interview Bande dessinée

Philippe Pelaez

©Des bulles dans l'océan édition 2017

Philippe Pelaez, professeur d'Anglais dans la vraie vie, est aussi devenu scénariste de bandes dessinées « par accident ». Il faut croire qu'il y a des accidents heureux... Au sein des quatre séries parues à ce jour sous sa signature (et bien plus encore à venir...), il fait montre d'une belle maîtrise narrative et d'un éclectisme de genres étonnant. Nous l'avons rencontré dans le cyber-espace, car le billet d'avion pour l'île de la Réunion, où il vit, était un peu cher. En plus, il parait qu'une épidémie bizarre et inquiétante sévit à bord...

Réalisée en lien avec l'album Fièvre T1
Lieu de l'interview : le cyber-espace

interview menée
par
15 septembre 2017

Bonjour Philippe. Pour faire connaissance, peut-on te laisser te présenter : qui es-tu ?
Philippe Pelaez : Je suis prof d'anglais à la Réunion où je vis depuis une douzaine d'années avec ma femme et mes trois enfants. J'ai enseigné un peu partout, dans mon Sud-ouest natal, dans l'est de la France, et en Polynésie.

Comment en es-tu arrivé à écrire des scénarios de bandes dessinées ?
PP : Par le plus grand des hasards. Je faisais intervenir Olivier Giraud, un dessinateur réunionnais, dans l'atelier cinéma que je dirige dans mon collège. De fil en aiguille, au cours des nombreuses discussions que nous avons eues, Olivier m'a proposé de lui écrire une histoire en m'inspirant de la superbe peinture d'un chevalier qui semblait assez désabusé ; ainsi est né Gaultier de Châlus. Mais ce n'est pas forcément surprenant : j'écris depuis toujours, et j'ai toujours eu dans l'idée de faire une pause professionnelle pour écrire un roman. Si j'osais, je dirais que la BD est un accident, et que je suis un imposteur.

Olivier Giraud à gauche, Philippe Pelaez à droite
Olivier Giraud à gauche, Philippe Pelaez à droite


Tes récits abordent des registres variés : le médiéval fantastique avec Gaultier de Châlus, le cross-over littéraire et victorien avec Oliver & Peter, la science-fiction avec Parallèle et enfin l’anticipation post-apocalyptique avec Fièvre… Pourquoi un tel éclectisme ? Quel est ton moteur ?
PP : Je pense que tous les scénaristes et les écrivains se nourrissent de leurs expériences personnelles, de ce qu'ils ont vu, de ce qu'ils ont lu. J'ai, pendant des années, dévoré une quantité astronomique de livres, et vu un bon nombre de films (étant également enseignant en cinéma-audiovisuel). Je peux passer sans problèmes de Zola à Stephen King, ou de Fritz Lang à Tarantino. J'ai également eu la chance de voyager un peu partout dans le monde, de voir beaucoup de choses, et de rencontrer beaucoup de gens. Il n'y a pas un thème ou un genre que j'aime plus qu'un autre ; j'aime tout, tout simplement.

Pour appâter le chaland, saurais-tu nous faire un petit pitch (court) de ces 4 séries ?
PP : Gaultier de Châlus est un mercenaire désœuvré au passé trouble qui affronte, dans chaque tome, d'improbables créatures issues du bestiaire médiéval.
Parallèle est un récit de « hard SF » dans lequel des hommes échoués sur une planète inconnue affrontent leurs propres doubles.
Oliver & Peter relate la rencontre entre Oliver Twist et Peter Pan qui ne sont que les miroirs torturés de leurs auteurs, Dickens et Barrie, privés d'amour maternel.
Dans Fièvre, l'île de la Réunion est coupée du monde, suite à une terrible pandémie ; des hommes et des femmes se livrent une lutte sans merci pour leur survie.

Parallèle, avec Laval NG au dessin
Extrait de Parallèle, avec Laval NG au dessin


Y a-t-il d’autres registres auxquels tu aurais envie de t’essayer ? (le western érotique ? le conte jeunesse d’horreur ?...)
PP : Le western érotique ? Tu me donnes des idées ! Et bien... le western érotique ! Blague à part (quoique...), mes futures parutions seront encore très différentes.

