interview Bande dessinée

Fred Duval

©Delcourt édition 2005

Le scénariste Fred Duval sort trois albums en deux mois d'intervalle, sous le label Série B de Delcourt : Hauteville House 2 (une fiction/western digne de Jules Verne), un second recueil de récits Carmen + Travis, et surtout, Karmatronics 1, série parallèle à Travis développant les aventures du hacker Pacman. Les bédiens ont eu une sérieuse envie d'en savoir plus...

Réalisée en lien avec l'album Travis Karmatronics T1
Lieu de l'interview : Salon du livre de Paris & Cyber espace

interview menée
par
8 juin 2005

Bonjour Fred ! - Les albums que tu scénarises s'inscrivent tous clairement sous le label Série B, dirigé par Olivier Vatine & Fred Blanchard. Tu as même « mis au point » Carmen Mac Callum avec Fred Blanchard... Et ce n'est que maintenant que tu travailles enfin en vrai duo avec lui sur une série ! Pourquoi ce délai ?
Fred Duval : Tout simplement parce que depuis 10 ans, Fred Blanchard n'avait pas signé d'album de bande dessinée seul. Il a travaillé avec Vatine sur les Star wars, il a contribué à Carmen, à Tao Bang et donné des coups de main décisifs dans toutes les Séries B... Il y a 3 ans, il a accepté de faire un des récits courts de Carmen + Travis. Chemin faisant, il s'est rendu compte que 8 pages étant déjà faites, il n'en restait que 38 à réaliser pour avoir un album rien qu'à lui. Je suis très fier qu'il ait réalisé son retour à la BD sur un des mes scénario. Pour moi, c'est une reconnaissance de mon travail qui a plus de valeur qu'un prix.

Parlons tout d'abord de Karmatronics. Est-ce en réalisant les 8 (premières) planches initialement pour Pavillon rouge, que tu as vu qu'il y avait matière à étendre le sujet sur la réalité virtuelle ?
Fred Duval : J'avais envie de développer ces aspects de la vie de Pacman depuis longtemps. Dans le tome 3 de Travis, on voyait Pacman jouer dans la matrice avec un T. Rex, mais les priorités du scénario du premier cycle de Travis et les limites de pagination ne m'avaient pas autorisé à aller plus loin...
Au départ, donc, le 8 pages était l'occasion de revenir sur le côté dinosaures dans la matrice. Mais les réalités virtuelles, je les aborde depuis 10 ans, il y en avait dès le premier tome de Carmen en 1995. Karmatronics, c'est l'occasion de s'y attarder en compagnie d'un personnage qui m'est cher : Pacman.

Karmatronics va au-delà du simple récit d'action de SF, et pose de vraies questions éthique ou philosophiques sur le « sens » de la réalité virtuelle. Y a-t-il un message que tu souhaites faire passer ?
Fred Duval : Ben, le message c'est aux lecteurs de le trouver ;-)... Je ne pense pas avoir fait un scénario qui démontre quoi que ce soit. Mais nous nous sommes, Fred Blanchard et moi, interrrogés sur les réalités virtuelles, le réseau, tels qu'on les connait aujourd'hui... Au départ, Internet a permi de formuler des utopies, on y voyait l'émergence possible d'une nouvelle conscience planétaire. Puis les start-up sont arrivées... C'est un peu comme la télévision : formidable outil pour transmettre le savoir et/ou machine à rendre le cerveau disponible pour cocapepsi ?

Qu'est-ce qui t'a inspiré pour cette série ?
Fred Duval : Au départ les Utopies pirates du XVII et XVIIIe siècle. L'idée était de rapprocher ces utopies (certaines sociétés pirates fonctionnaient selon les règles de la démocratie) aux pirates informatiques actuels.

L'univers de Travis est-il encore amené à s'étendre à travers d'autres séries ou personnages (Vlad ?) ?
Fred Duval : Il n'y a pas de "plan de développement". Nous avons intégré un épisode de Vlad Nyrki au cycle Travis actuel. C'était l'album Topkapi dessiné par Ludwig Alizon. C'était une expérience très sympa. La seule série supplémentaire qui est prévue concerne Carmen mc Callum, ce sera avec Didier Cassegrain au dessin et ça devrait sortir en 2006. Aujourd'hui, sort aussi le second volume de Carmen + Travis les récits.

Visuellement, Karmatronics est déroutant, en raison des multiples apparences des mondes informatiques. Comment travailles-tu sur ces aspects avec Fred Blanchard ?
Fred Duval : Je lui ai proposé une trame très précise. Le scénario était construit autour d'une "chute" (la dernière page) qu'il fallait "amener". J'avais un objectif pour le contenu (les confrontations utopies/missions/buziness)... Le reste est venu lors de nombreuses discussions. Lors des découpages, je n'étais aussi précis que lors d'un album "normal". Je suivais Fred de près et rebondissait sur des propositions graphiques, des lieux etc.

Y a-t-il un nombre de tomes défini ?
Fred Duval : Nous souhaitons en réaliser 3.

Changeons de série. Comment t'est venue l'idée de Hauteville House ? Faut-il y voir un lien avec la « Maison Delcourt », justement située rue de Hauteville ?
Fred Duval : Aucun lien sinon une agréable coincidence. A tout dire, quand j'ai proposé le titre ("Hauteville House" est vraiment le nom de la maison qu'Hugo occupait lors de son exil à Guernesey) je ne l'étais même pas rendu compte que c'était l'adresse des éditions Delcourt à Paris.

A quel genre appartient Hauteville House ? Steampunk ?
Fred Duval : Oui... Je pense à un genre plus large, plus grand public que le Steam Punk. Des aventures dans un monde comme Jules Verne aurait pu l'imaginer.

Comment a germé l'idée de cette série ? En combien de tomes est-elle prévue ?
Fred Duval : Aucune limite de tome. Pour le moment, le premier cycle se terminera au tome 4, ensuite j'ai un second cycle en 2 ou 3 épidodes... Bref, ça en fait encore 5, et ça nous mène en 2010, si le dessinateur ne se sectionne pas un bras en tondant sa pelouse... On en reparlera donc en 2010 :-) L'idée est venue au début des années 90 lorsque j'ai lu, sur les conseils de Thierry Cailleteau, Les voies d'anubis de Tim Powers... Je me suis dit que ce serait sympa de décaler géographiquement le genre (de l'angleterre victorienne à la France Napoléonienne)... Ensuite, 7 ou 8 ans se sont écoulés, j'avais le personnage de Gabriel (Gavroche)... Mais il manquait la rencontre avec un dessinateur... Ca c'est fait lorque Thierry Gioux m'a demandé si j'avais quelque chose dans mes cartons. Il voulait faire du western, je lui ai proposé Hauteville House.

Tu n'aurais pas envie, un jour, de scénariser une série entièrement dessinée par Manchu ?
Fred Duval : Pourquoi pas ;-) J'aime beacoup son travail ! Faire un album de BD, ce serait un évènement, et tout comme pour Blanchard, ce serait un plaisir :-)

Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Fred Duval : En ce moment ? 20th century boys ! Sinon, une trilogie que j'ai beaucoup aimé : Norbert l'Imaginaire de Gueret et Vadot.

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d'un autre auteur de BD, chez qui aurais-tu élu domicile ?
Fred Duval : Goscinny en 67- 68 : La diligence, le pied tendre, Astérix légionnaire, Le bouclier arverne, Astérix aux jeux olympiques... et la gestion de la "révolution" Pilote.

Merci Fred !