L'histoire :
Ce jour-là, le loup en slip est en train d’étendre sa lessive de slips, lorsqu’on toque à sa porte. C’est maître de Garenne, lapin notaire, qui mesure le périmètre de sa propriété. Il sautille de long en large afin de bien notifier la taille du lopin sur un titre de propriété estampillé d’un tampon-encreur en forme de carotte. Le loup ne comprend pas trop à quoi ça sert, à part devoir payer benoitement quatre sous pour ce travail administratif. Drôle de lapin. Mais le lendemain, lorsque le loup veut se rendre en ville, il se retrouve face à une barrière, qui délimite la propriété de son voisin sanglier. Celui-ci lui interdit d’ailleurs de passer par SA propriété. C’est la loi. Le loup est donc obligé de désescalader la falaise, car la seule voie praticable pour aller en ville lui est désormais interdite. Il passe à côté de la maison d’un piaf qui râle pour cette violation de propriété. Puis il tombe dans la marre privée des grenouilles qui lui réclament 3 sous pour la baignade. Il en va ainsi de toute la forêt, désormais divisée en centaines de lopins bien délimités, appartenant chacun à un habitant. Même le marron qui tombe sur son crâne appartient à un gentil ver, avec lequel le loup partage son sentiment…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Notre gentil Loup en slip se retrouve confronté, dans ce tome 9, à l’entreprise d’un escroc de délimiter la forêt dans laquelle les animaux vivent, en une multitude de parcelles. En effet, une fois les périmètres bien délimités, ces lopins peuvent être loués à autrui, pour usage de leurs caractéristiques ou un simple droit de passage… sans compter que l’acte de délimitation est également lucratif pour ledit escroc ! « La propriété, c’est le vol » disait déjà Proudhon au XIXe siècle. Le Loup en slip prend bien la mesure de ce que le mercantilisme poussé à son paroxysme représente. Car si l’accès à une parcelle d’arbres devient payant, il devient également logique de rentabiliser en sus la respiration de l’oxygène produit par ces arbres ! Accompagné du dessin expressif de Mayana Itoiz, Wilfried Lupano s’amuse une fois encore, avec toute la verve poétique qui le caractérise, d’une de nos Mythologies sociales (au sens barthesien du terme) : la spoliation de territoire. Cela dérive aussi sur un sujet écologique bien réel : l’appauvrissement de la terre si elle perd ses lombrics (une biomasse encore supérieure à celle des humains : les lombrics aèrent le sol, recyclent la matière organique et contribuent à la fertilité des écosystèmes). Heureusement, le loup ne manque pas d’astuces pour ramener tout le monde à la raison.