interview Comics

Joe Matt

©Delcourt édition 2016

En digne héritier des récits autobiographiques et sans concession d'Harvey Pekar et de l'humour délirant d'un Robert Crumb, l'américain Joe Matt s'est très vite fait une place de choix chez les lecteurs avec sa série Peepshow. Revenant sur son quotidien, sur son amitié avec d'autres auteurs comme Seth ou Chester Brown mais aussi sur sa passion pour le porno, Joe Matt n'hésite jamais à évoquer un sujet et à le rendre drôlissime. Peu productif ces dernières années, nous avons contacté l'auteur du Pauvre type ou d'Épuisé afin de revenir sur son travail, sa légende et sa fameuse fainéantise.

Réalisée en lien avec les albums Le pauvre type, Epuisé
Lieu de l'interview : Le cyber espace

interview menée
par
11 mai 2016

La traduction de cette interview a été réalisée par Alain Delaplace.

Joe Matt Peux-tu te présenter auprès de nos lecteurs et nous dire comment tu as débuté dans l'industrie des comics ?
Joe Matt : Salut, je m'appelle Joe Matt. Pour faire simple, j'ai produit quatre graphic novels qui rassemblent les 13 numéros de mon comics autobiographique, Peepshow. Pour ce qui est de mes débuts, il n'y a pas grand chose à raconter. J'ai envoyé des photocopies de mes premiers essais à quelques éditeurs et Kitchen Sink Press – mais aussi Drawn & Quarterly Publications – ont commencé à publier mes planches dans leurs anthologies respectives. Et, après que Kitchen Sink a coulé, D&Q est devenu mon éditeur attitré.

Quelles ont été tes influences, artistiquement parlant ?
Joe Matt : Mes principales influences (en ce qui concerne les comics autobiographiques) se résument à : Robert Crumb, Art Spiegelman et Harvey Pekar. Mais à partir du moment où j'ai fait la connaissance (et où je me suis lié d'amitié avec) mes collègues cartoonistes Seth and Chester Brown, ils sont devenus des influences tout aussi importantes si ce n'est plus.

Contrairement à la plupart des artistes américains, tu n'as pas beaucoup travaillé sur des séries de super héros. Est-ce un genre qui ne te plaisait pas ?
Joe Matt : Pour commencer, je ne dessinerai jamais dans un style que l'on pourrait relier au genre super-héroïque. Par conséquent, je n'ai jamais tenté de percer dans ce genre. De plus, la pratique du work-for-hire privilégiée par Marvel et DC a toujours été rédhibitoire, pour moi. Je trouve que le genre super-héroïque est très limité. J'adore ce qui est sorti des premières collaborations de Stan Lee avec Jack Kirby, ce qu'ils ont fait durant ces cinq premières années et qui a établi l'univers Marvel. Je trouve qu'ils ont atteint le juste équilibre entre divertissement et rêve tout en restant relativement légers et innocents, d'une certaine manière. Mais, après ça, on dirait que le genre n'avait plus nulle part où aller si ce n'est en s'enfonçant dans un aspect de plus en plus sombre. Même si j'ai bien aimé le Dark Knight Joe Matt de Miller ainsi que le Swamp Thing d'Alan Moore, ma décision de me lancer dans une approche autobiographique des comics était une réaction à l'encontre des comics mainstream. J'ajouterai aussi que ce que je souhaitais, c'était de produire une oeuvre qui m'appartiendrait et que je contrôlerais à 100%. Et je n'ai jamais été tenté par l'idée de créer un énième personnage costumé et doté de super-pouvoirs. On dirait qu'on en a déjà bien assez. Enfin, je pense que j'ai réalisé instinctivement qu'il n'y avait qu'un seul Joe Matt et que je devais capitaliser sur mon individualité.

Est-il vrai que tu as accepté de travailler en tant que coloriste sur Grendel uniquement pour payer tes factures ?
Joe Matt : Oui. J'ai rencontré Matt Wagner alors qu'on était tous les deux à la faculté des arts de Philadelphie. Il en est parti pour créer Grendel (ainsi que Mage). Peu de temps après avoir obtenu mon diplôme, il a eu la gentillesse de me confier quelques tâches de colorisation. La colorisation était un moyen simple et agréable de me faire un peu d'argent mais ce n'était pas vraiment gratifiant. J'ai fini par laisser tomber après une douzaine de numéros.

