interview Comics

Alec Longstreth

Cette interview est proposée en deux formats : vidéo en version originale et en version retranscrite. Faites votre choix !



Bonjour Alec Longstreth, peux-tu te présenter ?
Alec Longstreth : Bonjour, je m'appelle Alec Longstreth. Je dessine un mini-comics intitulé Phase 7, depuis 2002. Tout a commencé après la fac : je dessinais des comics pour le journal de l'école et donc, bien sûr, après avoir obtenu mon diplôme, je n'avais plus nulle part où les publier. J'ai donc créé un mini comics pour cela, intitulé Phase 7, et on en est à 18 numéros aujourd'hui.

Quel est le concept de Phase 7 ?
Alec Longstreth : Ce livre était publié par l'Employé du moi et il s'agit d'un recueil de 200 pages contenant des histoires de Phase 7. Beaucoup de ces histoires sont autobiographiques. Par exemple, je parle d'un job de soudeur que j'ai effectué dans un atelier théâtral, des histoires que j'ai vécues. Certaines d'entre elles prennent un aspect plus fantaisiste où on quitte l'autobiographie pure. Je me penche sur ce qui aurait pu se passer si... Quant à mes autres ouvrages, il y a eu Basewood, que j'ai achevé d'écrire, et qui n'a rien à voir avec ma vie. Phase 7 est un peu de tout, je peux choisir d'y raconter ma vie ou non... C'est surtout un moyen pour moi de raconter des histoires par le biais de comics.


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Dans Phase 7, tu avouais être un immense fan du groupe de rock Weezer. Est-ce toujours le cas ?
Alec Longstreth : Oui, je suis un grand fan de Weezer et la dernière histoire en date sur laquelle j'ai travaillé est un triptyque sur Weezer. J'ai écrit une histoire sur l'album bleu – si vous connaissez Weezer vous savez de quoi je parle – puis je parle de la toute première fois où je suis allé les voir en concert. J'ai alors pu rencontrer Rivers Cuomo [NDR : le chanteur, guitariste et principal compositeur du groupe], il a signé ma guitare et ça a été le plus beau jour de ma vie. Ça n'a fait que dégénérer depuis. Enfin, dans la troisième partie, je rencontre tous les membres du groupe, cette fois-ci, et je réalise des choses pour eux – j'ai fait quelques illustrations pour Weezer – tout ça pour dire que les rêves peuvent se réaliser : on peut rencontrer ses héros et faire des choses avec eux.

A l'époque de Phase 7, tu racontais que tu étais tellement fan de Weezer et de Rivers Cuomo que tu voulais porter des lunettes comme lui. Le souci est que ta vue n'avait aucun défaut. Tu avais donc des lunettes sans verres...
Alec Longstreth : Je suis désolé pour tous ceux qui ont lu Phase 7, mais je porte des lunettes, en vrai. A force de hachurer et de quadriller mes illustrations, ça m'a bousillé les yeux et je porte des lunettes, dorénavant. Cette histoire remonte à un bail et à l'époque je portais ces lunettes-là, avec de faux verres, mais ce n'est plus le cas.

alec longstreth phase 7 basewood weezer Dans Phase 7, tu racontais que tu participais aux 24 heures de la bande dessinée...
Alec Longstreth : Oui, oui. En 2000, j'ai dessiné mon premier comics dans le cadre du 24 Hour Comics Day et j'ai adoré ça, en tant qu'illustrateur. Dessiner Basewood m'a pris dix ans et, pendant tout ce temps, on dessine jour et nuit la même chose, avec le même style. C'est alors très agréable de passer une journée entière sur autre chose. Ce ne sont que vingt-quatre heures mais on en profite pour expérimenter des trucs un peu dingues ou bien pour prendre une histoire qu'on rumine depuis un moment et la laisser sortir comme ça, d'un coup. Je participe donc bien à cet événement et cela chaque année depuis 2000. J'y ai participé pour la treizième fois il y a quelques semaines et j'ai déjà une idée en tête pour cette année. Je pense qu'il faut pouvoir lâcher prise. De toute manière, le rendu ne sera jamais celui que l'on obtient quand on rend un truc fini, travaillé et bien poli. Mais c'est l'occasion d'expérimenter des choses et de se lâcher. Par exemple, j'admire beaucoup Julie Delporte ; elle utilise des crayons de couleurs pour ses illustrations, chose que je n'ai jamais faite, et du coup j'aimerai profiter d'un comics 24h pour m'y essayer. Employer ainsi un nouvel outil, m'imposer de nouvelles contraintes en me disant « Tiens, je vais illustrer ça uniquement à l'aide de crayons de couleurs, pour voir ». Voilà ce que j'ai tiré de cette expérience.

Peux-tu présenter Basewood ?
Alec Longstreth : Oui, c'est une histoire un peu fantasy. Ça se passe dans une forêt, il y a un monstre, un vieil homme vivant en haut d'un arbre, il y a aussi un amnésique, un type qui se réveille sans savoir qui il est, ni où il se trouve, ni comment il est arrivé là... Le lecteur l'accompagne alors et découvre son passé avec lui. Il y a donc du mystère, de l'aventure, de l'amour, un loup-dragon [rires]... Tout ce qu'on peut souhaiter trouver dans un récit.


