L'histoire :
Ric Hochet, le commissaire Bourdon et Nadine reçoivent un étrange courrier signé Léonard Z Swift. L’expéditeur se présente comme écrivain, joint à son envoi une photo montrant des empreintes dans la neige – sans qu’aucune silhouette ne les accompagne – ainsi qu’un livre et une carte. Il affirme que des événements effrayants sont sur le point de se produire dans son village et demande leur aide. Intrigués, tous trois prennent aussitôt la route pour Mâlemort, un hameau de 207 habitants perché à 1700 mètres d’altitude, dans les Pyrénées. Ancienne station de tourisme aujourd’hui désaffectée, l’endroit, isolé et pittoresque, semble tout droit sorti d’un roman gothique. Sur place, un coiffeur leur indique la maison de Léonard Z Swift, qui se révèle être en réalité un certain Joseph Dupont, écrivain local un brin fantasque. Il leur demande de parler à voix basse : « Les spectres de la nuit nous écoutent ». Swift leur raconte comment il a capturé cette étrange photo : des empreintes apparaissant dans la neige, sans personne pour les laisser. La nuit tombée, alors que Bourdon et Ric discutent, un cri les interrompt. Nadine, terrifiée, leur dit avoir vu un visage blafard à sa fenêtre. Un grincement sinistre a précédé l’apparition, et une croix a été gravée sur la vitre de sa chambre. Qui rôde autour de la maison ? Ric Hochet et le commissaire Bourdon sont bien décidés à tirer cela au clair.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les Spectres de la Nuit figure parmi les sommets de la série Ric Hochet. Ce n’est pas un hasard si ce onzième tome, publié en 1971, reste encore aujourd’hui aussi marquant. André-Paul Duchâteau y déploie son art du suspens avec une rigueur quasi chirurgicale : chaque rebondissement est pesé, chaque détail instille un soupçon de doute. Le cadre – un village isolé des Pyrénées – devient un personnage à part entière, propice aux angoisses, aux non-dits, aux superstitions. Le scénario joue brillamment avec les codes du fantastique, tout en les ramenant habilement dans le champ du rationnel, à la manière d’un bon whodunit. On y devine l’influence d’Hitchcock, dans ce mélange d’angoisse diffuse et de tension progressive, où l’étrange côtoie sans cesse l’explication plausible. La galerie de personnages secondaires renforce encore cette impression : un écrivain fantasque, un simple d’esprit, un médecin, un vieux père Amédé dévalant les pentes enneigées en voiture… Autant de figures qui nourrissent le mystère, tout en offrant des respirations parfois humoristiques. Le dessin de Tibet atteint ici une belle maturité : le trait est expressif, vif, capable de figer la peur sur un visage comme de suggérer la menace par un jeu d’ombres bien senti. Certaines scènes restent en mémoire – l’incendie de l’école, l’apparition à la fenêtre, les empreintes dans la neige – autant d’images qui frappent et marquent durablement l’imaginaire. Enfin, difficile de ne pas mentionner la couverture mythique de l’album, silhouette spectrale dans la nuit, qui donne le ton dès les premières secondes. Les Spectres de la Nuit, c’est du grand Ric Hochet : mystérieux, haletant, maîtrisé de bout en bout.