L'histoire :
Usbek et Rica, deux terriens posthumains, vivent dans un monde où les années 2050 renvoient à la préhistoire. Dans leur monde, certains hommes ont deux têtes, un cheveu vaut carte d’identité et le sida n’existe plus. Dans un monde dématérialisé, tout bug informatique pourrait se révéler grave. Or, un « cyberdissident » a vidé toute la mémoire de l’ordinateur central. Les livres n’existant plus, l’Histoire du monde a été effacée. Le gouvernement mondial décide alors de financer un plan de reconstitution du passé humain, dont l’objet est de redonner à l’humanité son bien le plus précieux : la mémoire. La promo d’Usbek et Rica a été choisie pour tester ce programme pilote. Mais, au même moment, une manifestation est organisée contre le service obligatoire de retour dans le passé. Usbek et Rica redoutaient de se retrouver en 2050, « temps de la préhistoire ». Finalement, c’est en 2010 que les deux compères vont être envoyés. En anthropologues faussement naïfs, ils vont se retrouver plongés dans une humanité bien étrange, peuplée de sans-papiers, de SDF, de chômeurs, de fashion victimes, de CRS féroces, où la végétation est prisonnière d’enclos… Un seul point commun entre ces deux époques : le sexe.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Attention, cette chronique porte uniquement sur la BD de 20 pages, d’une revue qui en comporte 196 ! Usbek et Rica est en effet le nom d’une nouvelle revue « d’anticipation », hybride entre magazine et livre, à la croisée des genres entre littérature, presse et BD. Son objectif est d’interroger la notion de progrès et d’explorer l’avenir de l’homme, tout en proposant une réflexion distanciée sur l’actualité. 12 numéros sont prévus et donc, 12 bandes dessinées. Intitulé Le débarquement, ce premier épisode renoue avec le procédé narratif utilisé par Montesquieu dans les Lettres persanes, au début du siècle des Lumières. Soit deux personnages, Usbek et Rica, posant un regard faussement naïf et irrévérencieux sur la réalité d’un territoire. Chez Montesquieu, deux voyageurs du XVIIIe siècle découvraient les « bizarreries » (mœurs, culture, modes de vie…) du monde oriental. Dans la revue, deux citadins du futur, un jeune (Rica) et un vieux calife, maître de conférences (Usbek), sont projetés chez les homo-sapiens en 2010, afin de réécrire l’Histoire, désormais disparue en raison d’un cyber-attentat. Malin, le dispositif narratif sert de support à un voyage drôle et incongru : les deux camarades, crédules, vont se perdre dans une jungle urbaine dépourvue de sens, au milieu de moyens de locomotion étranges, d’enclos de végétation, de guerres urbaines ?!!! C’est qu’Usbek et Rica vivent dans un monde où le sida, les pays, l’argent et les guerres n’existent plus. Humour et espièglerie sont les ressorts d’un scénario intelligent et rusé. Le trait simple de François Olislaeger, habillé de noir et blanc, sert avec efficacité le récit. On regrettera cependant quelques passages convenus, alignant les clichés (« les nomades, des SDF sans-papiers en fait, incarnent la gentillesse même », les voitures brûlées en banlieue, les loyers chers à Paris…), et la brièveté du récit. Mais au final, sous la forme d’une BD, voilà une critique sociale originale et intéressante.