En France, nous avons découvert ton travail avec Peepshow. Pourquoi avoir choisi de te mettre en scène dans tes propres comics ?
Joe Matt : Ça me paraissait tout simplement naturel de parler de ce que je connaissait le mieux, c'est à dire de moi-même et de mes propres expériences. Je ne peux m'imaginer écrire sur un quelqu'autre sujet, qu'il s'agisse de fiction ou d'autre chose. J'ai toujours été un très mauvais menteur mais un bien meilleur confident. De plus, mon amour pour les œuvres de Crumb, Spiegleman et Pekar m'a démontré que le lecteur était naturellement attiré par l'aspect réaliste et authentique qu'il pouvait trouver dans une œuvre du moment dès lors que celle-ci lui paraissait sincère et autobiographique.

Joe Matt Le portrait que tu dépeins de toi-même n'est pas vraiment reluisant. As-tu forcé le trait ?
Joe Matt : C'est sûr. On ne peut pas ignorer le fait que l'humour se base sur la douleur, su ce qui est négatif. Par conséquent, les défauts d'un personnage seront toujours plus divertissant que ses qualités. C'est systématiquement le cas, depuis Charlie Brown jusqu'à Woody Allen. Et je me suis toujours senti plus à l'aise avec la comédie qu'avec d'autres sujets, plus sérieux. Ca ne veut pas dire que je ne suis pas un grand penseur non plus... Je le suis...(Ah. Ah.)... C'est juste que je n'ai pas de réponses. Mais j'ai des opinions... Que je trouve plus drôles... Parce qu'au final, je pense qu'elles ne tiennent pas plus debout qu'aucune autre. Larry David [NDLR: humoriste américain] en est le parfait exemple.

Dans Peepshow, tu n'hésites pas à parler de ta passion pour le porno et la masturbation. Depuis les derniers épisodes que l'on a pu lire dans Épuisé, est-ce toujours le cas ?
Joe Matt : Oui. Je crois bien que j'aimerai toujours le porno et la masturbation et ce jusqu'à mon trépas. Et pourquoi pas ? Ce n'est pas seulement une question de besoins sexuels, c'est aussi un rituel, un plaisir physique sans parler de l'effet apaisant sur les émotions et sur le corps, juste après. C'est vrai que c'est un énorme gaspillage de temps et d'énergie, mais c'est un choix. Ce que je veux dire, c'est que certaines personnes sont obsédées par la politique et le sport en général tandis que d'autres mangent ou boivent de trop, abusent de quelque chose. Même si je considère que je suis moi-même obsédé de manière compulsive, je ne parlerais par d'addiction, dans mon cas. Quoiqu'il en soit, bien que considère que c'est une faiblesse, c'est une faiblesse que j'ai choisie et non une faiblesse que je renie ou contre laquelle je me bats.

Souvent, les artistes qui se mettent en scène dans leurs propres œuvres se mettent sous un jour plus ou moins favorable pour, par exemple, dénoncer l'absurdité de leur environnement. Dans ton cas, tu as plutôt tendance à souligner tes propres échecs. Est-ce seulement dans un but comique ou bien est-ce aussi thérapeutique, pour toi ?
Joe Matt : Si la production de mes comics a eu un quelconque bénéfice thérapeutique, ça a au mieux été très bref. Je dirais donc que, oui, c'est plutôt pour un effet comique et aussi pour rendre l'ensemble plus divertissant. Encore une fois, l'humour trouve sa source dans la douleur. Joe Matt On pourrait argumenter du fait que des situations problématiques rendent la lecture plus intéressante, de la même manière que tout drame repose sur un conflit. Les personnages désirent quelque chose et c'est la lutte pour l'obtention de cette chose qui est finalement plus intéressante que cette obtention même. Et dans mon cas (une autobiographie), il n'y a pas de vilain. J'ai donc décidé que je serais mon propre pire ennemi. Du moins, je pense que la réponse est aussi simple que ça.

Comment juges-tu l'évolution du porno depuis le début de Peepshow ?
Joe Matt : Je ne crois pas que le porno ait évolué, c'est plutôt la relation qu'a la société avec le porno qui a évolué. Grâce au net, le porno est infiniment plus accessible et il s'est intégré plus que jamais ) nos vies et à nos relations. Je crois que le porno devient de plus en plus mainstream chaque année tandis que les tabous qui y sont attachés, eux, s'affaiblissent. Pour ce qui est du porno, à l'heure actuelle, tout ce que je peux dire c'est qu'il y a une bonne raison pour laquelle je n'ai jamais eu internet à la maison. Ce flot incessant de jolies jeunes filles prêtes à avoir des relations sexuelles devant une caméra haute-définition, ce serait la mort, pour moi.

Si tu devais nous donner ton Top 3 dans le genre, quel serait-il ?
Joe Matt : Ma liste de pornostars préférées évolue en permanence. Dès que j'ai un peu de mal à m'endormir, je m'imagine en train de faire une liste des 10 que j'emmènerais sur une île déserte avec moi et je perds quasiment immédiatement connaissance... D'ennui. Mais, au sommet de ma liste, on trouve quasi toujours les mêmes : Alexis Love, Lupe Fuentes, Alina Li, Mana Izumi, et Lindsey Woods. Mais elles sont toutes des actrices relativement récentes et leurs scènes ont donc été filmées avec une image d'une bien meilleure qualité que celles de centaines d'actrices que j'ai pu apprécier de par le passé. Voilà donc ma réponse habituelle : je m'enflamme toujours plus facilement pour la dernière fille en vogue mais elle finit toujours par céder sa place à une nouvelle. La seule constante est ce que je considère être « l'idéal physique absolu » de la femme mais il n'a jamais été atteint. La perfection n'existe pas, dans le porno, pas plus que dans la vraie vie. Et, donc, la quête est Joe Matt éternelle. Pour être franc, je considère le porno comme un moyen et non une fin. C'est comme de la nourriture : j'ai mes plats préférés mais ce qui compte le plus, c'est la faim que l'on éprouve et nous amène à la table.

Tu parviens toujours à éviter une quelconque aspect sordide grâce à un humour irrésistible. Comment as-tu trouvé cette formule si réussie ?
Joe Matt : Je ne sais pas. Peut-être bien que c'est naturel que mon travail ait un certain équilibre. Moi-même, je pense donner l'image d'un tel équilibre : un peu triste, un peu drôle, un peu creux, un peu profond... Je ne sais pas. Ce n'est pas à moi de le dire. Au final, tout créateur doit faire confiance à son instinct.

Souvent, ton héros finit dans la pétrin parce qu'il dit ce qu'il pense et d'autres personnages se montrent mécontents de l'image qu'il donne d'eux dans sas comics. Est-ce qu'il ne t'est jamais arrivé qu'un de tes propres strips t'attire des ennuis de la sorte ?
Joe Matt : Le seul problème que j'ai jamais eux avec ma description d'autrui est venu de mon ex, Trish. Elle n'avait pas de problème avec la description que je faisait d'elle mais plutôt avec le seul fait que je l'ai décrite. Elle considérait que notre relation et ses détails relevaient de notre vie privée, uniquement. Et le fait de les exposer au grand jour l'ennuyait. Mais ces détails m'appartenaient à moi aussi... Et je me sentais le droit de les partager et de les montrer, même si elle n'était pas d'accord avec ça. Et je m'inquiète du fait que cela risque de se reproduire avec ma copine actuelle... Probablement (en partie) du fait que je n'ai rien produit de neuf depuis plusieurs années. Ce n'est pas dû au fait que j'ai pas de matériau, que j'aurais dégoté un « vrai boulot » ou quoi que ce soit du genre, non, c'est juste que je suis fainéant, peureux et que je préfère faire n'importe quoi plutôt que de dessiner des comics. Je suis un grand procrastinateur et j'ai découvert qu'une fois que le mouvement prend fin et que l'on se trouve immobile, il est quasiment impossible de recommencer à se mouvoir.

Joe Matt


Tu as vécu des années durant au Canada, où tu as côtoyé Seth et Chester Brown. Quel regard portes-tu sur ces années et ces amitiés ?
Joe Matt : J'ai vécu à Toronto (où je croisais constamment Seth et Chester Brown) pendant à peu près 12 ans. Et j'y résidais illégalement (je suis citoyen américain). Notre amitié nous était mutuellement bénéfique, principalement du fait que nous partagions les mêmes goûts, les mêmes motivations, les mêmes objectifs ainsi qu'une passion envahissante pour les comics... Ce qui nous a aussi amené à avoir un sens amical de la compétition. Et je ne peux pas tarir d'éloges à l'égard de ces deux gars. Ils sont irremplaçables, en tant qu'amis aussi bien qu'en tant qu'influences. Mon seul regret est qu'il m'a fallu quitter le Canada, mon départ ayant été précipité par les tragiques évènements du 11 septembre. Aujourd'hui encore, j'aimerais pouvoir y retourner (j'ai passé les 13 dernières années à Los Angeles) et, cette fois-ci, de manière légale et définitive. Mais j'ai mes raisons de rester là où je me trouve, pour le moment (il s'agit surtout pour moi d'écrire un comics sur LA avant d'en partir).

Joe Matt Étaient-ils satisfaits de la version que tu proposais d'eux ?
Joe Matt : En tant que camarades dessinateurs, je pense que Chester et Seth sont chacun capables de prendre de la distance et de rester objectifs par rapport aux portraits que je fais d'eux. Et je pense la même chose quand je me vois dans le Paying for It de Chester. En d'autres termes, « satisfaits de leurs versions » ne tient pas vraiment la route comparé à « satisfaits du livre qu'a sorti mon pote » et je crois qu'ils ont toujours fait preuve d'un indéfectible soutien envers mon travail, sans jamais tenir compte d'une quelconque description de leur personne.

Depuis quelques années, nous attendons ton prochain roman graphique qui serait basé sur ton retour aux USA. Où en es-tu ?
Joe Matt : Mon prochain ouvrage (qui a connu un faux départ, que j'ai abandonné après 12 pages mais que l'on peut voir comme étant le livre du 25e anniversaire de D&Q) en est toujours à l'état de notes. J'ai beaucoup, beaucoup de notes... Ainsi qu'un thème de départ et une structure en tête, mais je n'ai pas encore dessiné une seule ligne. Je planifie, je suis obsédé par les planches, les séquences et les idées à mettre dans mon prochain bouquin... Mais il n'en sort jamais rien. En réalité, je me rend doucement mais sûrement cinglé à force de ne pas y travailler. Tout ce que je peux faire, c'est espérer que quelque chose finisse par me motiver à y travailler... Un jour.

Il y a quelques années, Le pauvre type avait été optionné par HBO pour une version télévisée qui ne s'est pas faite. As-tu des regrets ?
Joe Matt : Je regrette tout. Je regrette surtout d'avoir gobé l'hameçon que représentaient HBO et l'opportunité de faire une série. La vérité, c'est que je n'ai jamais souhaité voir mon oeuvre adaptée. Quand j'étais plus jeune, il était plus facile de rester indépendant et de refuser de me vendre. Mais, alors que j'approchais de la quarantaine, j'ai vu une éventuelle série télé comme la seule chance que j'aurais jamais de pouvoir m'acheter une maison ou Joe Matt encore d'échapper à la pauvreté. Bien entendu, tout ça ne s'est jamais fait. Pour commencer, mes raisons n'étaient pas les bonnes. Dès le départ, j'ai saboté le projet tant j'avais finalement peur qu'il aboutisse. Et j'ai fini par réaliser que je préférais finir dans le dénuement le plus total plutôt que de voir mon nom accolé à une série tv embarrassante me décrivant, moi, ainsi que mes comics à (potentiellement) des millions de personnes. C'était une peur vraiment, vraiment immense et mon manque de contrôle et de vision sur le projet ne faisait qu'amplifier cette peur à son paroxysme.

Ton œuvre a inspiré de nombreux artistes de comics comme Alec Longstreth par exemple mais également des musiciens comme Rivers Cuomo de Weezer. Quel regard portes-tu sur cela ?
Joe Matt : Je suis flatté du moment que quiconque apprécie ce que je fais. Peu importe qu'il s'agisse d'auteurs riches célèbres ou juste de gens ordinaires. J'éprouve la même gratitude envers chacun d'eux. Et je suis sérieux, quand je dis ça. Je sais que ça a l'air d'un lieu commun ou qu'on dirait de la fausse modestie mais je le pense sincèrement.

Depuis quelques années, les producteurs de cinéma ou de séries télé se tournent de plus en plus vers les comics pour y trouver une certaine originalité. Que penses-tu de cela ?
Joe Matt : Je pense que la mode actuelle des films de super-héros Marvel était inévitable. Il fallait juste attendre que la technologie informatique et les effets spéciaux soient au niveau avec le genre. Et le résultat est parfait, su grand écran. En ce qui concerne les comics hors super-héros servant de sources d'inspiration au cinéma ou à la télévision, je vois ça de la même manière que toute adaptation d'une oeuvre littéraire : c'est quelque chose qui a toujours eu cours, depuis la naissance même du cinéma.

Comment juges-tu l'évolution des comics depuis tes débuts, d'un point de vue artistique et d'un point de vue éditorial ?
Joe Matt : Je ne suis probablement pas celui à qui il faut poser la question. Pour être honnête, je ne prête que peu d'attention à l'industrie des comics. De temps à autres, j'entends le refrain habituel comme quoi les comics (les graphic novels) se vendent mieux que jamais mais, personnellement, je n'en n'ai jamais eu la moindre preuve du point de vue des royalties que je perçois. Ok, je n'ai pas Joe Matt produit grand chose ces dix dernières années mais mes quatre premiers ouvrages sont toujours imprimés et ce dans plusieurs langues. Malgré ça, je n'ai jamais touché beaucoup d'argent sur mes comics. En réalité, je suis tellement en deçà du seuil de pauvreté que je ne me rappelle même plus la dernière fois que j'ai eu à payer un impôt sur le revenu. Mais pour en revenir à ta question : ce que je vois sortir de l'industrie, chaque année, me dégoûte. Et, donc, je fais de mon mieux pour ne pas y prêter attention. Les quelques dessinateurs dont l'oeuvre m'intéresse (Dan Clowes, Seth, Chester Brown, Kim Deitch, Jim Woodring, etc.) – bizarrement, je vois leur travail comme à part, divorcé de toute forme « d'industrie ». En plus de ça, 90% des comics que j'achète en ce moment sont soit des réimpressions de vieux strips (Dick Tracy, Little Orphan Annie, Barnaby, Li'l Abner, etc.) ou des réimpressions de vieux comics (tout ce qu'ont fait Jack Kirby, John Stanley, Carl Barks, R. Crumb, etc). Encore une fois, je n'associe pas ces vieux titres à l'industrie contemporaine. Je pense que ce que j'essaie de dire se résume à ma vision des comics : cela n'a rien à voir avec une industrie mais tout à voir avec l'oeuvre elle-même. En d'autres mots, tout ce qui m'intéresse, c'est l'art, pas le business.

Si tu avais la possibilité de visiter le crâne d'une personne célèbre, passée ou présente, afin de comprendre son art, ses techniques ou simplement sa vision du monde, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Joe Matt : J'aime et j'admire tant d'artistes ainsi que leur travail qu'il m'est impossible de me limiter à un seul nom. Buster Keaton, Charles Schulz, John Lennon... Je pourrais énumérer une centaine de personnes sans marquer une pause. Mais, si je devais reformuler ta question en disant : quel personnage célèbre aurais-tu aimé être ? Ou bien de qui aurais-tu aimé hériter du talent ? Alors, là, ça devient un peu plus facile. Tout de suite, je te répondrais par n'importe lequel des quatre Beatles. Au vu de leurs concerts, ils avaient l'air d'être ceux qui s'amusaient le plus. En fait, les musiciens ont l'air d'être ceux qui font toujours le plus d'envieux. Tiens, prend Vince Guaraldi (le pianiste de jazz pianist qui a composé la musique des Peanuts) : être capable de s'asseoir à un piano et de jouer comme il le faisait. ça, ça te rend envieux. Ou alors Fred Astaire. Pouvoir danser comme il le faisait, avoir l'air de flotter dans les airs tout en contrôlant parfaitement son propre corps. Est-ce que ce ne serait pas le pied ultime ? Quand j'étais plus jeune, je n'arrêtais pas d'avoir des rêves de ce genre. Aujourd'hui, je rêve surtout de transcender ce plan physique limité. Ce que je souhaiterais, c'est de pouvoir contrôler le Temps, voyager dans le temps, changer des choses... Et aussi être tout-puissant et invulnérable. Ahah... Est-ce trop demander ?

Merci Joe !

Joe Matt