interview Comics

Valerio Schiti

©Panini Comics édition 2016

De ses débuts discrets à sa progressive mise en orbite, le dessinateur italien Valerio Schiti connaît des jours heureux chez Marvel et ce, en l'espace de quelques années. De personnage secondaire à une équipe de premier rang ultra-populaire comme les Gardiens de la Galaxie, son coup de crayon n'en finit plus de convaincre les fans de son talent. C'est un artiste toujours aussi joyeux au moment de parler de son métier que nous avons eu l'occasion de revoir...

Réalisée en lien avec l'album The Avengers : Time Runs Out T1
Lieu de l'interview : Paris Comics Expo

interview menée
par
23 septembre 2016

La traduction de cette interview a été réalisée par Alain Delaplace.

Valerio Schiti Peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
Valerio Schiti : Tout d'abord, bonjour ! [rires] Je m'appelle Valerio Schiti. J'ai commencé à travailler dans le domaine des comics il y a plus ou moins 4 ou 5 ans. Je ne me rappelle plus quand exactement car j'ai une très mauvaise mémoire. J'ai commencé par suivre les cours d'une école dédiée aux comics, à Rome, et, avant ça, j'étais architecte. Puis, je suis allé chez IDW, aux Etats-Unis, et là-bas j'ai travaillé sur la série Donjons et Dragons, Teenage Mutant Ninja Turtles et BattleBeast. Puis j'ai travaillé avec Marvel, sur Journey Into Mystery, New Avengers, Avengers I.A. et d'autres titres... Mon premier contact avec Marvel s'est fait à Lucca. C'est une ville Italienne où prend place, chaque année, une énorme convention comics. Là-bas, il y a, je crois, 6 ans de ça, j'ai rencontré un éditeur de chez Marvel, C.B. Cebulski et je lui ai montré mon portfolio. Après ça, j'ai commencé à leur envoyer régulièrement des planches et ce pendant un long moment, peut-être 2 ou 3 ans [rires] Je ne sais même plus combien de planches je leur ai envoyées. Des planches des X-Men, des New Avengers, plein de trucs pour parvenir à travailler chez eux, ce qui est finalement arrivé. Ca fait maintenant à peu près 4 ans que je travaille pour Marvel et je suis content [rires].

Quelles ont été tes influences, artistiquement parlant ?
Valerio Schiti : Elles sont nombreuses. Beaucoup d'artistes. Parmi les plus récents, je citerais Stuart Immonen et Olivier Coipel. Il y a aussi des artistes italiens comme Matteo Scalero ou Sara Pichelli – une des mes amies, qui a eu une très grande influence sur moi. Parmi les plus anciens, il y a Alan Davis... J'adore John Byrne, un très grand artiste... Je peux continuer tout l'après-midi, si tu veux ! [rires]

Tu as eu une carrière fulgurante, chez Marvel ! Tu as commencé avec Journey Into Mystery pour aller ensuite sur New Avengers puis Gardiens de la Galaxie... Comment as-tu fait pour supporter la pression ?
Valerio Schiti : Je ne sais pas ! [rires] Vraiment, je ne sais pas. En vérité, je suis quelqu'un de très ennuyeux. C'est peut-être grâce à mon planning de travail qui est très précis : je commence à 9h et je m'arrête à 18h... C'est peut-être cette routine qui m'a aidé à contrôler la pression. Mais ça n'a rien d'un secret.

Valerio Schiti Est-ce que tu as ressenti plus de pression en travaillant sur les Gardiens de la Galaxie ?
Valerio Schiti : Pas vraiment, sûrement parce que je m'efforce de ne pas y penser. [rires] Comme ça, j'arrive à tenir la pression venant nécessairement du fait de travailler sur une si grosse série avec autant de lecteurs et de fans. Je n'y pense pas et je fais en sorte de m'amuser et de prendre mon pied avec la série. C'est un plaisir de bosser sur Guardians.

Sur New Avengers, tu as illustré de nombreux personnages de renom. Quelle est ton approche quant au design de chacun de ses personnages déjà bien établis ?
Valerio Schiti : C'est une bonne question parce que j'essaie toujours de m'approprier les personnages, même si je ne sais pas si c'est la chose à faire. J'essaie donc d'en faire une version différente de celle qu'on connait. Par exemple, on m'a souvent dit que mes New Avengers faisaient penser à un boys band [rires] Et ça, en raison de leur aspect juvénile, moins musculeux, beaux gosses...

Et du fait qu'il dansent, aussi !
Valerio Schiti : [rires] Oui, c'est ça. Mais j'ai surtout en tête une certaine idée du personnage, suggérée par le script. Pour te donner un exemple, ma version de Black Panther était très jeune parce que dans le script de Jonathan Hickman, le personnage était surtout défini par sa relation avec son père. J'ai donc voulu en faire un jeune souverain qui ne serait pas encore prêt à assumer son rôle. Et ça, même si cela fait près de trente ou quarante ans qu'il règne sur le Wakanda ! [rires] Mais je voulais que l'on voie clairement sa jeunesse, opposée à l'âge et à la sagesse de son père et aussi le fait qu'il ne soit pas prêt à prendre les décisions qu'il va être amené à prendre. Ce n'est qu'un exemple mais c'est vrai qu'à chaque fois que je dois illustrer un personnage, je cherche un moyen d'exprimer visuellement un de ses traits de caractère ou son humeur. Ma Kitty Pride est très petite, très jeune. C'est une danseuse classique et j'ai donc essayé d'exprimer ça. Peter Quill est plus cool qu'il ne l'était auparavant...