Tu publies moitié chez l’éditeur réunionnais Des bulles dans l’océan, moitié par le biais du financement participatif de Sandawe, pourquoi ?
PP : Jean-Luc Schneider, l'éditeur de DBDO, nous a donné notre chance avec Gaultier ; et j'ai très vite eu l'idée de Fièvre, il y a quatre ans maintenant. Pour une histoire se passant à la Réunion, le choix de DBDO me semblait évident ; Antonion Menin m'avait été conseillé par Guillaume Martinez, l'auteur du Monde de Lucie. Quant à Sandawe, c'est une belle rencontre avec Patrick Pinchart et toute son équipe, mais aussi avec mes dessinateurs, Cinzia Di Felice et Laval NG, ainsi qu'avec des « édinautes » (investisseurs) qui sont devenus mes amis. Le crowdfunding est une aventure particulière, qu'il convient d'aborder avec une grande motivation, sous peine d'échec cinglant. J'y ai financé 6 projets (les 3 tomes de Parallèle et d'Oliver & Peter) en trois ans. Je ne me plains pas, mais ça peut être très fatigant.

Concernant DBDLO, y-a-t-il une émulation de « bande dessinée réunionnaise » ?
PP : La Réunion possède un gros vivier de talents divers et variés ; et Internet abolit les distances. Je participe d'ailleurs, avec une petite bande de passionnés, à l'organisation du festival biennal Cyclone BD, un des 100 évènements du Grand Tour culturel de la francophonie. Ce festival permet de réunir les nombreux auteurs réunionnais et des artistes européens. Cette année, nous accueillerons d'ailleurs Loisel, Tripp, Boucq, Lauffray, Jul, Achdé, Sente, Jigounov, Fabcaro, Bileau, Pellejero, et d'autres, encore. Un beau plateau !

Mon petit doigt me dit que tu as pas mal de projets au sein d’autres maisons d’édition… peux-tu en parler ?
PP : J'ai signé cette année chez Casterman, pour une comédie qui va dépoter, avec Javier Casado au dessin (il vient de commencer, d'ailleurs) : Un peu de tarte aux épinards. Chez Ankama, je mène un projet avec Carlos Puerta, Maudit sois-tu, en trois tomes, ainsi qu'un autre avec Federico Ferniani, De Bruit et de Fureur. J'ai également deux autres scénarios à l'étude, pour lesquels j'espère une issue favorable.

Oliver & Peter, avec Cinzia Di Felice au dessinOliver & Peter, avec Cinzia Di Felice au dessin


Y-a-t-il des dessinateurs avec lesquels tu rêverais de collaborer ?
PP : Tous ! La liste est donc trop longue, même si j'ai un faible pour Hérenguel, Labiano, Xavier, Laufray, Guillaume Martinez, Jef, Perger et... bon, j'arrête là !

Quelles sont tes BD cultes, les séries et/ou albums et/ou auteurs qui te subjuguent ou qui t’ont donné envie de faire de la BD ?
PP : Ça rejoint un peu la question sur mes sources d'inspirations. Je lis de tout, vraiment. Mais si je devais, hélas, en sélectionner quelques-unes, je choisirai Les Tours de Bois-Maury, Thorgal, Les Tuniques Bleues, Rahan, et les œuvres de Gotlib et Franquin.

Si tu avais le pouvoir cosmique de rentrer dans le crâne d’un autre auteur, pour comprendre son génie ou percer un de ses mystères, chez qui irais-tu faire un tour et pour y trouver quoi ?
PP : Si c'était un auteur de BD, Van Hamme ; un romancier, Stephen King ; un scénariste de cinéma, Andrew Niccol. Mais si quelqu'un pouvait venir dans mon crâne et y faire un peu de ménage, aussi, ce ne serait pas plus mal. Car c'est vraiment le bazar, dedans.

Merci Philippe !

Gaultier de Châlus avec Olivier Giraud au dessin
Gaultier de Châlus avec Olivier Giraud au dessin