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Ton style sur Basewood est très méticuleux...
Alec Longstreth : Oui, ça a été beaucoup de travail et j'ai commis une erreur. Quand j'ai commencé, j'étais très jeune et je n'aimais pas dessiner en tout petit et, donc, le premier jour où j'ai travaillé sur Basewood, je me suis posé la question de savoir quel était la plus petite illustration que je pouvais me permettre. Et je me souviens avoir dessiné un personnage, entièrement, de pied en cap, en me disant – il faisait quatre pouces [NDT : 10 cm] – « ouais, ça a l'air bien, comme ça ». J'en ai conclu que si je devais illustrer une page contenant quatre panneaux, cela devait faire un truc grand comme ça [rires]. Je me suis ensuite rendu au magasin de fournitures et j'ai cherché le papier correspondant et ils avaient ces feuilles de 18 pouces sur 24. Je ne sais pas à combien ça correspond en métrique [NDT : 45cm sur 60, format « cavalier »], beaucoup trop grand. J'ai quand même acheté cet énorme papier et j'ai commencé à m'y mettre. Le problème est qu'il y a des petits détails très fins à ajouter : du quadrillage, des textures. Si on combine le tout, par exemple si on doit dessiner une surface rocheuse faisant toute la page et qu'il faille la représenter en mettant des petits points pour lui donner cet aspect rocheux, on passe alors une vingtaine d'heure penché sur sa feuille en faisant « tac tac tac tac tac » et c'est la catastrophe. Donc j'aime l'aspect du livre, j'en suis fier et le tout est consistant d'un bout à l'autre. Mais plus jamais je ne dessinerai de cette manière, plus jamais [rires]. J'espère donc que vous avez apprécié Basewood parce que c'était la dernière fois que je passais autant de temps à illustrer un comics, certaines pages m'ont pris jusqu'à quarante heures de travail, pour une seule page. Regardez la scène enneigée du chapitre trois et vous comprendrez la folie par laquelle je suis passé.

alec longstreth phase 7 basewood weezer Quels sont tes prochains projets ?
Alec Longstreth : J'ai quelques projets en cours. Je travaille sur le triptyque de Weezer, qui est quasiment achevée, je travaille en ce moment sur la troisième partie, puis j'ai une histoire purement fantasy, aussi. Il y a des sorciers, de la magie un peu à la Harry Potter, c'est un webcomics que je destine aux enfants. Il y a en plus la trilogie Nerd, constituée du comics qui est une transition racontée dans Phase 7 ; la seconde partie est le récit sur Weezer. Puis enfin, le récit Star Wars. J'ai en effet une histoire assez dingue sur ma jeunesse puisque je m'étais rendu jusqu'en Australie pour essayer de travailler sur Star Wars et ça a été une drôle d'aventure. C'est encore une histoire autobiographique et le tout forme les trois choses les plus « nerdy » que j'ai faites dans ma vie [rires]

Quelles sont tes influences ?
Alec Longstreth : Essentiellement Carl Barks, je pense être un des rares illustrateurs en Amérique à avoir grandi en lisant et en appréciant ce que faisait Carl Barks. Il est quasiment inconnu, là-bas. Heureusement, l'éditeur américain Fantagraphics a entrepris de republier ses œuvres mais des pans entiers tels que les comics les plus sombres qu'il a pu réaliser pour Disney, ne sont jamais sortis aux USA. C'est dingue, parce que je sais qu'ici, tous les gamins grandissent en lisant les comics de Carl Barks. Mais j'aime aussi Bone de Jeff Smith, Calvin & Hobbes de Watterson... Voilà à peu près mon trio gagnant [rires]. J'ai aussi lu beaucoup de Tintin quand j'étais enfant.

Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre son génie, qui irais-tu visiter ?
Alec Longstreth : Carl Barks, définitivement. Il représente l'économie idéale : il travaillait toujours avec des deadlines très serrées et il y avait toujours une grande économie dans ce qu'il faisait. Par exemple, beaucoup de points noirs, pas de quadrillages, pas de petits détails, rien que du dessin en béton armé. Et ses histoires étaient merveilleuses. Il faisait des histoires de 510 pages, alors que les revues Disney contenaient des histoires de 10 pages. Sa narration est impeccable. Ses personnages sont excellent, les dessins de grande qualité... Si je pouvais le déterrer et déjeuner avec lui, ce serait un rêve devenu réalité, pour moi. Désolé, je ne parle pas français. Merci beaucoup.

Merci Alec !

Remerciements à Alain Delaplace pour sa traduction ! Et à Jean-Philippe Diservi pour la réalisation.

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PAR

30 janvier 2014
©L'employé du moi édition 2014

C'est en 2008 que les lecteurs francophones ont pu faire la connaissance d'Alec Longstreth, avec une sorte de best-of de ses comics auto-publiés sous le nom de Phase 7. Il nous y expliquait combien il aimait le 9ème art, le groupe Weezer et il décrivait son quotidien ainsi que l'élaboration de son futur roman graphique nommé Basewood. C'est finalement en fin d'année 2012 que l'artiste parvient à achever son récit fantaisiste et ambitieux. Invité par son éditeur, L'employé du moi, lors du festival d'Angoulême, nous avons croisé Alec Longstreth qui s'est plié au jeu des questions et des réponses...

Réalisée en lien avec les albums Basewood, Phase 7
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême