offrir un support permettant de sensibiliser, informer un large public, pour une meilleure prévention des violences sexuelles et des maltraitances infligées aux enfants. Très judicieusement, Loïc Jombart choisit l’angle du conte doucettement coloré à l’aquarelle pour remplir la mission confiée. Traditionnellement, d’ailleurs, le conte est un formidable terreau pour faire pousser les récits les plus sombres, les messages les plus violents en une poésie (écrite ou dessinée) si subtilement cruelle qu’elle évite d’aborder frontalement et brutalement des thématiques promptes à faire refermer l’ouvrage aussi rapidement qu’il avait été ouvert. De surcroit, l’auteur prive ici son public des textes qui accompagnent généralement conte ou BD. Il permet ainsi à chacun d’y mettre ses propres mots et ouvre une formidable porte vers le débat, lors d’une « lecture » accompagnée. Car c’est bien le but et la richesse de l’ouvrage : donner à des non-experts du grain à moudre pour aborder, avec enfants ou ados, maltraitance et enfance en danger. Au-delà, la construction de l’album est judicieuse, n’offrant pas toujours une parfaite lisibilité de l’intrigue (ça laisse, là aussi, l’imagination de chacun travailler) ou multipliant quelques clichés, mais utilisant des biais inventifs et suffisamment évocateurs (l’alternance de la couleur et du noir et blanc, par exemple) pour transmettre les idées. Bonus non négligeable : comme dans tout conte, l’histoire se termine bien… A lire, à faire lire… et à discuter.
