interview Comics

Carlos Pacheco

©Panini Comics édition 2013

Avec sa carrière débutée dans les années 90 et des performances majeures (Avengers Forever notamment), le dessinateur espagnol Carlos Pacheco pourrait avoir l'air blasé de travailler dans le monde des super héros. Pourtant, sa récente collaboration avec Rick Remender sur Captain America le remplit d'une telle joie qu'il va même prolonger l'expérience sur le personnage. Alors qu'en France, nous pourrons découvrir son travail sur la série au début de l'année 2014, c'est sur le crossover Age of Ultron qu'on le retrouve. Invité de Panini Comics lors de la récente Paris Comics Expo, c'est un auteur un peu bougon que nous avons retrouvé. Malade, il a tout de même accepté de répondre gentiment à nos questions sans détour et en avouant même certains faits amusants. A vous de les découvrir !

Réalisée en lien avec les albums Age of Ultron T4, Les Inhumains, Ultimate Avengers T1
Lieu de l'interview : Paris Comics Expo

interview menée
par
14 décembre 2013

deathdealer Bonjour Carlos. Peux­-tu te présenter et nous dire comment tu es entré dans le monde des comics ?
Carlos Pacheco : Eh bien, j’ai commencé à travailler ­ enfin disons plutôt collaborer, car à cette époque je ne faisais que des petites choses occasionnellement ­ pour la société qui s’occupe de traduire et publier en Espagne les comics Marvel. Dans le milieu des années 80, le seul moyen que j’avais de travailler avec une entreprise comme ça, c’était en faisant des couvertures, des posters... Il n’y avait pas une charge de travail assez bonne pour appeler ça du travail, donc c’était plutôt une « collaboration ». Mais, à Marvel UK, la division anglaise, au début des années 90, ils ont vu ce que j’avais fait et m’ont appelé pour faire un livre pour eux. C’était vers la fin de 1992. Et depuis, ce fut une carrière non­stop dans les comics, donc ce que j’appelais au début des collaborations est devenu un vrai travail. Et je n’ai jamais arrêté depuis, j’ai travaillé pour Marvel, puis pour DC Comics, puis je suis retourné chez Marvel à nouveau, et c’est ce que je fais maintenant...

Quelles sont tes influences ?
Carlos Pacheco : Eh bien, en comics... En fait, je ne suis pas un « artiste graphique ». Je veux dire, je ne peints pas, ce genre de choses... Ce que j’aime labyrinthc’est raconter des histoires, pas être un dessinateur. Donc mes influences principales viennent des comics, de peintres, des films... mais toujours avec un intérêt pour la scénarisation. Je veux dire, par exemple, en peinture, ce qui m’influence en tant que dessinateur de comics, ce sont les peintres préraphaélites, comme Waterhouse, Dante Gabriel Rossetti, Alma­Tadema, tous ces peintres, car ils racontent une histoire. Il y a aussi Hopper, Rockwell... Ça ne veut pas dire que je n’ai pas d’autres intérêts pour la peinture, mais spécifiquement, en termes d’influences sur mon travail, ce sont ces peintres qui m’aident à apprendre comment raconter une histoire. Pour ce qui est des bandes dessinées, j’ai grandi en lisant les éditions espagnoles de Pilote, les BD belges, avant de lire des super­héros, car quand j’étais enfant les super­héros n’étaient pas encore publiés en Espagne. J’adorais le dessinateur d’Asterix, Uderzo, pas dans Astérix justement, mais dans Michel Tanguy, c’est une série que j’adorais, c’est un travail plus réaliste. Il y a aussi Jean Giraud : Blueberry est en fait une de mes plus grosses influences. Une de mes œuvres préférées que j’aie réalisées est Arrowsmith, c’est un hommage à tout ce que j’ai appris dans Blueberry. Mais après, j’ai découvert les super­héros, John Buscema, Neal Adams, John Romita, Gene Colan, toute cette génération d’artistes. C’est ça qui a défini mon style.

pacheco ultimates


En France, nous découvrons actuellement ton travail sur Age of Ultron. Que peut­-on espérer pour cette série dans un futur proche ?
Carlos Pacheco : Vous savez quoi ? Je ne lis pas la série ! (rires) Ne le dites pas à l’éditeur ! (rires) Je n’ai aucune idée de ce qui va arriver dans la série... En fait, une chose que vous apprenez dans les comics de super­ héros, c’est que tout est présenté au public comme l’événement qui va tout changer... Ce n’est pas vrai ! Tout changera encore dans un an, et tout changera encore les années suivantes...