Tu as travaillé avec deux auteurs très connus : Jonathan Hickman et Brian Michael Bendis. Tous les deux ont des approches de l'écriture qui sont très différentes. Les histoires de Hickman sont plus détaillées et plus structurées, en général, que celles de Bendis. Quel type de narration préfères-tu ?
Valerio Schiti : J'ai eu beaucoup de chance d'avoir pu travailler avec Jonathan et aussi de pouvoir travailler, aujourd'hui, avec Brian. Mais leurs styles d'écriture et leurs scripts ne sont pas si différents que ça. Ils sont riches en détails et ils ont aussi en point commun de m'avoir laissé une grande liberté. Sur le premier script qu'il m'a transmis, Brian avait écrit « Valerio : change ce que tu veux, ce ne sont que des suggestions ». Et Jonathan avait eu la même attitude. En fait, l'écriture,Valerio Schiti les scripts sont similaires mais les atmosphères sont différentes. Je ne sais pas comment dire ça mais c'était bizarre, pour moi, de faire les New Avengers parce que j'ai beaucoup d'humour mais New Avengers était une série plutôt dramatique. J'avais donc peur que mon style n'était pas le plus adéquat qui soit pour cette série. Mais j'ai réussi à m'adapter, ce que je voyais comme un défi. Et je suis content d'avoir fait New Avengers car ça m'a permis de m'améliorer, comme illustrateur et ça, quelque part, je le dois à Jonathan.

Dans les Gardiens de la Galaxie de Bendis, il y a beaucoup de dialogues et de bavardages, notamment. As-tu du mal à conférer une certaine dynamique à tes planches quand il y a autant de dialogues ? Parce qu'elles le sont, dynamiques -
Valerio Schiti : Merci !

Ce n'est pas une succession de photocopies...
Valerio Schiti : En fait, il arrive que Brian demande à avoir une succession d'images identiques, pour obtenir un effet comique, un peu comme dans les plans fixes d'une sitcom. C'est parfois indiqué dans le script « On passe de cette scène à une scène strictement identique » mais j'ai quand même l'opportunité de changer les choses. Ce qui est assez drôle. Au début, il ne savait pas que j'appréciais particulièrement l'histoire et j'ai essayé d'apporter des améliorations en essayant principalement d'accentuer l'aspect comique des personnages, y compris les plus sombres, comme Drax. Dans un des premiers numéros, j'ai dessiné Drax, Groot et Rocket en train de fouiller un vaisseau spatial et une des lignes de dialogue était « Oh, mon dieu, on est dans un épisode de Scooby-Doo !» [rires] Quand Brian a vu ma réaction, il a dit « Tu aimes les trucs marrants ? Je vais t'en envoyer ! ». Et, maintenant, la série est nettement plus comique, même s'il y a beaucoup de combats, d'explosions et de méchants extra-terrestres.

En France, on découvre la nouvelle série des Gardiens de la Galaxie depuis le mois de juin. Que peux-tu nous en dire ?
Valerio Schiti : Je ne sais pas quoi te dire [rires] ! Comme tu le sais, il y aura quelques changements dans l'équipe avec l'arrivée de nouveaux membres. Kitty Pride devient un membre à part entière ainsi que la Chose. Au départ, Peter Quill et Gamora ne sont pas là, peut-être reviendront-ils. Ou pas. [rires] Et Rocket deviendra le leader de l'équipe. C'est très drôle.

Rocket est ton personnage préféré, on dirait !
Valerio Schiti : Tout à fait !

Valerio Schiti Tu viens de nous dire que l'équipe a connu des changements, es-tu nostalgique des personnages qui n'en font plus partie ?
Valerio Schiti : Bien sûr ! Et j'ajouterais que j'ai même de la nostalgie envers des personnages qui ne faisaient même plus partie de l'équipe quand j'ai commencé à illustrer la série ! Comme j'ai dit, j'aime m'approprier les personnages que je dessine et aussi souligner leur caractère. C'est pour ça que j'adore quand de nouveaux personnages arrivent et que ceux qui partent me manquent.

Pour en revenir à Hickman et Bendis, tous deux sont aussi dessinateurs. Est-ce que ça a modifié ta façon de travailler avec eux ?
Valerio Schiti : Pas vraiment parce que, comme je l'ai dit, ils m'ont laissé une grande liberté. Ils respectent beaucoup mon travail, mon dessin, mon style... Et ni Brian, ni Jonathan n'ont demandé à ce que je change quoi que ce soit à ce que je leur envoyait. Aucune pression et un vrai plaisir de travailler avec eux.

Est-ce que tu prends le temps de lire des comics ?
Valerio Schiti : Oui, absolument.

Quels sont tes comics préférés, en ce moment ?
Valerio Schiti : J'aime beaucoup Karnak, Moon Knight, Ms Marvel, aussi, ainsi que le run de Brian et de Sara sur Spider-Man, qui est génial. Je suis impatient de pouvoir lire Empress, de Millar et Immonen. Je viens juste de terminer Pluto – ce comics est incroyable. Je viens aussi d'acheter l'intégrale d'Akira, en Italie. Eh oui, je n'ai jamais lu Akira, c'est ma très grande faute ! [rires] La honte.

Si tu avais la possibilité de visiter le crâne d'un artiste, passée ou présente, afin de comprendre son art, ses techniques ou simplement sa vision du monde, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Valerio Schiti : Oh mon dieu, c'est très difficile... Je ne sais pas. Peut-être, parce que j'ai récemment été à une expo qui lui était dédiée, je dirais Alphonse Mucha. J'étais très impressionné par son travail. Ou peut-être Winsor McCay, du côté des comics. Ou Norman Rockwell [rires]

Merci Valerio !