interview Bande dessinée

David Etien

©Vents d'Ouest édition 2012

Dès le premier tome, les Quatre de Baker Street, une série conjointement écrite par Jean-Blaise Djian et Olivier Legrand, a immédiatement montré un large potentiel narratif et visuel. La plus-valu qui a installé le titre parmi les indispensables se trouve sans doute du côté du dessin de David Etien. Ce jeune dessinateur, entrevu sur le western Chito Grant, nous illumine les pupilles avec un trait léché et des décors à tomber. Et il semble progresser à chaque album ! Nous avons donc questionné David Etien sur sa méthode et ses débuts remarqués dans le monde du 9ème art...

Réalisée en lien avec l'album Les quatre de Baker street T4
Lieu de l'interview : Festival Quai des Bulles à St Malo

interview menée
par
18 octobre 2012

© David Etien - GlénatBonjour David Etien, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé dans la bande dessinée ?
David Etien : Je suis Davien Etien, le dessinateur des Quatre de Baker Street. J'aime la bande dessinée depuis tout petit, j'ai fait des études de graphisme. J'ai travaillé dans la publicité, côté visuel, puis j'ai testé mon dessin dans l'animé. Le but a toujours été de sortir ma propre bande dessinée. Cela m'a amené à faire une trilogie, Chito Grant, qui m'a permis de me former, de m'affirmer dans mon trait, dans mon approche. Depuis 2009, je suis sur ma seconde série.

Les Quatre de Baker Street, donc, est ta seconde collaboration avec Jean-Blaise Djian…
DE : Oui et je tiens à préciser qu'elle est aussi scénarisée par Olivier Legrand. J'ai appris à connaître Jean-Blaise, je sais comment il bosse, ce qu'il attend aussi. Le plus intéressant à mes yeux, c'est qu'il n'est pas trop directif. Cela nous permet de faire pas mal d'allers-retours entre nous lors de l'élaboration des albums. On se remet toujours en question et en plus avec Olivier, cela apporte un regard supplémentaire. Ils travaillent ensemble sur d'autres projets. Olivier amène la matière, Jean-Blaise la met en forme et apporte un découpage à tout ça.

La série des Quatre de Baker Street a reçu dès sa sortie un excellent accueil public et critique…
DE : L'éditeur est content, on est content, donc tout va bien. Ce qu'il y a de bien avec notre série, c'est qu’elle touche un public très large. Avec Chito Grant, je touchais plutôt des lecteurs de 40 à 60 ans. Or à présent, j'ai des enfants qui accrochent. Je pense toutefois qu'il y a des choses dans les Quatre de Baker Street qu'ils ne perçoivent pas, comme la prostitution. De fait, les lecteurs plus âgés ont un autre sens de la lecture.

Dès le premier album des Quatre de Baker Street, tu as montré des dessins d'excellente facture. Sur les suivants, tu t'améliores encore… Comment fais-tu ?
DE : Je m'appuie sur énormément de documentation. On est parti sur la volonté de retranscrire au mieux le Londres du XIXème siècle. Si on veut bien le faire, il faut le faire à fond. Je mixe tout ça et je retravaille l'ensemble. Sur les deux premiers tomes, j'avais peut-être eu tendance à appuyer un peu trop sur les détails. Je trouve que cela manquait de respiration. Les lecteurs sont demandeurs de plein de détails, mais il faut que l'ensemble respire. A présent, je suis plutôt satisfait de mes cases et je n'ai pas bradé mes albums.

© David Etien - Glénat

Le personnage de Sherlock Holmes n'apparaît que dans le troisième opus. Tu n'as pas eu trop de pression à croquer ce légendaire enquêteur ?
DE : Il y avait effectivement un aspect très dirigiste : le personnage et l'univers ont été tellement de fois traités, que je ne pouvais pas apporter de véritable idée sur cela. Du coup, on s'appuie sur les bases en place, mais en même temps, on ne veut pas les mettre en avant du tout. On ne veut le montrer qu'un minimum, un peu comme les adultes dans les dessins animés de Tex Avery où l'on ne voyait que les jambes. Certes, sur le troisième album, il fallait le montrer en entier, donc...

© David Etien - Glénat Sur les trois premiers albums, chaque volet mettait en avant l'un des membres de la fine équipe d'enquêteurs. Sur le quatrième, vous ne vouliez pas mettre en avant le chat ?
DE : Le problème est qu'il ne parle pas ! J'essaie toujours d'intégrer des petites scènes sur le chat et de lui donner un vrai rôle. Il n'est pas majeur mais reste important !

La série est-elle prévue sur plus de 4 tomes ?
DE : Oui, on est en train de voir pour un cinquième et un sixième tomes. On veut essayer d'éviter de tomber dans la mécanique de l'album enquête. Il y aura donc de nouvelles approches.

Vous allez faire grandir les personnages ?
DE : Humm… On s'adapte surtout à la chronologie holmesienne. Le quatrième album débute par la mort de Sherlock Holmes dans les Alpes suisses. Je n'ai pas trop envie de les faire grandir. On est obligé d'y passer, mais le plus lentement possible.

As-tu déjà envisagé de futurs projets ?
DE : Non, je me mets à fond sur la série. Je prends un maximum de temps dessus et je fais le dessin et la couleur. De temps à autres, j'ai aussi des petits projets dans le dessin animé qui me permettent de faire une pause. Je suis obligé de me cantonner à une bibliothèque esthétique très précise et ça change. A ma sortie des Gobelins, j’ai participé à certains décors de Persépolis. Je me suis d'ailleurs spécialisé dans les décors et le plus souvent en pré-production. Je mets en place les perspectives. J'ai travaillé sur un Lucky Luke, sur un projet de Tardi qui verra peut-être le jour dans les années qui viennent et aussi sur Le jour des corneilles.

Tu aimerais voir Les Quatre de Baker Street en version animé ?
DE :Oui mais je suis conscient que c'est totalement utopique. Ce n'est pas comme au Japon où dès qu'on passe un cap de vente, la série est adaptée par un studio. En France, monter un projet est chaotique. J'aimerais, mais cela s'annonce compliqué.

Quelles sont tes références ?
DE :Elles sont multiples. Depuis quelques mois, je me suis remis aux mangas (j'avais lâché depuis DragonBall). J'ai eu ma période comics, ma période franco-belge… Du Franquin. J'essaie de lire tout ce que je peux. J'ai besoin de me prendre des claques graphiques régulièrement. Dernièrement, j'ai découvert Charles Dana Gibson et ça m'a mis une grosse gifle. C'est hyper motivant.

© David Etien - Glénat



As-tu eu des coups de cœur récemment ?
DE : J'aime beaucoup ce que fait Simon Andriveau sur Le grand siècle. Il lâche totalement son trait et c'est assumé, j'adore. Je lis aussi Bakuman des auteurs de Death Note. Lire le quotidien des auteurs de BD, les voir s'affronter, ils en ont fait un résultat très catchy. Il y a ce côté typiquement shônen où on fait plein de nuits blanches et on a la patate !

Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre son génie ou son art, qui irais-tu visiter ?
DE : J'aimerais bien avoir le côté mystérieux de certains dessinateurs. Je cherche avec quelles techniques ils ont pu m'éblouir. Non, j'en sais rien. J'ai pas envie !

Merci David !

© David Etien - Glénat