Tu as repris Age of Ultron juste après Bryan Hitch. As-tu discuté avec lui pour maintenir une cohérence visuelle ? ageofultron
Carlos Pacheco : Non, car ils voulaient essentiellement que je change totalement de ce qu’avait fait Bryan Hitch. En fait, nous avons travaillé sur une période de temps totalement différente : j’ai pris les personnages et je les ai ramenés au milieu des années 60. Ce qui est étrange, car le milieu des années 60, les personnages d’aujourd’hui qui ont environ 30 ans n’étaient pas encore nés. Donc c’est un peu bizarre... Mais bon, le truc, c’est donc qu’ils m’ont demandé de mettre les personnages au milieu des années 60, et que ça signifiait changer totalement la scénarisation, et la façon de dessiner. Évidemment, pour en revenir au travail de Bryan Hitch, ils vérifient la continuité et tout cela. Mais je me suis mis dans l’état d’esprit de la façon dont étaient faits les comics à l’ancienne, au début de l’ère Marvel, car pour moi, le plus important était de capturer la nature du style que ces comics avaient à l’époque, puis après d’essayer de suivre le style des chapitres précédents. Il y a un autre artiste qui travaille aussi sur Age of Ultron, Brandon Peterson, qui a pris les personnages et les a emmenés dans le futur, et donc chaque période possède un style totalement différent. Et je pense que c’est l’une des clés du succès de cette série : avoir les personnages dans des périodes différentes et présenter au lecteur l’univers Marvel qui alterne pour aller dans le présent, dans le passé, et dans le futur ­ quoi que ce futur soit.

labyrinth Après cela, tu as continué sur Captain America avec Rick Remender. Que penses­-tu de sa version ?
Carlos Pacheco : Je l’adore ! Beaucoup ! En fait, ­ je crois que c’est la première fois que je dis ça ­car j’ai signé pour un certain nombre de chapitres, et je suis sur le point d’avoir terminé, et ils m’ont demandé de rester sur la série. Je vais rester plus de temps que ce que j’avais signé, juste car j’adore ce que Rick fait avec le personnage, j’adore ce à quoi ressemble Captain America actuellement, et la direction que prend la série. C’est merveilleux parce que c’est très difficile d’être connecté avec un personnage, car les personnages que vous aimez sont si loin dans le passé de ce qu’ils sont maintenant, c’est parfois même difficile de les reconnaître. Ils sont habillés pareil, avec un uniforme identique... Je le reconnais aujourd’hui, c’est mon Captain America, c’est le personnage que j’ai toujours aimé et donc... Bref, Rick est le mec qui écrit Captain America et c’est celui qui contrôle ce personnage et certains des Avengers. Je crois que Rick appartient à une nouvelle génération de scénaristes qui travaillent comme... vous voyez, une de ces nouvelles Formule 1 ? Ils font attention à l’Histoire de l’univers Marvel, utilisent ses traditions, et emmènent les personnages et les séries dans une nouvelle direction, ils ont une nouvelle façon de raconter les histoires, et cela donne une nouvelle orientation aux séries Marvel. Rick et Johnathan Hickman, un autre scénariste qui fait aussi cela, j’adore ce qu’ils font. Leurs séries, ou n’importe lequel de leurs comics Marvel d’aujourd’hui, ont l’odeur de ce que les comics Marvel ont toujours été.

carlos pacheco dedicace Si je te donnais le pouvoir de visiter l’esprit d’un autre artiste, de comics ou non, vivant ou mort, pour comprendre son esprit, qui choisirais-­tu et pourquoi ?
Carlos Pacheco : Hum, c’est assez difficile... C’est vraiment, vraiment, vraiment difficile... Je vous ai mentionné plus tôt Waterhouse. Peut­-être que ce serait Waterhouse. C’est quelqu’un que j’ai toujours aimé, ou Alta­ Tadema, et aussi Gérôme, c’est un autre des peintres pour lesquels j’aimerais aller plus profond dans leur travail. Ou même Picasso ou Degas. Je ne sais pas, ne peux pas choisir. Même le mec qui a peint le bison de la grotte d’Altamira, peut­-être le premier artiste dans l’histoire de l’Humanité. C’est tellement impossible de choisir, il y en a tellement... Je ne sais pas, c’est vraiment impossible... Caravaggio, Leonardo... Peut-être Leonardo, pourquoi pas ! Car il était dessinateur... Je ne sais pas, je ne peux pas dire...

Merci Carlos !

Remerciements à Sophie Cony pour son organisation et à Mickaël Géreaume pour son chapeau et toutes ses questions !


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